~ Je contrôle rien, j'ai juste l'impression d'avoir été emporté par un tsunami et un coup j'arrive à m'accrocher, un coup je coule ,un coup je me cogne. ~
« Qu'est-ce qui s'est passé ?! » ; Tom se tourna vivement vers Andy et Elsa qui étaient apparus derrière lui. Son coeur battait douloureusement dans sa poitrine et Elsa fut la première à avancer afin de le prendre dans ses bras. « On a entendu, mais je suis sûr qu'il ne le pense pas. » ; le dreadé souffla doucement et referma ses bras autour d'elle.
« Elle a raison. Tu ne peux pas prendre en compte ce qu'il te dit en ce moment, il est noyé dans sa douleur, il ne voit que ça. »
« Je suis pas sûr de savoir quoi en penser... »
« Évidemment qu'il a besoin de toi ! C'est Bill ! Crois-moi, il ne t'accorderait pas autant de temps si c'était le cas et il ne te laisserait certainement pas voir Greg s'il ne tenait pas vraiment à toi. » ; lui expliqua Andy.
« Je m'en doute, mais... »
« Tu le savais, Tom ! Je te l'ai dit, et lui aussi. Peut-être que t'as toujours cru que ce serait plus facile que ça, mais c'est pas le cas. Il va mal, il te rejettera, c'est obligé. Après, libre à toi de le supporter ou pas. » ; le conseilla-t-il ensuite. « Je sais qu'il tient à toi, ça se voit ! Il a besoin de toi, il a besoin qu'on le pousse, parce que sans ça il se laissera couler. »
« Je sais. » ; après un moment, Elsa se tourna pour faire face à Andy et Tom garda un bras contre ses épaules.
« Peut-être que si tu essaies de penser à ce qui t'a manqué à toi, tu peux l'aider. » ; souffla-t-elle pour son frère. Tom plissa les yeux en y réfléchissant.
« Comme quoi ? Je t'avais toi, j'avais mes amis et pourtant ça n'a rien empêché. » ; ne sachant toujours rien, Andy fronça le nez d'incompréhension et croisa les bras contre son torse.
« Bien que je n'y comprenne pas grand chose, je pense qu'il y a autre chose. » ; les deux plus jeunes le regardèrent avec appréhension, puis s'interrogèrent mutuellement du regard. Tom hésita franchement, alors qu'Elsa pensait que les choses seraient un peu plus simple si Andy les comprenait. Pourquoi ? Il comprendrait Tom plus facilement, il l'aiderait plus facilement avec Bill. Et même si son frère allait souffrir de se faire rejeter, elle était là et elle ne pouvait que le soutenir. Elle ne pouvait pas blâmer Bill pour sa douleur.
« Notre mère est morte. » ; Tom tourna vivement la tête et fit les gros yeux à sa soeur, jurant mentalement contre sa façon de toujours balancer les choses aussi directement. « ...il y a cinq ans. » ; ajouta-t-elle, haussant les épaules face au regard sombre de son aîné. Face à eux, Andy les regardait, l'air surpris, probablement un peu sous le choc aussi.
« Vous... hum, merde, sérieusement ? » ; le dreadé détourna les yeux et Elsa acquiesça seulement. « Mais Tom, pourquoi tu m'as jamais rien dit ? Je te saoule pour que tu comprennes depuis des mois alors que tu sais très bien ce qu'il va ressentir ! »
« C'est différent, nous n'avons pas eu toutes ces années d'angoisse, et je n'aime pas parler de moi. » ; Andy soupira, mais passa une main contre son épaule. Il ne pouvait que comprendre, Bill ne parlait jamais de Greg aux autres. Il était habitué à ce qu'il lui cache ses plus grandes peines, et Tom ne semblait pas si différent à ce sujet.
« Les circonstances sont peut-être différentes, mais la mort d'un parent reste cruelle et injuste peu importe l'âge ou la manière. » ; il les conduisit vers la cafétéria de l'hôpital afin de se poser un peu, connaissant l'endroit par coeur à force d'être venu pour les urgences. « Je comprends que ce soit vraiment difficile pour toi d'avoir à revivre tout ça, mais je crois vraiment que tu es celui qui lui sortira la tête de l'eau. »
« Pourquoi ? » ; ils se posèrent tous autour d'une petite table après avoir embarqué un café et Andy reposa son regard sérieux sur le dreadé.
« Parce qu'il t'aime beaucoup malgré ce que tu crois, et toi tu as les yeux qui pétillent chaque fois qu'on prononce son nom. » ; Tom soupira lourdement. Y avait-il quelqu'un sur cette Terre qui n'était pas au courant ?
« C'est pas... je n'ai pas... »
« Tu n'as pas besoin d'être gêné, c'est plutôt mignon ! » ; s'exclama l'autre homme avec un sourire. « Tu prouves que tu es quelqu'un de bien rien qu'en venant ici pour lui alors que tu as de mauvais souvenirs de cet endroit, alors ça me rassure. Bill est le seul à ne pas ouvrir les yeux. »
« Je crois que je préfère qu'il ne le sache pas. »
« Il ne le fera pas pour l'instant, en tout cas je pense pas... et il vaut mieux pas, il te jetterait. » ; l'étudiant fronça le nez. Très rassurant. « Je pense qu'il a besoin de se faire à l'idée que Greg ne sera plus là, il aurait l'impression que tu veux le remplacer ou je ne sais quelle connerie s'il le savait maintenant. »
« Mais c'est n'importe quoi ! »
« Je sais, mais tout ça ça le rend aveugle. Enfin, c'que j'essaie de dire... c'est qu'une fois qu'il ira mieux, tu auras plus de chance. Je suis sûr que... »
« Attends ! » ; le coupa le dreadé. « Ce que toi tu comprends pas, c'est qu'il est pas prêt d'aller mieux ou de s'intéresser à moi. » ; Andy afficha une mise confuse.
« Pourquoi ça ? »
« Parce qu'il sera brisé... » ; répondit Elsa en devançant son frère. Le plus âgé fronça les sourcils, mais réalisa qu'elle avait raison et ils se regardèrent tous sans savoir quoi rajouter. À quoi ça servirait de remuer le couteau dans la plaie ?
**
Bill était revenu avec tout ce que son père lui avait demandé, ils avaient dîné tous les trois, discuté, pleuré. Cette journée avait semblé tourner et tourner encore, dans un cercle vicieux et éprouvant. Elle avait été si longue, et il appréhendait à présent la nuit à venir. Parce que même s'il avait plus ou moins forcé la main au personnel s'occupant de Greg pour que sa mère puisse au moins dormir dans la même chambre, lui se retrouvait seul. Aussi seul et vulnérable qu'un chaton sans défense.
Les visites étaient terminées à présent et s'il avait pris le temps de fumer ainsi que se prendre un café, il n'avait plus rien pour se distraire désormais. Il avait une pièce autre que la salle d'attente à disposition où il pourrait passer la nuit. Une salle désespérément vide.
« Est-ce que t'as mangé au moins ? » ; Bill sursauta violemment et jura tout haut en manquant de renverser son café. Il se retourna avec des yeux curieux, mais se calma lorsqu'il tomba sur le dreadé. Il ne l'avait pas revu depuis des heures et il était surpris qu'il soit toujours là après la manière dont il l'avait jeté.
« Qu'est-ce que tu fais ici ? » ; lui demanda-t-il d'un ton neutre. Tom referma la porte derrière lui et s'avança.
« Andy bosse de nuit, j'ai ramené Elsa chez mes grands-parents et j'ai pensé que tu devais pas rester tout seul. »
« Et bien, tu pensais mal. »
« Tu n'es pas obligé de me parler ou de faire attention à moi si t'en as pas envie, je veux juste être là. »
« Et pourquoi tu voudrais être là ? T'as rien de mieux à faire ?! » ; Tom décida de ne pas se laisser démonter, croisant les bras contre sa poitrine tout en observant distraitement la petite pièce.
« Elsa était trop jeune pour rester attendre à l'hôpital pendant toute la semaine où maman était dans le coma, je trouvais ça trop glauque, et mes amis avaient cours. Rester seul toutes les nuits à angoisser m'a rendu dingue. » ; l'androgyne plissa les yeux et avala une gorgée de son café comme si ça lui donnerait une certaine contenance. « C'était vraiment horrible et même si tu veux pas me parler, je refuse de te laisser seul. Je veux être là si tu vas mal, s'il se passe un truc, ou peu importe... »
Cette fois, Bill fut incapable de répondre tout de suite. Il se mordit l'intérieur des joues, l'air angoissé.
« Je... tu n'es pas obligé d'écouter mon père ou de rester juste parce que tu comprends. »
« Quoi ? Ça n'a rien à voir ! T'es mon ami, je tiens à toi et je m'inquiète pour toi. » ; le blond entrouvrit la bouche pour répliquer, mais Tom le devança. « Et ne dis pas que ça sert à rien ! Je ne suis pas là parce que je l'ai promis à ton père ou que je veux me donner bonne conscience. Peut-être que t'en as rien à faire et je serais discret si tu le souhaites mais je veux être là et il est hors de question que je laisse tomber. »
Bill souffla doucement et évita son regard. Il avala une longue gorgée de son café, puis se laissa tomber sur l'une des deux chaises qui traînait dans la pièce. Est-ce que ça le rassurait secrètement de ne pas se retrouver seul ? Sans doute.
« Bien. Tu peux rester. » ; marmonna-t-il alors qu'il enroulait ses deux mains autour du gobelet encore chaud. Tom tira la seconde chaise et se posa face à lui, le détaillant prudemment, lui et son air triste et en même temps méfiant. Maintenant qu'il était là, il ne savait plus comment agir. Il voulait être là pour lui, mais si Bill se fermait, à quoi ça servait ?
« As-tu mangé alors ? » ; demanda-t-il à nouveau. Bill haussa un sourcil et leva les yeux vers lui, surpris qu'il insiste autant à propos de ça.
« Oui, avec mes parents. » ; répondit-il finalement. Tom hocha alors distraitement la tête, puis reporta son attention sur la petite table qui les séparait. Cette pièce était étroite et angoissante. Pleine de souvenirs tous plus douloureux les uns des autres, et Tom pensait qu'ils pourraient au moins l'améliorer pour qu'elle soit moins déprimante. Outre une table, deux chaises, une lumière jaunâtre, des murs blancs déprimants et une vue incroyable sur le parking de l'hôpital, il n'y avait rien pour se distraire. Tout était fait pour se sentir enfermé. Enfermé et emprisonné par ses angoisses.
« Et comment va ton père ? » ; l'androgyne se mordit la lèvre inférieure et fit distraitement tourner son gobelet entre ses doigts.
« Aussi bien que possible. Je le trouve tellement serein et gentil avec moi alors qu'il se souvient de moi seulement quand j'étais petit et qu'il est sur le point de mourir. »
« Mais il t'aime, et l'amour ça s'oublie pas. »
Surpris, Bill leva à nouveau les yeux et plongea dans ceux hésitants et craintifs du dreadé. Tom était probablement le gars le plus surprenant qu'il ait jamais rencontré.
« Tu crois vraiment ? Parce que j'en ai vu défiler des gens qui avaient Alzheimer, ou qui perdaient la mémoire après un accident, et crois-moi, amour ou pas, quand ils oublient y a pas de miracle. » ; cracha-t-il avec mauvaise humeur. Tom regarda droit dans ses yeux, semblant bouleversé, puis il soupira et croisa ses bras sur la table pour y déposer sa tête.
« Très bien, je me tais. » ; marmonna-t-il, la voix étouffée contre la manche de son sweat.
Le silence tomba très vite. Oppressant, lourd, triste. Tom tourna son visage sur le côté sans bouger de son oreiller improvisé et fixa son regard sur le mur où la peinture terne semblait s'effriter depuis déjà un bon moment. Il ne comprenait pas l'intérêt de ces pièces. Ils envoyaient les familles ici pour libérer les salles d'attente, et les familles déprimaient dans ces pièces sans vie en attendant que la personne meurt ou survive à il ne savait quelle connerie. Pas de lit, pas de télé, pas de magasines ou autre distraction même minime. Pourquoi ? Quel était le but ? Cette pièce était si lugubre, si silencieuse jusqu'à ce que vous vous retrouviez étouffé par vos sanglots ou englouti par vos pensées les plus sombres. Le problème, quand vous attendez quelque chose qui vous brisera, est que vous ne pouvez pas cesser d'y penser, et dans une pièce comme celle-ci, vos pensées résonnaient si fort qu'elles vous donnaient envie de vous taper la tête contre un mur.
Bill profita de son inattention pour détailler le peu de son visage qu'il pouvait apercevoir. Ses yeux vides et tristes, ses longs cils et son nez fin alors que sa bouche était cachée par le tissu de sa manche. Il réalisa doucement que Tom affrontait ses propres démons pour lui, pour le soutenir, et qu'il avait été injuste de le jeter de cette manière. Seulement, il ne pouvait pas s'en empêcher, il avait peur, et cette peur le forçait à tenir les autres à distance pour se protéger d'une potentielle autre souffrance.
« Je suis désolé d'être un tel connard avec toi. »
Surpris, Tom leva les yeux, puis se redressa lentement, l'étonnement brillant dans son regard alors que le blond venait attraper l'une de ses mains, l'incitant ainsi à tendre son bras sur la table. Il le regarda avec de petits yeux incertains et Bill se sentit mal de savoir qu'il le blessait.
« Quoi ? » ; demanda-t-il d'abord, pas sûr de s'il avait rêvé ou si Bill avait vraiment parlé.
« Je sais que tu veux bien faire, et je suis désolé d'être comme ça mais c'est juste... c'est un tel bordel dans ma tête, et je sais plus du tout quoi ressentir. » ; cette fois, Tom hocha lentement la tête, compréhensif.
« Parce que ça te soulage qu'il soit proche de toi et en même temps ça fait mal de savoir que c'est la dernière fois ? » ; Bill fronça le nez, mais acquiesça et sentit pour la énième fois les larmes monter dans ses yeux.
« J'arrive pas à me dire que c'est pour toujours... » ; le cadet posa sa seconde main sur la sienne, l'enfermant délicatement.
« C'est quelque chose que tu auras du mal à faire, ça prend du temps... je sais que c'est effrayant, mais tu auras toujours tes souvenirs. »
« Ose me dire que tes souvenirs ne finissent pas par te faire mal. »
« Si, bien sûr... » ; Tom hésita, mais il ne voulait pas l'embrouiller. « Parfois tu rêveras de lui et ce sera douloureux au réveil, quand tu réaliseras qu'il n'est plus là. » ; l'androgyne se crispa. « Mais doucement, quelque chose, ou quelqu'un, te donnera la force de l'affronter et tu te sentiras un peu mieux. »
« Pourquoi ça doit être si dur ? »
« Je sais pas... c'est juste comme ça, mais essaie vraiment de te concentrer sur tes meilleurs souvenirs. Ton père veut que tu sois heureux, non ? Pense-y, même si ça n'a aucun sens pour l'instant. Dis-toi qu'il veut pas que tu te tortures. »
« Je le sais, ça, mais c'est pas si facile, je contrôle rien, j'ai juste l'impression d'avoir été emporté par un tsunami et un coup j'arrive à m'accrocher, un coup je coule, un coup je me cogne, et c'est que ça ! »
« Je comprends ce que tu veux dire. » ; Tom se leva pour contourner la table et poussa l'aîné à en faire de même. Il tira doucement sur ses mains pour le rapprocher de lui et Bill ne fit rien d'autre que chercher du réconfort dans ses yeux. « Tes émotions arrivent par vagues, et se mélangent, et tu as l'impression d'étouffer ou de devenir fou. »
Bill le fixa avec de grands yeux, surpris qu'il le comprenne autant. Le plus jeune déposa une main contre sa joue, la réchauffant délicatement de sa paume sans savoir comment l'apaiser. Il n'avait aucune solution réelle. Quoiqu'il dise, quoiqu'il fasse, rien ne changerait la situation. Le blond se laissa aller à s'avancer vers lui, papillonnant des paupières au contact de son pouce caressant sa joue. Tom prit le temps de détailler ses yeux brillants, ses traits tirés par l'angoisse et cette expression qui lui fendait le coeur. Ses doigts glissèrent contre sa peau pâle, l'effleurant comme si un simple toucher pouvait effacer ses maux. Bill se laissa toucher, espérant naïvement que ça suffirait à l'apaiser un peu. Au moins pour la nuit. Tom hésita, mais le blond n'eut aucun mouvement de recul alors il avança et attrapa fébrilement ses lèvres en un baiser chaste. Bill regarda dans ses yeux, et le dreadé attendit une quelconque réaction afin de ne pas le brusquer. Finalement, il approcha de lui-même et Tom reposa sa bouche close contre la sienne. L'aîné ferma les yeux au contact, pressant lentement leurs lèvres ensemble, partageant leur souffle tremblant. Il se laissa guider par la douceur et le réconfort que lui insufflait l'autre homme, suivant le mouvement de leurs bouches se touchant, se goûtant ou s'effleurant seulement parfois. C'était doux et ça le forçait à se focaliser sur autre chose que ses pensées. C'était comme un nouveau souffle.
Bill recula après un moment, fixant son regard dans celui du dreadé tout en espérant y trouver ce qu'il cherchait. Force, courage, réconfort ? Tom fit doucement glisser son pouce contre ses lèvres légèrement rougies et les caressa avec une certaine délicatesse, baissant inconsciemment les yeux vers elles tout en se sentant stupide et égoïste d'avoir envie d'être si proche de lui avec tout ce qui se passait. Mais Bill lui faisait mal au coeur et il voulait juste pouvoir le voir sourire à nouveau.
De son côté, Bill enroula ses doigts entre ses dreads et tira lentement, l'incitant à faire basculer sa tête en arrière. Il reposa ensuite ses lèvres contre les siennes à la grande surprise du cadet et eut cette fois l'air plus impatient. Tom sentit son dos toucher le mur, et puis les doigts du blond s'accrochèrent à son sweat et sa bouche le dévora, entre douceur et désespoir.
« Est-ce que tu vas rester cette nuit ? » ; lui demanda-t-il contre ses lèvres. Tom haleta, le souffle court et le coeur battant fort.
« Oui. » ; répondit-il en levant les yeux vers lui. « Même si tu me jettes, je te l'ai dit, je serais là. »
L'androgyne se mordit les lèvres juste sous ses yeux, et Tom s'en voulut d'être consommé par l'envie de plaquer sa bouche contre la sienne et l'embrasser, et le serrer, et profiter aussi. Bill sembla entendre ses pensées puisqu'il attrapa brièvement ses lèvres, ses mains le tirant plus près de lui et son nez effleurant inlassablement le sien.
« Bill... » ; appela-t-il à voix basse. Le blond papillonna des yeux, respirant fort contre lui.
« Laisse-moi juste... encore un peu. » ; Tom acquiesça, tremblant. Ses doigts allèrent s'accrocher à ses cheveux et l'aîné recolla sa bouche humide à la sienne. Ça avait l'air plus désespéré qu'autre chose. Plus fébrile, et torturé. Bill était accroché au bas de son sweat et semblait avoir peur de tomber s'il le lâchait. Tom le laissa faire, serrant son bras libre autour de lui comme s'il pouvait l'enfermer et le couper de toute cette situation. « Tom... » ; sa voix rauque interpella le dreadé qui recula son visage pour le voir, et il le serra alors fermement contre lui. Ses yeux étaient remplis de larmes, encore, et Tom savait qu'elles étaient incontrôlable dans ce genre de situation. « J'ai mal au ventre et à la tête. »
« C'est parce que t'as peur et que pleurer ça fatigue. » ; Bill fronça le nez en le sentant repousser les toutes petites mèches qui collaient à son front brûlant. « Tu as besoin de dormir. »
« Je peux pas. »
« Si tu peux ! Tu finiras par tomber de fatigue de toute façon. » ; le blond soupira et frotta longuement ses yeux avec ses poings.
« Je sais plus quoi ressentir, j'en ai marre. » ; souffla-t-il, l'air agacé. « Je vais te faire du mal, Tom, tu devrais même pas rester ici. »
« Je le sais, mais je resterais, quoique tu dises. » ; pour appuyer ses dires, il glissa et se posa au sol, son dos contre le mur. Bill baissa le regard vers lui, étonné. Tom lui tendit une main, et Bill pensa qu'il n'avait de toute manière aucune autre option que passer la nuit dans cette pièce. « Toi qui bosse ici, dis-moi pourquoi aucun lit n'est prévu dans ce genre de situation ? »
Bill descendit jusqu'à se retrouver à ses côtés et le dreadé garda la main qu'il lui avait finalement tendu entre les siennes.
« Parce que c'est pas dans les priorités. » ; répondit-il distraitement. « Je sais qu'elle est triste, cette pièce, mais si je voulais l'améliorer je devrais payer de ma poche, parce que la patronne en a rien à foutre. »
« Parce que l'argent sert à sauver des vies ? »
« C'est ça. Quel est l'intérêt d'essayer d'améliorer les conditions quand il n'y a aucune solution ? » ; demanda-t-il ironiquement. Il était probablement l'un des seuls à connaître cette salle ici. Ou en tout cas, à la connaître vue de l'intérieur. Personne ne comprenait, personne ne semblait avoir autant de poisse qu'eux et Bill les maudissait parfois pour ça. « Je déteste avoir à demander à une famille de venir ici, je sais très bien ce qu'ils ressentiront et je ne peux jamais rien faire d'utile pour eux. »
« Tu les comprends au moins. » ; l'androgyne marmonna quelque chose ressemblant à un -ouais- loin d'être motivé.
« Nous pourrions mettre une plante verte, il y aurait au moins quelque chose de vivant ici. » ; Tom regarda autour d'eux et acquiesça lentement. Tout était terne, et mort. Il n'y avait aucune vie, même pas dans la couleur des murs. La vie était partout autour, mais certainement pas dans cette pièce.
« Je pourrais en apporter une. » ; répondit-il distraitement. Bill tourna alors la tête vers lui, les yeux remplis d'incompréhension.
« Pourquoi tu ferais ça ? » ; Tom haussa une épaule.
« L'espoir ? » ; surpris, le plus âgé regarda droit dans ses yeux.
« Est-ce que t'en as toi au moins, de l'espoir ? » ; l'étudiant grimaça. C'était une question qu'il s'était beaucoup posé dernièrement.
« Disons que... je pensais en avoir trouvé, mais la réalité m'a rattrapé. » ; Bill lui adressa un sourire ironique.
« Connerie de réalité. » ; lança-t-il avec un soupir. Tom fit délicatement glisser son pouce au niveau de sa paume, le chatouillant doucement.
« Elle est toujours là quelque part, à guetter tes moindres mouvements pour resurgir dès que tu as une once d'espoir. » ; Bill fronça les sourcils et crispa ses doigts contre les siens. Ça ne lui semblait pas très rassurant pour l'avenir. « Le seul truc... c'est que tu apprends à vivre avec, et c'est un peu moins dur... la plupart du temps. »
Bill soupira et laissa tomber sa tête contre son épaule. Voilà pourquoi il agissait comme un connard. Il ne pouvait pas espérer ou avoir une petite journée de bien-être sans être rattrapé par la réalité. Il en avait eu la preuve la veille. La nuit avait été plutôt bien, à rire, discuter et batifoler avec Tom, à danser n'importe où et n'importe comment. Et Elsa lui avait d'abord donné un avant-goût au réveil, et puis il se retrouvait à présent ici, brisé en deux. Est-ce qu'il devait être puni chaque fois qu'il commençait à ressentir quelque chose de bien ou est-ce que la vie était juste très mal foutue ?
Progressivement, il se faufila presque entre les jambes du dreadé et celui-ci enroula ses bras autour de lui, passant une main dans ses cheveux alors qu'il pouvait sentir sa tête peser contre son torse. Entouré par sa chaleur, Bill s'apaisa un peu. Sa tête était douloureuse et ses yeux papillonnaient dangereusement, éreinté par les événements précédents. Tom joua distraitement avec ses mèches courtes tout en le gardant au chaud. Il voulait qu'il dorme, au moins quelques heures. Et peu importe s'il finissait courbaturé d'être resté assis ici toute la nuit pour pouvoir veiller sur lui.
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Feeling Good
Romance« L'opposé de la débauche, ce n'est pas la pruderie, ce n'est pas l'abstinence : c'est l'amour. » --Alphonse Karr.