La Tour Blanche - 10

12 3 0
                                    

Lorsque je me réveillai, tout était calme autour de moi. Je me sentais étrangement apaisé, bien installé dans un cocon douillet. Je n'arrivai même pas à me rappeler exactement pourquoi j'étais si inquiet. Il y avait Ijja, ça c'était certain, mais la perdre ne semblait pas si important que ça, après tout. Elle allait bien finir par nous retrouver et se joindre à la fête !

J'étais arrivé dans une caverne, mais c'était une belle caverne, et même une superbe caverne. Partout des gemmes et des cristaux sertis dans la roche renvoyaient une lumière douce et scintillante. De gens étaient là, préparant la fête. De mon côté, j'étais un peu coincé, mais en même temps je n'avais pas vraiment envie de sortir des couvertures. Les regarder travailler me suffisait.

La créature me souriait de toutes ses dents et demanda joyeusement :

"Et bien, n'es-tu pas satisfait ? N'es-tu pas ravi ? Tu nous cherchais, et nous voici !

L'esprit toujours aussi engourdi, je lui demandais d'une voix pâteuse :

"Où suis-je ? Qui êtes-vous ?

— Tu es chez nous !

— C'est qui, vous ?

— Nous, c'est nous, les autres qui ne sont pas toi, ceux qui te font face sans pour autant la perdre, l'autre moitié de la conversation !

Même au meilleur de ma forme, leur façon de parler m'aurait déstabilisée. Là, je gardais l'impression tenace d'être dans un de ces rêves où tout est familier sans que rien n'ait de sens, dont on ne peut percevoir l'absurdité qu'au réveil. Et donc, comme dans un rêve, je tentais de comprendre ces phrases sans queue ni tête avec le sérieux que la politesse exigeait.

La créature continua à jacasser joyeusement. Son ton était amical, mais je n'appréciais pas sa manière de parler bien trop près de moi, ni la lueur agressive de son regard. Elle savait très bien que j'étais en mauvaise posture, et ça l'amusait particulièrement.

J'insistai :

— Qui êtes-vous ? Moi je suis Loc Reyis. Je suis un enquêteur de l'Alliance. Je vous cherchais... je crois.

— Loc Reyis...

Savoir mon nom sembla combler d'aise la créature, qui le répéta en le faisant rouler sur sa langue comme un bonbon. Puis elle fronça les sourcils et gronda :

— Non. Ce n'est pas ton nom.

— Je... quoi ?

— Ce n'est pas ton nom. Tu n'es pas toi. Menteur !

J'avais beau avoir du mal à me concentrer, je compris qu'elle avait utilisé de la magie sur mon nom, et vu sa colère je n'avais aucun intérêt à lui révéler mon nom de naissance. La peur me faisait peu à peu revenir à moi, et je tentais de bouger. J'étais sous une lourde et épaisse couverture, mais aucune couverture n'aurait dû être aussi lourde ni aussi épaisse. Lorsque je baissai la tête, je vis que j'étais enrubanné dans ce qui pouvait ressembler à des milliers de dentelles superposées. Ou à un cocon d'insecte capable de tisser un fil épais comme un fil de coton. L'idée me fit violemment frissonner, sans faire bouger d'un pouce ma prison.

Je me mis à crier plus fort encore que mon interlocuteur.

C'est alors qu'une autre créature intervint, tout aussi petite et asexuée à mes yeux que la première. Elle se mit à me caresser la tête en murmurant :

— Chut, allons, tout va bien, tout va bien... Regarde.

À ma grande horreur, elle se métamorphosa sous mes yeux.

Kenjara - les enquêtes de Loc ReyisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant