Chapitre 10 :

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Que voulez-vous répondre à quelqu'un qui souffre et qui n'est même pas encore passé par le pire ? ~



L'infirmier leva alors les yeux vers lui, surpris de l'entendre en parler. Tom effaça les larmes coulant toujours le long de ses joues et tenta de lui sourire pour le rassurer.

« Elle n'est pas morte sur le coup, elle est tombée dans le coma et... » ; le plus âgé plissa les yeux lorsqu'il alla fixer son regard sur le mur, juste derrière lui. « Ça a pris une semaine. »

Bill renifla faiblement, frottant ses yeux avec sa manche avant de se reconcentrer sur le dreadé. Tom reposa enfin son regard sur lui, l'air tout aussi bouleversé.

« Je sais que c'est différent, mais avoir angoissé chaque jour pendant une semaine entière, ça me donne une idée de ce que tu peux ressentir. » ; l'androgyne fixa son regard embué dans le sien. Au moins, ça avait eu le mérite de le calmer. « Ce que je veux dire... c'est que tu ne peux pas garder tout ça pour toi. Je sais que tu veux rester fort pour lui, que tu veux pas de la pitié des autres, et que t'as la rage. Mais tu tiendras jamais à ce rythme là. »

L'aîné haussa une épaule, et Tom resserra son emprise autour de lui, le laissant appuyer sa tête contre son torse. Il fit doucement glisser ses doigts entre les mèches blondes, jouant distraitement avec tout en penchant la tête afin de croiser les yeux encore brillants de l'infirmier.

« Fais-moi un sourire ? » ; souffla-t-il, affichant une moue remplie d'espoir.

Bill n'en fit rien, alors il pencha un peu plus la tête, frottant tendrement son nez contre le sien, y posant ensuite un léger baiser. Bill esquissa un faible sourire d'une demi-seconde et Tom poussa le vice dans le but de le faire rire.
Il alla plaquer sa bouche contre la peau de son cou et souffla bruyamment dessus comme il l'aurait fait avec un bébé. Bill remua sous la sensation, penchant la tête pour lui échapper et laissant un petit rire incontrôlé sortir de sa bouche.

« Toooom, ça chatouille ! » ; marmonna-t-il en tentant de se dégager. Le dreadé afficha un sourire malicieux et embrassa finalement son épaule.

« C'est le but. »

L'androgyne enroula enfin ses bras autour de lui et s'apaisa un peu, chassant le flot de larmes et d'angoisse qui menaçait toujours d'exploser.

« Je suis désolé pour ta mère. » ; souffla-t-il à voix basse. Le cadet ne lui répondit pas, n'ayant de toute manière aucune idée de ce qu'il était censé répondre.

« Tu me dis ce qu'il a exactement ? » ; demanda-t-il prudemment. Il ne voulait pas d'une nouvelle crise de larmes, ou même subir la colère du blond. Il espérait juste avoir une idée concrète.

« Cancer des poumons. » ; bredouilla l'autre homme. Il soupira de lassitude, agacé par la situation et surtout de savoir qu'il lui restait si peu de temps pour en profiter. « Il ne lui reste que quelques semaines. »

Tom n'eut aucune idée de quoi répondre. Que voulez-vous répondre à quelqu'un qui souffre et qui n'est même pas encore passé par le pire ? Il était plutôt inquiet de comment tout cela allait se passer, de la réaction de Bill.

« Ok, hum... » ; tout en réfléchissant, il sécha les joues du plus âgé, et lui tendit ensuite ses mains. « Tu viens avec moi ? »

« Où ça ? » ; Tom haussa les épaules et tira doucement sur ses mains pour le relever.

« On verra. »

« Et ton rendez-vous ? »

« Je peux reporter. »

« Je n'irais pas mieux demain, tu sais. Tu peux y aller. » ; le dreadé secoua la tête, semblant déterminé.

« Je veux rester avec toi maintenant. » ; Bill ne fut pas certain de comprendre mais accepta tout de même. Un peu de compagnie ne lui ferait pas de mal. « Tu fais quoi ce soir ? » ; lui demanda-t-il alors qu'ils commençaient à avancer.

« Euh... je dois aller le voir, mais je suppose que j'irais avant. Pourquoi ? »

« Si on allait à la plage ? »

L'androgyne tourna vivement la tête vers lui, étonné par la suggestion. La plage ? Le soir ?

« Vraiment ? »

« C'est plus calme. J'aime traîner là-bas quand j'ai besoin de m'aérer. » ; l'aîné hocha lentement la tête, pensant que c'était probablement son endroit à lui. Est-ce que tout le monde possédait cet endroit où réfléchir ? Se calmer ?
**


« Hey mon fils, pourquoi es-tu parti si vite tout à l'heure ? » ; Bill sursauta et se stoppa dans sa lancée, levant un regard hésitant vers le canapé où son père flânait.

« Euh... une urgence. » ; bredouilla-t-il, incertain. Greg hocha simplement la tête, visiblement plongé dans sa série.

Bill décida alors de rejoindre sa mère qu'il avait abandonné bien trop rapidement quelques heures plus tôt et ne fut pas surpris de la retrouver dans le jardin. Il approcha prudemment et souffla un petit -maman- alors qu'elle se retournait. Alice leva la tête, semblant d'abord un peu surprise.

« Tu vas mieux ? » ; l'infirmier acquiesça légèrement, lui lançant un sourire et approchant pour glisser ses bras autour d'elle.

« Je suis désolé d'être parti comme ça, j'avais juste besoin de... d'encaisser, mais c'était pas une raison pour te laisser comme ça. »

« C'est rien, je comprends que tu sois bouleversé. » ; Bill soupira contre ses cheveux, se sentant toujours aussi angoissé. « Dis-toi que... même s'il oublie des moments, des choses, ou s'il ne se souvient plus de nous, peut-être que ça nous blessera beaucoup, mais lui n'en sera pas conscient. »

« Je sais pas si c'est mieux ou encore plus horrible... »

« Je sais que c'est dur à supporter, mais tu es fort, et tu sais très bien qu'il veut que tu t'en sortes. J'ai besoin de toi et j'ai besoin que tu ne baisses pas les bras. »

L'androgyne souffla, reculant après un petit moment et baissant les yeux vers elle tout en bredouillant un -je sais- peu convaincu.

« Je le serais pour toi. »

Alice afficha un petit sourire et le blond baissa la tête lorsqu'elle voulut poser un baiser sur son front.

« Bien. Comment vas-tu, à part ça ? » ; l'infirmier haussa une épaule, l'air nonchalant. « Et ce Tom ? J'imagine qu'il est important si tu nous l'as présenté. »

Bill ne sut pas tout de suite quoi dire, ou même quoi penser. Il s'était interdit de s'y attacher, mais Tom savait à présent et les choses seraient probablement différentes.

« C'est mon ami. » ; souffla-t-il alors qu'il y réfléchissait.

« Il a l'air gentil. Comment l'as-tu rencontré ? »

« Euh... il était venu aux urgences pour Elsa. » ; Alice jeta un regard interrogateur vers lui alors qu'elle était retournée à ses fleurs. « Elsa est sa petite soeur. »

« Oh, bien ! Et que fait-il dans la vie ? » ; Bill leva les yeux au ciel.

« Mamaaaan, pourquoi tu poses toujours autant de questions ? » ; souffla-t-il, croisant les bras contre son torse. « Il est encore à la fac. »

« Je m'intéresse à toi ! » ; se défendit sa mère. « Quel âge a-t-il ? »

L'infirmier souffla de mécontentement et répondit à ses questions avec une lassitude non dissimulée. Pas que parler de Tom l'ennuyait, mais sa mère était d'une curiosité ennuyante et finirait par l'agacer avec des idées de gendre idéal dont il ne voulait même pas entendre parler.
**


Vingt et une heure et des poussières. Bill avait rejoint le dreadé, ils avaient tous les deux embarqué un sandwich et se retrouvaient maintenant pieds nus dans le coin tranquille d'une plage au sable fin.
La sensation douce sous ses pieds rappela au blond son enfance et ça le rendit un peu nostalgique.

« Tout va bien ? » ; lui demanda le cadet qui marchait à ses côtés. Bill acquiesça, mais Tom vit sa mine triste. «Tu n'en as pas vraiment l'air... »

Bill soupira, pensant qu'il devait franchement être un gars ennuyeux à déprimer constamment.

« C'est rien, t'en fais pas. »

« Bill... » ; le dreadé s'arrêta et agrippa son bras afin qu'il se tourne vers lui. « Tu as le droit de te sentir mal, et je ne peux pas te juger pour ça. »

« Mais c'est constant ! »

« Et normal. » ; l'androgyne leva les yeux vers lui. « Si tu savais pendant combien de temps j'ai pleuré, angoissé, douté. T'es obligé d'y passer et peut-être que certaines personnes sont assez insensibles pour trouver ça ennuyeux ou agaçant, mais je l'ai vécu et je ne peux que te comprendre. »

« Pourquoi ? »

« Parce que toi et moi on est des éclopés de la vie. » ; la bouche du blond se fendit en un léger sourire, et Tom pressa doucement sa paume contre son épaule tout en souriant.

Bill se sentit un peu réconforté par son air doux et sa bienveillance. Peut-être que c'était vrai, peut-être que Tom pouvait le comprendre et lui faire du bien. Il l'espérait en tout cas.

« Est-ce qu'on se comprend seulement pour ça ? » ; souffla-t-il distraitement. Tom eut un léger sourire et secoua la tête alors qu'il fixait les nuances roses et rougeâtres du soleil couchant.

« On se comprend autrement. »

« Bien, à part au lit j'veux dire. » ; répondit le plus âgé, et Tom étouffa un petit rire.

« Si tu n'aimais pas passer du temps avec moi, tu serais pas là, non ? »

L'infirmier haussa une épaule, mais marmonna un -certes- affirmatif. Il aimait traîner avec Tom, il ne pouvait pas dire le contraire.

« J'ai une idée. » ; annonça soudainement le cadet. Bill haussa un sourcil et jeta un coup d'oeil vers lui. Tom souriait et ça ne lui inspirait rien de bon cette fois.

Il avança, et Bill recula d'un pas, méfiant. Le dreadé agrippa soudainement ses hanches et l'androgyne poussa un cri lorsqu'il fut propulsé et basculé sur son épaule valide.

« TOM ! » ; hurla-t-il en se débattant. Tom l'ignora, riant et se dirigeant droit vers les vagues. « Tom, non ! » ; l'interpella serra fermement ses jambes d'un bras, loin de ressentir une quelconque douleur sous l'assaut de coups qu'il recevait dans le dos. « Tom ! Je te jure que si tu me balances là-dedans, je... je te mords ! Et je te parle plus jamais ! »

Le plus jeune ne fit que rire sous la menace enfantine et avança un peu plus alors qu'il avait les pieds dans l'eau. De grosses vagues arrivèrent, et Bill s'agrippa brusquement à son buste lorsqu'il voulut le jeter dans l'eau. Ils basculèrent alors tous les deux, emportés par la pression de la vague, puis se lâchèrent afin de remonter rapidement à la surface.

Bill toussa bruyamment, se débattant un peu avant d'enfin trouver son équilibre sans se faire emporter par le mouvement des vagues. Face à lui, Tom se mit à rire, ayant avalé beaucoup moins d'eau que lui. Bill lui lança un regard noir et l'éclaboussa soudainement.

« Heeey ! » ; se plaignit le cadet, essuyant l'eau de son visage.

« Tu m'as jeté comme un vulgaire sac à patates ! » ; le dreadé ne fit que rire un peu plus et l'androgyne bouda. « Bien, plus jamais tu me touches, voilà ! »

« Oh, vraiment ? »

« Mes fringues sont trempés ! » ; le cadet afficha un sourire malicieux et l'autre homme l'arrosa un peu plus, riant doucement.

« Retire les. »

Bill haussa un sourcil, mais il se sentait franchement lourd et pensa qu'il serait probablement plus à l'aise. Il leva et tira sur son tee-shirt, le retirant avant de galérer avec le jean lourd et collé à sa peau. Tom fit la même chose de son côté, et il prit ensuite tous leurs vêtements afin d'aller les étaler sur le sable.

L'infirmier secoua ses cheveux trempés et frotta ses yeux avant de voir revenir le dreadé dans l'eau. Tom lui adressa un sourire rieur, puis s'approcha jusqu'à agripper et tirer sur ses jambes qui s'enroulèrent autour de son bassin.
Bill s'accrocha à ses épaules, satisfait de se sentir plus léger et de flotter avec le léger mouvement de l'eau.

« Donc, je ne te toucherais plus ? » ; l'aîné se lécha les lèvres avec un sourire en coin, et la bouche brûlante de Tom vint taquiner la peau sensible de son cou.

« T'avais tout prévu pour que je finisse à poils, c'est ça ? »

« Huuuum, techniquement, tu n'es pas encore nu et moi non plus. »

Bill frissonna lorsqu'il sentit ses lèvres caresser l'endroit juste derrière son oreille et baissa une main afin de tirer lentement sur le boxer du plus jeune. Tom se mit à rire contre sa peau, mais se laissa tout de même faire et se débarrassa tout aussi rapidement du sien.

Ses mains glissèrent le long du dos nu du plus âgé qu'il caressa, ses doigts appuyant sur quelques points de chaque côté de sa colonne vertébrale. Bill resserra ses bras autour de son cou et laissa son corps se détendre sous le traitement apaisant. Son front glissa contre l'épaule du dreadé et toute envie de rire ou de faire quoique ce soit d'indécent s'évapora alors qu'il se décontractait progressivement.

« Pourquoi es-tu toujours si gentil avec moi... » ; demanda-t-il, plongé dans ses propres pensées.

Tom n'eut pas l'air de savoir quoi répondre et préféra s'occuper à embrasser longuement chaque centimètre de peau qu'il avait à disposition.

« Tom ! » ; appela-t-il alors qu'il pouvait le sentir sucer sa peau. L'interpellé marmonna quelque chose qu'il ne comprit même pas, ses doigts glissant au niveau du creux de ses reins. « Dis... je peux te poser une question ? » ; demanda-t-il, hésitant.

Le cadet abandonna son activité pour reculer son visage et plonger ses yeux interrogateurs dans les siens.

« Oui ? »

« Pourquoi tu ne prends pas Elsa avec toi toute la semaine ? Je veux dire... pour qu'elle vive avec toi. »

« Parce que tant que j'ai mes cours, je suis occupé la plupart du temps. Je ne veux pas la prendre et ne pas avoir de temps pour elle. Si elle vit ici, je veux être disponible... et mes grands-parents ont du temps pour s'en occuper ! »

« Mais tu sais qu'elle rêve de rester ici ? » ; Tom acquiesça et l'aîné pencha la tête, confus. « Je suis sûr que tu ne refuses pas juste pour une question de temps. »

Le dreadé soupira faiblement et détourna les yeux, nerveux.

« J'ai peur de pas assurer, de pas être assez fort, de pas savoir m'en occuper. Je sais pas si je suis prêt...»

« Quoi, tu crois que ta mère t'en voudrait si tu n'assurais pas ? » ; souffla prudemment le blond, et il comprit qu'il avait raison quand Tom baissa les yeux. « Je comprends que tu sois effrayé, c'est une responsabilité et tu n'as que 20 ans, mais assurer ça s'apprend et personne ne t'en voudra si tu foires de temps en temps. »

« C'est ce que toi tu penses, mais ce n'est pas le cas de tout le monde... »

« Tom ! Emmerde les autres, Elsa a besoin de toi et c'est la seule chose qui devrait t'importer. Et si toi et moi on doit se voir moins souvent, je comprendrais. » ; Tom secoua doucement la tête.

« Non, je ne peux pas te laisser maintenant et Elsa t'adore alors je ne vois pas pourquoi on devrait tout changer. »

Bill eut un léger sourire à la remarque, puis fit glisser ses mains le long de ses bras afin d'attraper les siennes sous l'eau.

« Si tu veux vraiment être là, tu dois savoir un truc... » ; souffla-t-il en baissant les yeux vers ses gestes. Leurs doigts glissèrent et s'emmêlèrent doucement à l'abri des regards. « Je serais invivable. Je serais... je n'sais même pas, mais tu ne voudrais pas voir ça. »

« Je sais, mais peu importe si tu me détestes. » ; Bill leva de nouveau les yeux vers lui, étonné. « Je veux pas t'abandonner, on est amis non ? Je peux le supporter et être là pour toi. »

Tom lui adressa ce sourire rassurant dont il avait besoin et l'androgyne enroula finalement ses bras autour de son cou, venant appuyer son menton contre son épaule tout en pensant qu'il avait pour une fois, eu de la chance de tomber sur un gars comme lui.
**


Concentré sur le bouchon qu'il avait entre les doigts, Bill faisait à peine attention à ce que lui disait son meilleur ami, préférant jouer avec le petit objet alors qu'il était plongé dans ses pensées.

« Bill ! »

L'androgyne sursauta et leva brièvement les yeux vers lui, interrogateur. Andy soupira.

« Tu ne m'écoutes pas. » ; l'aîné haussa une épaule et reposa les yeux sur son bouchon.

« Qu'est-ce que tu disais ? »

« Depuis combien de temps n'as-tu pas donné de nouvelles à Sam et Hanna ? »

« J'sais pas. »

L'autre homme secoua la tête, exaspéré. Bill était dans l'une de ses journées où il n'écoutait et ne faisait attention à personne et ça l'ennuyait.

« Tu pourrais au moins les appeler. »

« J'ai pas la tête à ça. » ; marmonna le blond sans le regarder. « J'ai pas envie de bouger. »

« Ils ne sont pas juste là pour bouger, tu sais ? Ce sont tes amis. »

« Ce sont des potes ! Ils ne connaissent même pas un quart de ma vie ou de moi. »

« Tu pourrais faire un effort. » ; l'infirmier soupira lourdement et replia ses jambes sur le canapé, préférant l'ignorer. « Bill, qu'est-ce qui se passe ? »

Andy lui arracha le bouchon des mains et le remit à sa place initiale, sur la bouteille. L'androgyne lui lança un regard sombre, n'ayant ni envie de répondre, ni y penser, même s'il ne faisait que ça.

« Bill... » ; il glissa un doigt sous son menton, le forçant à regarder dans ses yeux. « Allez, dis-moi ce qui va pas, je suis pas aveugle tu sais. »

« J'ai pas envie d'en parler. » ; gronda le blond à voix basse. Son ami pencha la tête, plutôt inquiet qu'il refuse de lui dire les choses.

« Pourquoi ? C'est si grave ? »

« Il oublie ! » ; cracha-t-il soudainement. « Il commence à oublier et je veux pas, putain ! Pourquoi est-ce que cette merde doit-elle être si rapide, d'abord ?! »

Surpris, Andy plissa les yeux, mettant du temps à comprendre sa soudaine colère et surtout, ses mots. Il réalisa progressivement ce que ça signifiait et se rapprocha, glissant un bras autour des épaules de son meilleur ami.

« Déjà ? » ; Bill ne répondit rien, mais sa lourde respiration parlait pour lui. Le plus jeune frotta son dos, réfléchissant à ce qu'il pouvait faire pour le rassurer. « Mais il va bien ? » ; demanda-t-il prudemment.

L'infirmier bredouilla un -oui- étranglé, soufflant longuement dans l'espoir de ne pas repartir dans une crise de larmes. Qu'est-ce que ça pourrait bien changer de toute façon ? Rien !

« Il se sent bien, lui... et ça c'est pas bon. » ; souffla-t-il tout en repensant à tout ce qu'il avait lu à propos de l'évolution de la maladie. « Il va partir dans son monde, il va tout oublier, il va nous oublier merde ! Dis-moi ce que je vais devenir sans lui ! Dis-moi ce que je deviendrais quand il saura même plus qui je suis ! »

« Calme-toi... » ; conseilla son ami, remontant sa main afin de passer ses doigts dans ses cheveux et ainsi l'apaiser. « Ta mère sera toujours là et tu dois tenir pour elle. Elle a tellement besoin de toi, Billy... »

« Je sais ! Je peux pas foirer mais j'ai juste... je sais pas, comment je suis censé gérer ça ? »

« Pour ce que ça vaut, je serais là autant que tu auras besoin. »

Bill hocha la tête et se laissa attirer contre son ami, soupirant faiblement et fermant les yeux pendant qu'Andy jouait avec ses cheveux.

« Et comment vont tes parents ? » ; demanda-t-il, espérant pouvoir penser à autre chose.

« Bien ! Ils partent bientôt une semaine à la campagne. »

« Comme d'habitude ? » ; sa tête glissa contre l'épaule du cadet et Andy acquiesça dans le vide, baissant les yeux vers les mèches blondes qu'il avait entre les doigts et embrassant distraitement sa tempe.

« Comme d'habitude. »
**


« Où vas-tu ? »

Bill se retourna, haussant un sourcil face à l'infirmière qui le suivait.

« M'occuper du gamin ? » ; répondit-il rapidement.

« Il a été pris en charge. »

« Il est paniqué ! Tu n'as peut-être pas la fibre maternelle, affective ou je n'sais quoi, mais ce gosse a besoin d'être rassuré. »

« Tu es censé être en pause. »

L'infirmier soupira d'agacement, marmonna un -et alors?- ennuyé, puis fila afin de lui échapper. Il n'était pas d'humeur, cette fille l'agaçait et aller en pause signifiait plonger dans ses pensées. Chose qu'il voulait éviter à tout prix.

Lorsqu'il poussa la porte de la chambre d'hôpital, il tomba tout de suite dans des petits yeux brillants et s'arma d'un sourire rassurant avant de s'approcher.

« Hey, tout se passe bien ? » ; le petit hocha la tête, et Bill eut mal au coeur en voyant le masque à oxygène qui couvrait la moitié de son visage. « Est-ce que tu as besoin de quelque chose ? » ; il tira légèrement sur le masque pour le laisser parler.

« Je veux Mr Pinpin. »

Bill se posa au bord du lit et baissa des yeux interrogateurs vers lui. Une simple crise d'asthme et il s'était retrouvé ici, les larmes au bord des yeux et ses petits poumons en feu.

« Qui est Mr Pinpin ? »

« Mon lapin ! »

« Ton doudou ? » ; l'enfant hocha de nouveau la tête et Bill lui offrit un petit sourire. « Je vais appeler ta maman et elle t'apportera Mr Pinpin dès qu'elle sera là, d'accord ? »

Le petit s'agita un peu et Bill lui prit la main pour le calmer, la caressant pendant qu'il commençait à raconter une histoire à propos de quand il était gamin afin de le faire rire un peu.
**


Affalée sur sa chaise et un livre de cours ouvert devant elle, Elsa observait Bill aller et venir dans la cuisine, préférant le regarder cuisiner plutôt que se concentrer sur ses révisions.
Bill avait profité que Tom soit parti sous la douche pour s'occuper et ainsi leur préparer le dîner.

Soudainement, l'androgyne dérapa juste sous ses yeux et Elsa s'affola durant une seconde avant de le voir se rattraper de justesse au plan de travail. Rassurée, elle éclata d'un rire cristallin qui résonna dans toute la pièce et Bill fronça le nez, pestant contre le carrelage, ses chaussettes ou sa maladresse.

« Oh mon dieu, t'as eu chaud là ! » ; s'exclama l'adolescente tout en riant. Bill lui lança un faux regard noir, la faisant seulement rire un peu plus. « Tu sais, Tom a glissé comme ça une fois, quand on était petits. » ; cette fois, l'aîné afficha une mine intéressée et Elsa poursuivit. « Sauf qu'il s'est complètement crashé et il a cassé le plus beau vase de maman. »

Bill ouvrit de grands yeux et se mit à rire en l'imaginant.

« Vraiment ? »

« Oui ! Si t'avais vu sa tête, c'était à mourir de rire ! »

« Et toi t'étais un sale petit monstre ! » ; répliqua une voix grave avant que le dreadé n'apparaisse dans la pièce.

Elsa s'offusqua.

« Pardon ? »

« Tu faisais pleins de bêtises et maman croyait toujours que c'était moi ! »

« C'est pas vrai ! »

Un peu plus loin, Bill sourit, amusé de les voir se chamailler de manière aussi enfantine. En l'entendant, Tom se tourna alors vers lui et fronça les sourcils.

« Et toi qu'est-ce que tu fais ?! » ; le blond cessa de rire et baissa les yeux vers la cuillère qu'il avait dans les mains.

« Le dîner ? » ; répondit-il comme si c'était une évidence.

« Mais c'est pas à toi de le faire ! »

« Je savais que tu dirais ça. » ; soupira l'aîné en se retournant afin de revenir à son plat.

« Alors t'as attendu que je sois plus là ? » ; Bill ne répondit que par un -c'est ça-, concentré à la tâche. « C'est une façon de dire que je dérange ? »

« T'as tout compris ! » ; s'exclama malicieusement Elsa. Tom lui lança un regard menaçant, la faisant sourire comme une gamine. « Tu fais pas peur, Teddy bear. »

Soudainement, le dreadé poussa un cri de guerre et Elsa éclata de rire, se mettant à courir dans tout l'appartement. Bill se retourna, alerté par tout ce bruit, et fixa avec des yeux médusés le dreadé courir après sa soeur tout en la menaçant de choses diverses et variées.

Pour le coup, Bill était vraiment surpris de le voir aussi joueur et enfantin, se chamaillant puérilement avec Elsa alors qu'il était si habitué à le voir responsable et protecteur envers elle.

Alors qu'il se concentrait à terminer la préparation de son dîner, il entendit des cris, mêlés de rires et d'autres menaces. Il secoua doucement la tête, amusé, et s'occupa ensuite à mettre la table. Verres, assiettes, couverts, serviettes. Une fois son plat terminé, il se faufila jusqu'au salon d'où provenaient les bruits et écarquilla les yeux face au spectacle. Cheveux en bataille, joues roses et moue quasi sadique dessinée sur le visage, Elsa tenait fermement un coussin entre ses mains et tentait vainement d'assommer son frère qui lui, tirait sur ses pieds afin de la faire basculer.

Bill afficha cette fois une mine blasée, bien qu'il se retenait de rire. Il se racla la gorge, puis se mit à taper dans ses mains, élevant la voix assez fort pour couvrir le bruit de leur bataille acharnée.

« Bien, ça suffit les enfants ! Allez vous laver les mains et à table ! »

Les deux plus jeunes se stoppèrent et tournèrent simultanément la tête vers lui.

« Oui papa ! » ; s'exclamèrent-ils à l'unisson.

L'androgyne leva les yeux au ciel et secoua doucement la tête, croisant les bras contre son torse avant de se retourner. Elsa accourut soudainement dans la cuisine, visiblement guidée par la bonne odeur, et Tom s'arrêta à hauteur du blond. Il faufila discrètement une main vers le bas de ses reins et Bill afficha une mine surprise lorsqu'il embrassa longuement sa joue.

« J'suis content que tu sois là ce soir. » ; susurra-t-il contre son oreille. Il s'éloigna ensuite tout aussi vite que sa soeur, plantant l'infirmier là, rempli d'incompréhension.

Tout en se demandant ce qui pouvait bien se passer, il rejoignit alors les deux autres à la cuisine et s'installa à table tout en souriant, jetant un coup d'oeil curieux à Elsa qui avait déjà la bouche pleine.

« Mais qu'est-ce que vous avez ce soir ? » ; souffla-t-il sans comprendre cet excès d'énergie qui semblait les avoir contaminé tous les deux.

« Rien ! » ; répondirent de nouveau les deux en choeur.

Il secoua la tête en riant légèrement et se concentra alors sur son propre repas qu'il mangea plus doucement qu'eux. Il retrouva rapidement son sérieux et ses pensées lorsque le silence tomba, triant distraitement ce qu'il avait dans son assiette alors qu'il pouvait entendre les deux autres manger avec appétit.

Il ne vit pas Tom et Elsa s'affronter du regard, se tirant la langue ou se chamaillant discrètement. Malgré le léger bruit des grimaces et des coups de pieds qu'ils s'envoyaient, il lui était incapable de s'échapper de ses songes, ressassant encore et encore. Encore et toujours.

Progressivement, Tom prit conscience de son absence de réaction et se calma, déviant des yeux inquiets vers lui. Tête baissée et doigts accrochés à sa fourchette qui ne faisait que jouer avec la nourriture, Bill avait vraiment l'air triste et il s'en voulait un peu de ne pas l'avoir remarqué plus tôt.

« Bill ! » ; appela-t-il doucement. Il dut répéter son nom jusqu'à ce que le principal concerné ne daigne relever la tête, et le dreadé fronça les sourcils. « Tout va bien ? »

Par réflexe, Bill hocha la tête et lui sourit, inconscient du fait que le cadet soit à présent apte à savoir quand il mentait. Tom le lui rendit alors, pensant qu'il ne pouvait pas discuter avec lui tant qu'ils étaient avec Elsa.
Il pencha doucement la tête, réfléchissant à une quelconque idée pour le faire rire un peu. Il reposa d'abord les yeux sur sa soeur, se demandant si elle avait remarqué quelque chose, mais Elsa semblait seulement s'être concentrée à finir son assiette.

Tom se mordit la lèvre inférieure et faufila prudemment son pied vers le blond, heurtant légèrement sa cheville et attirant ainsi son attention. Bill lui lança un regard interrogateur et le dreadé frotta simplement son pied contre sa cheville. Semblant seulement incompréhensif, Bill ne réagit pas vraiment et Tom se sentit inquiet, ravalant ses questions et son instinct protecteur qui lui ordonnait de lâcher sa fourchette pour aller serrer l'androgyne contre lui. Il en avait probablement besoin, mais Tom pensait surtout qu'il refuserait de laisser paraître tout sentiment de faiblesse en la présence d'Elsa.

« Fini ! » ; annonça soudainement la dite-Elsa tout en se frottant joyeusement le ventre.

« Tu n'as pas des devoirs ? »

L'adolescente afficha une moue renfrognée et Tom lui, eut l'air sérieux.

« Mais on est samedi ! »

« Et bien, tu serais tranquille demain si tu les faisais maintenant. » ; répondit-il alors qu'il y voyait là une occasion de pouvoir discuter un peu avec l'infirmier.

« J'ai pas enviiiiie. »

« Elsa ! » ; prévint le dreadé, et la jeune fille soupira. « Fais-les pendant que je m'occupe de tout nettoyer. »

Visiblement ennuyée, Elsa poussa un long soupir et se leva de table après avoir englouti son verre d'eau. Bill ne la vit et ne l'entendit même pas partir tout en traînant des pieds.
Tom reporta alors son attention sur lui et attrapa la fourchette avec laquelle il jouait. Bill afficha d'abord une mine surprise, puis leva les yeux vers lui.

« Quoi ? »

« Tu n'as pratiquement pas touché à ton assiette et tu es complètement ailleurs. » ; informa le cadet. Bill grimaça.

« Désolé. »

« Bill, qu'est-ce qui t'arrive ? » ; l'androgyne ne fit que hausser les épaules. « Il s'est passé quelque chose ?» ; il secoua doucement la tête en réponse et Tom fronça les sourcils. Depuis qu'ils se connaissaient, Bill avait tellement changé. Le gars sûr de lui, impressionnant et souriant avait totalement disparu. Tom se demandait si ça n'avait été qu'une façade ou s'il était seulement plus brisé qu'il ne l'était auparavant. « Tu as l'air tellement triste... »

Bill soupira faiblement et se laissa emporter par la main du dreadé. Il heurta doucement son torse, mais ne fit aucune remarque et laissa seulement sa joue glisser contre son épaule.

« Je suis désolé, je suis juste fatigué. »

« Fatigué de ta journée ou fatigué de tout ça ? » ; l'androgyne marmonna un -tout- las, et Tom avait vraiment de la peine. « Tu ne tiendras jamais à ce rythme-là... »

Sa paume vint se poser contre la joue chaude de l'aîné, qui releva finalement les yeux vers lui.

« Je tiendrais jusqu'au bout. »

« Et ensuite ? »

Bill n'avait pas de réponse à ça. Est-ce qu'il tiendrait le coup ? Il ne voulait même pas le savoir. Tom encercla doucement son corps de ses bras, l'enfermant dans une étreinte qu'il voulait réconfortante. Il n'avait aucune idée de quoi faire, mais il voulait juste trouver un moyen d'aider Bill. Il se sentait comme s'il devait le faire, il ne pouvait définitivement pas l'abandonner ni le regarder sombrer.

« Tu as besoin de penser à autre chose. » ; souffla-t-il distraitement.

« Bien sûr, Tom, si t'as un remède miracle, te gêne pas pour faire tourner ! »

Le plus jeune soupira, puis baissa les yeux vers lui tout en laissant glisser ses mains contre ses hanches.

« Je n'ai aucun remède miracle, mais j'ai quelques méthodes qui défoulent. »

L'infirmier lui lança un regard interrogateur, puis sursauta lorsqu'il sentit ses doigts se faufiler et bouger au niveau de ses côtes.

« Ah non ! » ; Tom afficha un sourire malicieux et le blond fronça les sourcils, agrippant ses poignets. « Non non non, Tom ! »

Son dos s'arqua et il remua involontairement sous l'assaut de ses doigts taquins, faisant doucement rire le cadet. Progressivement, les plaintes qui s'échappaient de sa bouche se transformèrent en rire et il fut incapable de se contrôler. Que ce soit la sensation horrible des chatouilles, la façon dont son corps se contorsionnait ou les rires et autres cris inconscients qui sortaient de sa bouche. C'était désagréable et en même temps, ça poussait la boule de nerfs à éclater en lui, explosant seulement en un rire nerveux. Aussi étrange que cela puisse paraître, Tom le forçait à laisse sortir les choses et ça le soulageait.

Il le souleva soudainement et Bill poussa un petit cri de surprise, agrippant ses épaules, sans succès puisque Tom alla le faire basculer sur le canapé. Il se retrouva à l'envers, jambes contre le dossier, et le cadet rit tout en faisant le tour, se laissant tomber à ses côtés et tirant sur ses jambes afin de le faire glisser dans le bon sens.

« T'es complètement fou ! » ; marmonna l'androgyne en souriant. Ses jambes avaient finalement atterri sur celles du dreadé et il leva les yeux au ciel en l'entendant rire encore. « Où est passé le petit Tom timide ? »

Tom afficha un sourire malicieux.

« Je me suis habitué à toi. » ; dit-il en faisant distraitement glisser ses doigts contre l'une de ses jambes.

« Tu es tellement différent de ce que j'avais imaginé la première fois. » ; le plus jeune haussa un sourcil et Bill baissa les yeux vers ses doigts qui couraient le long de sa cuisse. « Quand je t'ai invité à boire un verre, tu t'es mis à rougir et à regarder partout sauf sur moi, et vu ce que tu m'as fait ce soir-là, tu n'avais franchement pas de quoi rougir. »

L'étudiant se mordit l'intérieur des joues tout en souriant, à la fois amusé et un peu gêné.

« Je ne te connaissais pas ! »

« Ouais, mais ton corps a parlé. » ; Tom étouffa un petit rire et le blond fit glisser une main derrière sa nuque. Le cadet approcha pour embrasser le bout de son nez, puis sa bouche glissa le long de son cou, soufflant et câlinant délicatement la peau chaude. « Toi t'as mangé du lion aujourd'hui. »

Tom ne fit que sourire contre lui et mordit légèrement la chair tendre qu'il avait à disposition. Il passa une main dans son dos et s'accorda le droit de faufiler ses doigts sous son haut afin d'avoir accès à la peau douce et brûlante. Bill le laissa faire, plutôt satisfait de sentir son corps se détendre sous l'attention. Ses doigts se faufilèrent juste contre les petites mèches brunes au niveau de sa nuque et il sentit le dreadé soupirer chaudement dans son cou.

Lorsque Tom releva la tête, Bill avait appuyé la sienne contre le dossier du canapé et dût lever les yeux en sentant son regard insistant peser sur lui. Il ravala le -quoi ?- qui s'apprêtait à sortir de sa bouche quand il comprit la lueur qu'il avait dans les yeux et se mordit les lèvres, nerveux.

Tom avança et le blond laissa glisser sa main contre sa nuque dans le mouvement, le souffle rapide de son vis-à-vis répondant à sa question muette. Le plus jeune des deux approcha jusqu'à pouvoir frotter son nez contre le sien, laissant une pierre tomber lourdement dans l'estomac de l'infirmier qui n'était plus capable de savoir ce qu'il voulait.
Son souffle brûlant chatouillait sa joue et ses lèvres, et Bill n'était pas sûr de savoir s'il voulait refuser ou simplement le laisser faire. Il avait déjà brisé ses propres règles en le laissant s'immiscer autant dans sa vie et en lui parlant. Alors une de plus, qu'est-ce que ça pouvait bien changer ?


To be continued. [ ... ]

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