La Tour Blanche - 12

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Je ne sus jamais exactement ce qu'Ijja vit, durant notre périple à travers la caverne. Lorsque je lui posai la question, bien plus tard, elle me répondit simplement : "Des monstres". Ijja n'est pas du genre à s'étendre sur ses peurs. Moi-même, je n'aurai sans doute pas su qu'elle avait peur si je n'avais pas eu durant tout le trajet ma main plantée dans son épaule, sentant ses sursauts et ses crispations indiquant des menaces qui venaient de tous les côtés. J'entendais la musique, des hurlements, des promesses d'apaisement et de bonheur - et j'appris vite à retenir mon souffle après ce genre de charme, car Jilom nous enveloppait brièvement d'ombres pour briser toutes les influences positives avec lesquelles les créatures tentaient. Je me contentai de garder les yeux bien fermés et de suivre mon instinct, laissant au hasard la plus grande place possible afin qu'il me sauve.

Le trajet ne fut pas si long avant que Jilom ne s'exclame :

"C'est là ! On a retrouvé ton sac !

J'ouvris les yeux. La caverne avait changé, la lave et le silex acéré avaient replacé les magnifiques cristaux et les tables de banquet. Mais la chance m'avait bien guidé : nous avions littérament les pieds sur mes affaires. Jamais je n'avais été aussi content de piétiner mon vieux sac de cuir.

Laissant mes camarades tenir en respect les créatures, je ramassai hâtivement les artefacts et brisai le sceau d'un parchemin de dissipation d'illusions.

Tout disparu autour de nous. Il n'y avait jamais eu de caverne. Nous étions debout dans la plaine d'herbes noires depuis le début. Et les créatures ne s'étaient pas rendues invisibles, elles s'étaient dissimulées dans les herbes, courbées ou à quatre pattes, plus véloces ainsi qu'un humain en train de courir. D'après les ondulations des herbes, nous étions encerclés.

Jilom cria un mot dans une langue que je ne connaissais pas, mais ça nous suffit, à Ijja et moi, pour savoir que nous devions retenir notre respiration.

La porte était invisible à nos yeux de profanes, mais au fur et à mesure que Jilom récitait les formules adéquates, nous avons vu les contours de l'hexagone apparaitre dans le ciel rougeoyant, comme dessinés dans l'air par une farandole de minuscules comètes. Peu à peu l'espace entre ces contours se remplit, devenant de plus en plus palpable, jusqu'à ce que la porte et tous ses pétales soient pleinement apparents dans le ciel et s'ouvrent lentement.

Toujours aucun signe de mouvement de la part des créatures. Nous y étions presque... Jilom termina ses formules, nous attrapa par les épaules, et nous ramena dans la Tour sans anicroche. Enfin !

Mais nous n'avons pas eu le temps de crier victoire... Alors que l'apprenti lançait le sortilège destiné à fermer la porte, Ijja se mit à crier :

"Ils sont là ! Ils sont entrés !

Cachées par leurs sorts, les créatures avaient profité de l'ouverture pour se jeter dans la Tour et s'y cacher, trop vite pour qu'Ijja puisse les suivre des yeux malgré la potion.

Elle attrapa son épée et commença à courir à leur poursuite quand une voix impérieuse tonna :

— Qu'est-ce qui se passe ici ?

Faraäd entrait dans la pièce, furieux et me semblait-il bien plus imposant que la veille. Jilom commença à bredouiller quelque chose, je l'interrompis pour expliquer :

— Des créatures vivaient dans la salle d'entrainement de votre apprenti ! Elles nous ont attaqués, et lorsque nous avons réussi à leur échapper, plusieurs d'entre elles nous ont suivis ! Vu leur type de magie ce sont elles les voleuses de la magie des rêves. Aidez-nous à les rattraper et à les livrer aux dragons !

Kenjara - les enquêtes de Loc ReyisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant