La Tour Blanche - 3

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Cette fois nous émergeâmes réellement à l'air libre, au-dessus d'Assembra et au pied des montagnes, le vent violent de la hauteur nous fouettant le visage, sous la coupe formée par les trois griffes assemblées en flammes. Faraäd nous assura que nul ne pouvait nous voir de l'extérieur. C'était ici qu'il formait les sorts qu'il lançait ensuite pour protéger la ville et réduire nos ennemis en cendre pendant la guerre. Je m'attendais à y trouver un outil magique d'importance, une pierre, un miroir, un chaudron, quelque chose qui lui permettait de canaliser sa puissance, comme on en trouve généralement dans les contes et les légendes. Mais rien, à par la puissance de la Tour Blanche elle-même.

Pendant que je m'enivrai de la vue, Ijja demanda :

— C'est d'ici que vous avez envoyé la foudre, pendant la bataille des sept jours ?

— Exact... Vous y étiez ?

— Non. Mais des camarades m'en ont parlé. Pourquoi avez-vous mis autant de temps ?

Il ne répondit pas tout de suite, laissant son regard se perdre à l'horizon. Un étrange sourire, presque nostalgique, se peignit sur ses traits. Puis il se tourna vers nous et plaça sa main à l'horizontale, paume vers le sol de la Tour, à hauteur de ceinture. Un éclair blanc aveuglant s'échappa de sa paume et courut jusqu'au sol, où il se dissipa.

— Voici ma magie, à son état naturel. De quoi effrayer quelques paysans, mais rien qui puisse faire la différence face à une armée, n'est-ce pas ? Cette Tour me permet d'augmenter ma magie jusqu'à ce que je la relâche. Comme un instrument qui augmente l'écho d'une petite corde jusqu'à ce qu'il puisse être entendu par tous... J'ai passé sept jours à accumuler ma magie dans la Tour, encore et encore, jusqu'à avoir suffisamment de puissance pour balayer l'armée ennemie. Pendant ce temps, les nôtres ont résisté héroïquement. Je sais que les pertes ont été lourdes. Vous croyez que d'ici, je ne pouvais pas le voir ? Alors que Merrohé était dehors avec sa pyromancie et défendait les barricades de fortune au péril de sa vie ? Attendre a été la chose la plus difficile que j'ai jamais faite. Mais lancer le sort trop tôt aurait été inutile. Alors que sa forme finale a permis de sceller notre victoire.

C'était vrai. La résistance d'Assembra durant cette fameuse bataille avait été héroïque, nos pertes terribles, mais tout s'était terminé lorsque la foudre avait frappé nos ennemis avec une précision chirurgicale. Non seulement Assembra avait été sauvée, mais plus jamais l'ennemi n'avait tenté d'assaut contre elle, terrifié par cette puissante magie que personne ne pouvait contrer. C'est ainsi que cette simple étape de repos pour les dragons était devenue notre capitale.

Comme tous les Kenjariens je connaissais cette histoire, bien qu'elle se soit déroulée plusieurs années avant que je n'arrive dans ce pays, mais jamais je n'avais réalisé à quel point ça avait dû être difficile pour Faraäd de tenir ainsi, sans savoir si le champ de bataille n'allait pas être un simple champ de ruine le temps qu'il soit prêt à frapper.

Ijja hocha gravement la tête et ajouta :

— Merrohé est plus connu parmi la troupe car il a pu combattre aux côtés des autres. Mais tout le monde sait que c'est la foudre qui nous a permis de l'emporter.

— Mais je n'aurais jamais pu lancer la foudre sans Merrohé pour les retenir...

— Comment pouvez-vous être deux mages liés à la même Tour ? Tout le monde dit que c'est impossible.

— Et comme chacun le sait, les mages racontent leurs secrets à n'importe qui, n'est-ce pas ? Je n'arrive pas à croire que vous osiez me demander une chose pareille. Vous ne manquez pas d'audace !

Kenjara - les enquêtes de Loc ReyisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant