Chapitre 2

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  Pourquoi fallait-il que je déçoive le seul professeur qui avait, jusqu'à présent, toujours cru en moi ? Mr. Pouli avait été comme le parent remplaçant. Pas dans le sens où il venait me border tous les soirs et où il me préparait mes petits-déjeuners et toutes les petites attentions qu'a un parent pour son enfant. Non, il avait essayé de me garder sur le chemin. De nombreuses fois après la mort de mes parents, j'avais failli dévier. Il m'était arrivé de faire comme mon frère et de boire jusqu'à vomir tout ce que j'avais alors ingurgité. Mais il avait été là pour me contrôler et me montrer que la vie continue et qu'elle ne se résume pas qu'à un seul obstacle. Il m'avait tant appris que de voir maintenant son regard déçu me faisait plus mal que s'il m'avait annoncé que j'allais écoper de trois heures de colle.

Le reste du cours se passa lentement. Trop lentement. Je ne pensais qu'à ce qu'il allait me dire à la fin du cours. J'avais peur de l'avoir déçu pour de bon et de ne plus avoir la chance de lui montrer ce que je valais. Donc, au lieu d'écouter le cours qui semblait vraiment intéressant, je cherchais des arguments que je pouvais bien lui dire quand il me demanderait ce qui ne tourne pas rond chez moi.

Quand la sonnerie retentit dans tout le lycée, et surtout dans toute ma tête, je sursautai. Le moment tant redouté était arrivé. Ne trouvant pas la force de bouger, je restai assise à ma place, attendant que les autres élèves sortent de la salle. Ne voulant croiser aucun regard, je laissai mes yeux posés sur ma feuille de note blanche. Une fois tout le monde sorti, je pris mon courage à deux mains et je relevai la tête. Mr. Pouli était assis derrière son bureau. Il voulait donc me parler de professeur à élève.

« Emma, je t'avoue que je suis vraiment déçu. Je t'avais donné la dissertation en avance pour que tu trouves le temps de la faire. Je t'ai favorisé et je vois que ça n'a servi à rien. Je ne vais pas faire ton travail à ta place, tu sais. Si tu ne fais rien, tu ne t'en sortiras pas et ça ne sera que ta faute. Aucune excuse ne sera valable. »

Ses mots me heurtaient. Je recevais des coups en plein dans le visage, me faisant rougir, dans le ventre, me donnant la nausée et au cœur, me donnant les larmes aux yeux. Tout ce qu'il disait était vrai. Il savait que mes parents étaient décédés puisqu'il avait été le premier à me soutenir, mais il avait raison quand il disait que je ne pourrais plus utiliser cette excuse éternellement.

« Monsieur, je suis vraiment désolée..., répondis-je la gorge serrée. Je sais que je suis censée prendre mes responsabilités, surtout par rapport à ce qui est arrivé à mes parents, mais en ce moment c'est la folie chez moi et...

-Ton frère est toujours dans un état lamentable, c'est ça ? »

Même si son ton était beaucoup plus doux et plus compatissant, je savais qu'il se forçait à être dans son rôle de professeur. Et c'est sûrement ce qui me fit le plus mal. Le combat que je menais depuis le début contre mes larmes fut stoppé et je capitulai. Les gouttes se déversèrent sur mes joues sans que je puisse les en empêcher.

« Emma, non, s'il te plaît... »

Il se leva et contourna son bureau pour venir vers moi. Je ne voulais plus qu'il ait pitié de moi. Je ne voulais plus qu'il voie cette jeune ado apeurée qui ne sait pas comment elle va s'en sortir. Suite à la mort de mes parents, j'avais été forcée de devenir une adulte, et cela bien plus tôt que ce que je n'aurais voulu. Mais je ne pouvais plus le changer et au lieu de me comporter comme une petite fille ultrasensible qui pleure pour un rien, je devais relever la tête et ravaler ces satanées larmes qui me brulaient les yeux. Alors, quand Mr. Pouli posa une main réconfortante et pleine de pitié sur mon épaule, je m'écartai, lui faisant comprendre qu'il avait raison. Certes, mes parents me manquaient atrocement tous les jours et je ne savais toujours pas comment faire pour aider mon frère à sortir du cauchemar qu'il vivait, mais je devais me reprendre en main. Si je voulais aider Julien, je devais commencer par m'aider moi-même et c'est ce que mon professeur avait essayé de me faire comprendre.

Amour anonyme - EN RÉÉCRITURE (coming soon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant