La Tour Blanche - 2

20 1 0
                                    

La Tour Blanche n'était pas le bâtiment le plus impressionnant d'Assembra, mais elle se remarquait aisément, et aurait dominé une ville moins montagneuse que la nôtre. Notre capitale se tapie dans les creux en Y formés par trois montagnes, la Dormeuse, le Pic et la Grondante. Les habitations ordinaires ont fleuri dans les vallées, suivant la pente et les cours d'eau comme les humains ont l'habitude de s'installer, mélange de construction en pierre, en bois, en torchis, en peau, et en tout ce que les immigrants ont pu dresser au-dessus de leurs têtes. Cette partie de la ville a grandi trop vite et trop anarchiquement pour mériter plus d'un coup d'œil.

Cependant, au-dessus de la masse, grimpant le long des contreforts montagneux, on trouve des jardins en terrasse, des places, des fontaines, des arches d'une beauté à couper le souffle, tous démesurément grands si on ne tient pas compte du fait qu'ils n'ont pas du tout été bâtis à notre échelle. Ce sont des créations des dragonniers réalisées en l'honneur de leurs seigneurs. Encore plus haut, impossibles à atteindre pour ceux qui ne savent pas voler, se trouvent deux auberges-relais aux vastes terrasses creusées directement dans la pierre des montagnes, ainsi qu'une énorme porte sur les flancs de la Grondante. La rumeur veut que cette porte donne sur la grotte d'un dragon impérial, reliée à un volcan endormi dans les entrailles de la terre. Tout ce qu'on sait, c'est que même lorsque la guerre brûlait Assembra, aucun dragon n'est sorti par cette porte, qui pourrait laisser passer une armée entière.

Les plus impressionnantes constructions humaines d'Assembra sont toutes militaires et sinistres : murailles et fortins barricadent l'accès à la ville de tous les côtés, comme un corset de pierre grise bien trop serré depuis la fin de la guerre et l'installation de tous les nouveaux arrivants. À l'exception de la Tour Blanche. Perchée sur un contrefort au pied de la Grondante, aussi blanche que son nom l'indique, la Tour est élancée et élégante, ses pierres si parfaitement ajustées qu'elle semble avoir été créée d'une seule pièce. De l'extérieur, on ne distingue pas la moindre fenêtre ni la moindre porte. Trois grandes griffes émergent de son sommet et forment une torsade semblable à une flamme, dans un style qui rappelle les gravures représentant des constructions elfiques. En un mot, une vraie Tour de magie, aussi majestueuse que prétentieuse.

Dim nous avait averti que cette absence de fenêtres n'était qu'un leurre. Construite pendant la guerre, la Tour Blanche avait pour mission de protéger Assembra et l'entrée de Kenjara, ses habitants étaient capables de distinguer tout ce qui se passait dans les trois vallées avec une précision redoutable. Leurs portes invisibles n'étaient qu'une sécurité de base.

Un homme sorti de la Tour, émergeant du blanc comme s'il sortait d'un bassin rempli de lait. Il portait une lourde cape encapuchonnée proche de celle de Dim, représentant des nuages blancs brodés sur fond bleu azur. Je distinguai mal son visage - plus que l'ombre de la capuche, c'était ma propre incapacité à me concentrer sur lui qui m'empêcher de le scruter à ma guise. Très agaçant.

Dim nous présenta rapidement :

« Voici Loc Reyis et Ijja de Cherbier, les deux enquêteurs de l'Alliance.

L'homme hocha la tête et nous salua :

— Je suis heureux de vous rencontrer. Je suis Faraäd l'aermestre, mage des forces céleste et maître de cette Tour. Puis-je examiner ce que vous comptez emmener avec vous ?

Sans protester, nous lui tendîmes nos affaires. Sans avoir besoin de faire quelque chose d'aussi ordinaire que de les ouvrir, il les fit voler devant lui et les scruta, sans doute à la recherche de magie. Pendant ce temps, la vie continuait tout autour de nous, les assembriens évitant de passer à proximité de la Tour et du rocher sur lequel elle était bâtie. Je n'avais jamais fait attention, mais cet endroit offrait une vue magnifique, il était étrange que personne n'y mette jamais les pieds... Sauf si, bien sûr, les mages du lieu avaient utilisé une magie repoussoir pour éviter les curieux. Ça avait l'air d'être leur genre.

Kenjara - les enquêtes de Loc ReyisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant