Le temps passait si vite. C'était l'avant dernier jour dans cette maison spécialisée et Clara sentait déjà une boule au ventre apparaître. La vie allait reprendre son cours et elle souhaitait au plus profond d'elle que les choses changent. Qu'on la laisse enfin en paix, qu'on la laisse enfin vivre une vie normale comme tous et toutes. Clara était installée près de la dame aux cheveux grisonnants qui se nommait Adeline. Elle s'était peu à peu ouverte à la jeune-fille, et la femme retrouvait le sourire lorsqu'elle voyait approcher celle qui lui avait appris à jouer aux cartes. Elle se levait le matin et s'entrainait aux cartes, elle allait manger et retournait sur sa chaise. Après le tour dans le jardin, elle reprenait place près de sa table et s'entrainait encore et encore. Adeline s'était enfin trouvé un but dans la vie. Auparavant elle restait assise à attendre. Attendre quoi ? Elle n'en savait rien, elle attendait juste que quelque chose se passe. Et cette chose s'était passée : Clara était arrivée. Peut-être ne gagnait-elle pas toutes les parties qu'elle faisait contre son adversaire, mais elle s'amusait. Cela faisait si longtemps qu'elle ne s'était pas amusée, cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu hâte, dès le coucher, du lendemain pour pouvoir retourner près de son jeu de cartes. Madame Rosenfield sentait une amélioration chez Adeline. Elle n'avait plus besoin qu'on vienne la chercher pour aller manger, elle se levait d'elle même, ayant hâte de retourner près de ses cartes. En réalité, Adeline avait eu juste besoin qu'on s'occupe d'elle ainsi, qu'on lui apprenne quelque chose dont elle était capable de reproduire, de retenir. Elle s'était sentie capable de faire quelque chose et elle avait osé. Voilà que maintenant elle ne quittait plus son jeu de cartes et que parfois dans la journée la table sur laquelle les cartes étaient posées se trouvaient entourés de personnes qui observaient et jouaient par la suite avec Adeline.
Clara attendait que les cartes soient mélangées pour faire une seconde partie de bataille lorsqu'elle entendit madame Ronsenfield l'appeler. Elle se retourna et se leva de sa chaise lorsqu'elle vit dans les bras de la dame un nouveau né de quelques jours, semaines tout au plus.
-Adeline, je peux te laisser un moment ? Je dois aller voir madame Rosenfield.
La dame, la tête penchée sur sa gauche, hocha la tête tout en fermant les yeux pour mélanger les cartes.
Clara rejoignit alors la dame qui l'attendait près de la porte de la grande salle et s'arrêta près d'elle.
-Clara, je peux vous confier cet enfant ? Sa mère à accoucher il y a quelques jours et elle vient d'arriver dans notre service. Je dois aller la voir sans son fils.
-Oui bien sûr mais je...
Sans savoir pourquoi elle avait accepté, ne s'étant jamais occupée d'un enfant de sa vie, la dame posa soigneusement le jeune enfant dans les bras de Clara et celle-ci regarda madame Rosenfield s'en aller à pas rapide de la grande salle. La porte se refermant derrière elle, elle baissa son regard vers ses bras qui tenaient le nouveau né, les yeux écarquillés. Le jeune garçon avait de petits cheveux très fins sur le sommet du crane et de petits yeux. Même si elle n'avait jamais été à l'aise avec les enfants, elle était sous le charme. Mais le charme ne suffisait pas, elle ne savait pas comment faire, comment s'en occuper. Elle tourna son regard avec Adeline qui avait déjà trouvé une autre partenaire de jeux, peut-être qu'elle le savait, peut-être avait-elle eu des enfants ? Après mûre réflexion, Clara abandonna vite l'idée, elle devait s'en occuper seule. La jeune-fille prit place sur le canapé à côté de celui d'Oliver et resta à contempler le jeune enfant. Elle lui une semaine tout au plus, il semblait si jeune, et par chance, il n'avait ni faim ni besoin d'être changé, car il était plongé dans un profond sommeil.
La couverture recouvrant au maximum le petit être que portait Clara depuis deux bonnes heures maintenant, ils se trouvaient à l'arrière de la maison, dans le jardin, pour ne pas que le bruit de la télévision puisse réveiller ce petit ange qui ne s'était pas réveillé depuis qu'on l'avait confié à Clara. Les arbres avaient perdu leurs feuilles depuis plusieurs semaines déjà, mais elle aimait tant ce temps. Il faisait froid et elle sentait l'air frais passer jusque dans ses poumons. Cette sensation de fraicheur l'apaisait. Ils remontaient tous deux le sentier pour que le petit garçon puisse se réchauffer, sa peau devenant peu à peu rouge à cause du froid, lorsque la dame de l'accueil passa la porte de derrière et s'arrêta en les remarquant arriver. Lorsqu'elle eut remonté les marches et atteignit la dame, elle lui signala qu'un jeune-homme était arrivé depuis peu et qu'il demandait à la voir. Clara la suivit jusque dans la salle d'ordinateurs et la remercia lorsqu'elle aperçut une chevelure blonde qu'elle reconnaitrait entre mille. Jordi. Il se retourna en entendant la porte se refermer et un sourire s'afficha lorsqu'il vit sa petite-amie.
-Qui est-ce ? Demanda t-il en s'approchant du petit être qu'elle tenait encore et toujours dans ses bras.
-Le fils d'une dame qui est arrivée il y a peu ici.
-Il est adorable.
Un sourire se figea sur le visage de Clara. C'était vrai qu'il était adorable. Le mot était même faible.
-Qu'est-ce que tu fais là ? Demanda t-elle en relevant la tête. Jordi ne lâchait pas son regard du petit garçon, il était lui aussi sous le charme.
-J'étais dans le coin pendant ma pause et je voulais te faire un petit coucou. Il réfléchit un instant. Je peux le porter ? Demanda t-il en levant son visage vers Clara.
Elle le regarda un moment et sans réfléchir, elle lui tendit l'enfant qu'il prit lentement dans ses mains avant de le coller sur son torse. Son regard ne se détachait pas un seul instant du petit garçon. Jordi resta figé lorsque l'enfant bougea doucement ses petits doigts et ouvrit les yeux. De petits yeux bleus fixèrent un instant Jordi avant de fixer par la suite Clara qui elle, restait émerveillée devant ce petit ange.
-Je suis sûr qu'il est sous ton charme, répliqua Jordi en souriant. Il ne te quitte pas des yeux.
Tout en souriant, elle apporta sa main vers l'une des mains du nouveau né qui lui attrapa doucement le pouce. Ses petits doigts se serrèrent autour de son pouce et la façon dont il la regardait la faisait craquer.
-Ton stage se passe bien ?
-Super bien, répondit-il. J'ai posé ce matin. Tu verras le résultat dans quelques jours, le photographe était bluffé. Il a dit que j'avais une bonne présence et que les photos étaient réussies. Et toi, ce n'est pas trop dur ?
Elle hocha la tête que non. Au fond d'elle, elle sentait que ce métier était fait pour elle. A aucun moment elle avait regretté d'avoir choisi ce stage. A aucun moment. Mais soudainement Jordi dirigea son regard vers la pendule placée au dessus de la porte et ouvrit grand les yeux.
-Je dois y aller Clara, reprit-il en observant une dernière fois le petit garçon avant de le remettre doucement à la jeune stagiaire. Je suis en retard, et tu sais à quel point je déteste ça. Il déposa un baiser sur le front de la jeune fille, caressa la joue du petit être avec son pouce et fit quelques pas à reculons. On se voit ce soir.
Il passa à toute vitesse la porte et le rêve prit fin. Le petit garçon se mit à pleurer et Clara n'avait aucune idée de comment le calmer. Elle ne savait si il avait faim, si il avait besoin d'être changé ou si il avait juste besoin de se faire consoler. Elle n'en avait aucune idée, et personne ne pouvait l'aider.
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Interversion
General FictionFaut-il jouer avec le feu lorsque la victime n'est rien d'autre qu'une allumette qui ne demande qu'à être allumée ? Clara, jeune fille de dix-sept ans battue et non désirée par sa tante, se trouve en Première lorsque le harcèlement scolaire devient...