Sacrilège - 7

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J'avais une certaine fierté à leur donner de nouveaux éléments pour faire avancer l'enquête, et leur racontai immédiatement tout ce que j'avais pu obtenir d'Enorielle et de Brile. Chance resta parfaitement silencieux et immobile durant mon récit, et dans la pénombre de la nuit tombante il semblait taillé dans la pierre. Uchen, à ses coté, montrait un enthousiasme d'enfant tranchant avec son physique d'ogre. Peu à peu, sans y prêter attention, je me tournais davantage vers l'humain qui me posait sans cesse plus de questions et je sursautais quand j'entendis la voix profonde du dragon m'interrompre :

‒ Et toi, Loc Reyis ? Que penses-tu ?

‒ Que... Et bien, comme je vous l'ai dit, je pense que les deux histoires ont des défauts. Enorielle dit avoir été prévenue deux jours avant le meurtre. Mais quand Brile dit que Foudre a été tué à cause d'elle, ou qu'il volait de l'or, ça... enfin, je ne sais pas, mais...

‒ Dis.

‒ Ce n'est pas moi qui peut dire ce qui est normal ou pas, enfin je ne connais pas assez...

‒ Cesse d'essayer de deviner ce que moi je pense et parles. Pourquoi soulignes-tu ces deux affirmations du dragonnier Brile ?

‒ Parce que... elles me paraissent... enfin, ce n'est pas ce à quoi je m'attendrai d'un dragon, encore moins d'un ailes-de-nuages, surtout un Nervis. Ça ne correspond ni à son rôle auprès des autres dragons, ni à un comportement de dragon. Et même si c'était vrai, qui l'aurait tué pour ça ? Pour les dragons, être stupide ne justifie pas un meurtre. Enfin, que je sache.

‒ Exact. Si Brile a menti, comment peut-on l'expliquer ?

‒ Heu... enfin, on ne peut pas penser qu'il a pu être complice ou quoi que ce soit, donc... Le fait qu'il trouve Enorielle indigne a sûrement directement été dicté par la jalousie. Il avait l'air profondément blessé dans sa fierté. Quand au reste, et bien... Cette histoire de vol a pu être inventée aussi, non ? Si Foudre ne lui disait pas ce qu'il faisait hors de la grotte ? Il n'accepterai pas d'avouer son ignorance comparée à Enorielle.

‒ C'est une des hypothèses, en effet. Tu vois, tu sais déjà beaucoup de choses.

Uchen approuva en me mettant une claque dans le dos qui me fit faire deux pas et en tonitruant :

‒ Un vrai p'tit génie ! J'ai rarement croisé un immigré tout frais qui en sache autant sur les dragons et les dragonniers !

Je n'ai pas pu m'empêcher de rougir devant le double compliment. Deux membres de l'Alliance, humain et dragon, qui appréciaient mes connaissances de servant-dragon, c'était énorme. Ma fierté tourna court quand Uchen enchaina :

‒ Ils ont l'air hors du coup, la petite comme le vieux. A tous les coups, Brile lui a vraiment dit que Foudre avait des ennuis deux jours avant le meurtre, simplement parce qu'il devait sans cesse être en train de lui dire des mensonges pour la faire déguerpir. Un pur hasard. Non, la meilleure piste qu'on ait pour le moment, ce sont ces deux soldats. Tu es d'accord, Chance ?

‒ Quels soldats ?" demandai-je. Sans m'écouter, le dragon répondit :

‒ Je peux seulement affirmer que ce ne sont pas les dragons qui l'ont tué, et ce sont des certitudes qui ont été chèrement payées.

‒ C'est ça, et parmi les humains, les deux gars...

‒ Quels deux gars ?" insistai-je, énervé mais n'osant pas élever vraiment la voix.

‒ Deux soldats ont été vu prenant le chemin de la forêt. Ils portaient nos couleurs, mais ça pourrait très bien être des assassins arciens infiltrés. Ou fremiens. Ou n'importe. J'ai envoyé mon meilleur pisteur à leurs trousses, et la dragonnière de Chance. Ils seront bientôt rattrapé et ramenés ici pieds et poings liés. Là, on les fera parler.

Kenjara - les enquêtes de Loc ReyisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant