La sonnerie venait de retentir. Devant le miroir placé sur le mur des toilettes des filles, Clara observait son œil. Elle fit couler l'eau froide et passa sa main en dessous pour apporter de l'eau jusqu'à son œil droit. Un énorme coquart vert virant au jaune s'y était logé depuis deux jours. Elle avait passé le portail en le dissimulant sous sa main, mais elle savait très bien qu'en passant la porte des cours, elle allait devoir montrer à tous qu'elle s'était faite frappé. Ou auraient-ils pu croire qu'elle s'était battue. La deuxième solution allait sans doute être privilégié, et des rumeurs allaient de nouveau courir sur elle dans la totalité du lycée. On allait de nouveau se moquer, la regarder de travers, et c'était la vie qui allait reprendre son court. Elle apporta de l'eau sur son visage, décrocha un papier pour s'essuyer les mains, plaça son sac noir sur son épaule et passa la porte.
Son papier jaune de retard dans la main, elle frôlait les murs du couloir pour atteindre sa salle. Parfois, elle se demandait pourquoi est-ce que personne n'ouvrait les yeux. Pourquoi est-ce que aucun de ses professeurs n'allaient prévenir le directeur que l'une de ses élèves se ramenaient en cours avec des écorchures au visage ou des coquart. Pourquoi est-ce que tout le monde restait les yeux fermés pendant qu'elle vivait un enfer quasi permanent. Les lycéens préféraient écouter les ragots, les modifier et en créer d'autres. Les professeurs préféraient ne se mêler de rien et attendre la paye à la fin du mois. Seul monsieur Hantz était au courant de ce qu'il se passait, mais elle ne voulait pas qu'il en parle. Il était si jeune, si gentil, il ne devait pas sacrifier sa carrière pour elle, car elle même savait très bien que si sa tante venait à passer devant le juge, elle retournerait la situation et son professeur passerait en jugement à son tour. Elle avait beau ne rien avoir dans la tête, elle savait se montrer méchante et sans pitié.
-Clara ?
Elle sortit de ses pensées et remarqua qu'elle était au seuil de la porte de cours, les regards dirigés vers elle. Son professeur de sciences la regardait, sans bouger, près du tableau. Sans le remarquer, elle avait frappé à la porte, et elle avait dû rester immobile pendant un moment, sans même s'en rendre compte. Elle posa le billet sur la table, et prit place sur sa chaise. Elle n'eut le temps de sortir sa trousse que les chuchotements commençaient. La roue était de nouveau en marche. Clara ne se doutait pas qu'elle en viendrait à regretter rapidement d'avoir quitter les champs où elle y avait travaillé. Elle savait qu'elle y aurait penser, mais venir à en regretter si rapidement, c'était du jamais vu. Elle posa son cahier sur sa table et se mit à rêvasser durant les deux heures de cours qui suivirent.
Réveillée, elle leva sa tête de ses bras et la cloche sonna. Les élèves de sa classe sortirent en masse de la salle, la laissant ainsi seule. Elle se leva, rangea ses affaires, plaça son sac sur son dos et sorti avant que le prof ne ferme la porte de cours. Elle n'avait absolument rien écouté, et ça lui était égal. Elle n'allait surement pas arriver jusqu'au bac, elle savait pertinemment que quelque chose allait se passer dans sa vie et que la table comportant son nom durant l'examen resterait inerte et qu'elle ne viendrait pas s'y asseoir. Jamais.
Sa capuche sur sa tête et sa main cachant son œil, elle passa à travers l'immense foule de lycéens collée contre les casiers et se dirigea à sa prochaine salle de cours. Littérature. Monsieur Hantz allait-il être de retour ? Cela faisait plus de trois semaines qu'elle ne l'avait vu, et elle espérait au fond d'elle qu'il se soit remis de sa rupture avec sa petite-amie. Elle s'adossa au mur du couloir, proche de la porte et se laissa glisser contre le mur. Elle n'avait revu Jordi depuis qu'ils s'étaient quitté dans le bus après avoir fini la semaine aux champs. Pensait-il à elle ? Allait-il bien ? Comment allait-il réagir en apercevant l'énorme coquart qui prenait tout son œil et qui montait jusqu'à son sourcil ? Il avait dit qu'il viendrait à intervenir si sa tante continuait à la battre, pourtant si il souhaitait l'aider, il fallait tout faire sauf cela.

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Interversion
Fiksi UmumFaut-il jouer avec le feu lorsque la victime n'est rien d'autre qu'une allumette qui ne demande qu'à être allumée ? Clara, jeune fille de dix-sept ans battue et non désirée par sa tante, se trouve en Première lorsque le harcèlement scolaire devient...