Monsieur Hantz monta les marches de l'estrade et se dirigea lentement, tête baissée, vers le micro qui l'attendait en plein milieu de la scène. Placé devant le micro, il leva lentement la tête pour observer la salle remplie de monde. Certains visages lui était familier, certains étaient ses élèves, d'autres non. Jamais il n'avait eu une aussi imposante boule au bas du ventre. Des frissons lui parcouraient le corps, il cherchait désespérément dans la salle le visage de son ancienne élève pour lui prouver que tout cela n'avait réellement eu lieu, que tout cela n'était qu'un cauchemar qui allait rapidement prendre fin. Mais il ne le vit pas. Seul restait le portrait de Clara qui avait été placé sur un grand chevalet à droite du micro. Elle souriait. Jamais il n'avait pu avoir la chance de la voir sourire ainsi, jamais il n'avait pu la faire sourire comme cela. Son visage illuminé remontait quelque peu le morale de monsieur Hantz, mais cette photo le dégouttait de même. En réalité cela faisait bien des mois, bien des années qu'elle n'arrivait plus à sourire, à être heureuse. Il cru soudainement devenir fou. Il entendait son timbre de voix. Cette fine voix. Cette fine voix qu'il entendait peu auparavant, mais qui résonnait désormais dans son esprit. Inconsciemment il avait tout mémorisé d'elle. Son visage, sa voix, la tristesse qui était tant représentée au fond de ses yeux lorsque l'on prenait le temps de l'observer.
Il sentit petit à petit son corps trembler. Il ne voulait pas s'anéantir devant une aussi grande foule. Ça n'était pas que c'était la honte, au diable la honte ! Il savait juste que Clara n'aurait souhaité le voir ainsi, elle aurait souhaité le voir fort durant cette épreuve, il devait l'honorer, le faire pour elle. Monsieur Hantz passa rapidement sa main sur sa joue droite pour effacer la toute première larme de la journée qui venait de couler le long de sa barbe de quelques jours. Il s'éloigna un instant du micro en fermant les yeux pour reprendre sa respiration, il se racla la gorge et s'avança de quelques pas pour ajuster le micro à sa taille. La salle se trouvait dans un silence profond, un silence presque gênant, déconcertant. Ils agissaient comme autrefois, ils se taisaient. Il ne pu s'empêcher de balayer son regard sur les premiers rangs. Jamais il ne les avaient vu parler avec Clara. Combien de personnes présentes dans la salle la connaissait réellement ? Combien de personnes avaient tentés de l'aider ? Surement peu. Après une grande respiration, il passa sa main dans la poche intérieure de sa veste et en sorti une feuille de papier blanc pliée en quatre qu'il déplia lentement. Monsieur Hantz se massa la gorge un instant, se racla une seconde fois la gorge et observa sa feuille.
-Je suis Monsieur Hantz, commença t-il à dire. Je suis... Il se stoppa. J'étais le professeur de littérature de Clara.
Il leva son regard de la feuille, déstabilisé par la faute qu'il venait de commettre et paralysé par le silence de la salle.
-J'aimerais pouvoir dire que je connais certains d'entre vous comme ayant été des amis proches de Clara, mais malheureusement ça n'est pas le cas. Il reprit lentement sa respiration et décida de ramasser la feuille blanche qu'il avait déplié auparavant. Un discours provenant du cœur valait bien plus qu'un discours lu sur un papier. Il voulait se montrer le plus honnête possible. Il ne devait pas avoir peur des mots. Il devait parler avec son cœur et rien qu'avec son cœur. La rage ne devait pas prendre le dessus.
-Je n'ai pas l'attention de vous faire un discours moralisateur, je n'ai pas l'attention de vous dire que vous êtes tous autant coupables les uns que les autres, car vous le savez tous déjà aussi bien que moi. Il se passa la main dans les cheveux un instant. A vrai dire je ne sais pas pourquoi je suis là, devant vous, aujourd'hui.
Il était vrai qu'il avait accepté de donner un discours en l'honneur de Clara, son élève, mais aujourd'hui il se rendait compte qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il devait dire. Il ne savait pas ce que l'on attendait précisément de lui. Il fixait désormais certains visages du premier rang avec insistance. Aucun n'était venu l'aider, aucun.
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Interversion
General FictionFaut-il jouer avec le feu lorsque la victime n'est rien d'autre qu'une allumette qui ne demande qu'à être allumée ? Clara, jeune fille de dix-sept ans battue et non désirée par sa tante, se trouve en Première lorsque le harcèlement scolaire devient...