Cela fait un moment que je ne t'ai pas ouvert, je pense que je t'ai posé au fond de ma commode lorsque ma vie a basculé. J'aimais écrire ce qu'il se passait, les moments de bonheur que je vivais avec mes ''amies'' alors qu'en réalité, ça n'en étaient pas. Lorsque l'on y pense, nous n'avons pas de réels amis dans la vie, ils viennent vers nous par intérêt. Parfois je me demande, si un jour je venais à commettre un crime, sans pour autant que je sois une tueuse, si par exemple j'avais tiré avec une arme que je croyais être déchargée, sur quelqu'un. Je me demande à qui je pourrais l'avouer. J'aurais besoin de conseil, si par exemple le mieux serait que j'aille au commissariat ou si je devais cacher le corps, l'enterrer pour ne pas me faire arrêter. Enfin bon, je me demandais vers qui je me tournerais, et je remarque que je n'en ai aucune idée. En réalité, le seul prénom qui m'était venu en tête était celui de mon professeur de littérature, monsieur Hantz. Je sais au fond de moi, qu'il trouverait les bons mots pour me faire choisir la bonne décision, et je sais qu'il ne me regarderait pas comme une tueuse, qu'il essayerait de comprendre et qu'il ne me laisserait pas tomber. Je sais aussi au fond de moi que Jordi resterait près de moi, qu'il essayerait de faire taire le lycée sur les mots plus immondes les uns que les autres qui seraient employés pour moi, mais je ne sais pas si Jordi m'aimerait pour toujours. C'est vrai, c'est une sorte d'amourette notre couple. Je suis folle de lui (même si je ne le montre pas, je l'avoue) et il semble n'avoir de yeux que pour moi. Mais pourrait-il attendre pendant vingt ans, si je venais à aller en prison et que ma peine était de vingt ans de prison ? Je ne savais pas. En revanche, monsieur Hantz, j'en étais persuadée, serait devant la porte de la prison lors de ma libération. Tout ça pour dire que je n'ai pas réellement d'amies, et que celles que je croyais auparavant être des amies ne sont que des filles superficielles, surfaites, qui ne pensent maintenant qu'à sortir avec le garçon le plus populaire de leur lycée.
Quand je relis les premières pages de toi, mon journal, je remarque qu'avant, j'étais heureuse. Je croyais en l'amour, je croyais en l'espoir, en le fait que tout pouvait changer dans une vie, que tout pouvait s'améliorer et tout pouvait se réaliser si on y mettait entièrement du sien, si on y croyait aussi fort. En réalité quand je lis ces pages aujourd'hui, j'en ai les larmes aux yeux. Car j'essaye au fond de moi de rechercher ce que je possédais auparavant mais je ne les trouve pas. Je pense que j'ai perdu ces qualités à tout jamais. Lorsque je lis les délires que j'avais avec mes anciennes amies, le jour où le plus beau garçon de la classe m'avait demandé une gomme et que je la lui avais prêté, je me rends compte que j'étais innocente. Je ne pouvais m'empêcher de sourire, je ne voulais que plus personne ne touche à cette gomme car il l'avait touché. Puis le jour où je me pliais dans tous les sens sur l'herbe devant un parc et que mon jean usé avec craqué. Nous avions littéralement pleuré de rire. Une ancienne amie m'avait prêté son pantalon de sports et je l'avais enfilé pour ne pas que les passants puissent voir ma culotte rose à étoiles argentés. J'étais innocente, et heureuse.
Lorsque je suis sorti du lycée ce soir, j'ai aperçu Jordi en train de parler avec Anthony. Ça avait l'air de chauffer. Tout le monde les regardait, mais ils ne s'en occupaient pas, Anthony n'osait broncher en réalité. Jordi le traitait d'idiot, lui disait d'arrêter ce qu'il disait, faisait et de ''la'' laisser en paix. Je ne savais pas réellement de qui il parlait. Peut-être était-ce de moi ? C'est ce que j'ai pensé, alors je m'en suis allée après avoir vu Jordi poser ses mains sur le torse d'Antho et de le pousser sur plusieurs mètres. Anthony restait de marbre, il essayait de le calmer, mais Jordi haussait de plus en plus la voix. Je ne l'avais jamais vu ainsi. Des frissons m'ont parcourus les orteils et ont fini au sommet de mon crâne. Je pense que j'étais aussi effrayée qu'Anthony, c'est pour ça que je m'en suis allée. J'ai réellement peur que Jordi finisse comme moi, qu'il mette ses amis à dos et qu'il se retrouve seul par ma faute, c'est la dernière chose que je désire.
J'entends ma tante monter les escaliers bruyamment, je pense qu'elle va encore m'accuser de quelque chose que je n'ai pas fait, tout à l'heure elle a fait tomber un verre sur le sol et elle a hurlé que c'était moi qui l'avait mis là, alors que ça n'était pas le cas. J'envie tellement ta vie cher journal. Tu es comme un confident au fond. Passe une bonne soirée, je vais tacher de faire de même.

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Interversion
Ficción GeneralFaut-il jouer avec le feu lorsque la victime n'est rien d'autre qu'une allumette qui ne demande qu'à être allumée ? Clara, jeune fille de dix-sept ans battue et non désirée par sa tante, se trouve en Première lorsque le harcèlement scolaire devient...