Pour la Moisson - 17

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Il était déjà tard dans la soirée quand nous avons rejoins Danaya et Exrid, les deux Libellules volées. Ils étaient en compagnie de Bira, leur chef, et d'Uchen dans une petite salle commune, au fond de l'aile ouest. A en juger par l'ambiance lorsque nous arrivâmes, la discussion avait été houleuse. Danaya en particulier nous jeta un regard dépité, comme si nous ne pouvions qu'ajouter de nouveaux reproches à ceux qu'elle avait déjà subit.

Danaya était une belle jeune femme, malgré la fatigue qui avait creusé de profondes cernes sous ses yeux. Ses traits fins et sa peau cuivrée attestaient de son origine mandalanienne. Elle portait encore sa tenue de "riche marchande", ornée de fourrure, et de beaux bijoux, dont un magnifique peigne de nacre ornant ses longs cheveux noirs.

A ses cotés, Exrid et ses cicatrices ressemblait à un mercenaire, aussi menaçant que protecteur. D'une dizaine d'années de plus qu'elle, il avait le cuir tanné d'un arcien qui a passé trop de temps au soleil, le nez cassé et une oreille mutilée - à moitié arrachée, ou coupée par des moyens barbares. Toute son attitude - bras croisés, épaules vers l'arrière, tête baissée et mâchoires crispées - évoquait un enfant boudant après s'être fait grondé. Mais son regard restait impénétrable.

Devant eux, Bira, la libellule, se retourna vers nous pour nous offrir son plus charmant sourire - impossible de savoir ce qu'elle était en train de dire ou faire quelques instants plus tôt. A en juger par l'expression sombre d'Uchen, ça restait assez grave.

"Alors !" s'exclama Bira. "Il parait que vous avez couru partout aujourd'hui ! Votre enquête avance bien, à ce qu'on dirait !

Aïna grimaça et s'assit en avouant :

— Non, pour le moment nous n'avons rien. Mais nous allons demain interroger les villageois et les dragonniers. Apparemment, les graines ont été évacuées avec les déjections du refuge. Reste à savoir si elles arrivent dans un endroit accessible, où le voleur espérait les ramasser plus tard.

— Je vois..." murmura Bira, dont le regard d'acier se tourna vers ses deux Libellules. Danaya tenta de soutenir ce regard tout en avalant bruyamment sa salive, Exrid resta de glace. "Figurez-vous qu'on en parlait, juste avant que vous arriviez. Et que ces deux-là me juraient leurs grands dieux que c'était impossible qu'on ait fait sortir le raingan par ce moyen...

— Je n'ai pas dit que c'était impossible." protesta Danaya. "J'ai dit que j'avais toujours eu les fontes dans mon champ de vision et que je ne me rappelais d'aucun moment où ni moi ni Exrid n'étions en train de les surveiller, ou de dormir dessus. Et que pour accéder à la trappe de nuit, il fallait passer par-dessus les trois cherberiens. Ils se seraient bien rendu compte de...

— Justement," l'interrompit Aïna, "je voulais vous demander s'il n'y avait jamais eu, dans le refuge, un incident, quelque chose qui aurait attiré l'attention.

— Nous étions toujours ensemble. A part l'homme blanc, l'Ok-Berenn. C'était le seul qui restait en permanence à l'écart.

Je retins de mon mieux le sourire qui me montait aux lèvres. Voilà qui commençait à devenir intéressant. Pendant ce temps, l'achimiste insistait :

— Vous ne vous souvenez de rien qui sortait un tant soit peu de l'ordinaire ?

— Et bien... on était en permanence les uns sur les autres. La plupart du temps, ça se passait bien, surtout grâce à l'Hirondelle qui est un amuseur professionnel ! Mais il y a eu quelques disputes. Guémon se méfiait de lui, il semblait croire que l'Hirondelle n'avait qu'une seule idée en tête, coucher avec sa précieuse fille ! Et ils ont failli en venir aux mains, à un moment. Donc, j'imagine qu'à ce moment là, tout le monde dans le refuge avait les yeux rivés sur eux...

Kenjara - les enquêtes de Loc ReyisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant