Maudits - 2

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Comme je l'ai dit, les cellules du bâtiment n'avaient qu'une minuscule fenêtre, et lors de ma dernière visite l'occupante des lieux chassait l'obscurité à grand renfort de lampes à huile, ce qui était efficace mais empestait l'atmosphère jusqu'à être étouffant.

A ma grande surprise, alors que quatre jours seulement nous séparaient de notre première rencontre, elle avait à présent mis la main sur un globe de lumière, un artefact de magie douce semblable à une boule de cristal, qui éclairait délicatement la pièce.

La Vieille - quelque soit son vrai nom - était justement en train de régler la longueur de corde attachant le globe au plafond, et m'interpella immédiatement par un :

"Tiens-moi ça et ne bouge pas.

Docilement, j'attrapais la corde et ne bougeai plus. Du moins j'essayais, tandis que l'autre entrepris carrément de me grimper dessus.

‒ Hé, mais... mais arrêtez !" protestai-je.

Elle me toisa des pieds à la tête puis soupira :

‒ Evidemment, tu dois faire la moitié de mon poids, on n'y arrivera pas comme ça. Tant pis, je vais juste attendre qu'un plus grand arrive...

J'étais plutôt vexé, même si c'était absolument vrai. J'étais petit et chétif, né petit et chétif puis mal nourri jusqu'à ce que ma croissance se décide à démarrer, autant dire qu'elle n'était jamais allée bien loin. Tandis que mon interlocutrice, qui n'était pas si vieille mais avait une petite quarantaine d'années, était pourvue de formes généreuses qui effectivement semblaient faire le double de mon poids. Donc non, l'idée de lui servir de marchepied ne me séduisait pas une seconde.

Je lui tendis la corde, qu'elle tira jusqu'à laisser le globe de lumière légèrement au-dessus de nos têtes - elle n'était pas beaucoup plus grande que moi. Je tentais de changer de sujet :

‒ En tous cas, c'est beaucoup mieux comme ça. Vous avez bien fait de l'acheter.

‒ C'est un cadeau d'une postulante. On fait ce qu'on peut pour rendre cet endroit vivable, et j'ai trouvé son idée pas mauvaise. Par contre, je crois qu'il faut les recharger régulièrement, et ça ne vaut pas le prix que ça coûte.

‒ Pour l'instant. Après tout, la guerre est finie, on va avoir pas mal d'alchimistes qui retournent à la vie civile.

‒ Tiens, justement, j'en ai.

‒ De quoi, une vie civile ?

‒ Une alchimiste qui retourne au civil. Encore apprentie, mais un bon niveau. Elle a postulé chez nous. J'aimerai bien voir ce qu'elle a dans le ventre. Tu la veux ?

Je repassai le tout dans ma tête, espérant y trouver du sens en prenant un peu plus de temps pour y réfléchir. Mais non.

‒ Comment ça, est-ce que je la veux ? Elle postule chez les Libellules, c'est vous qui décidez si vous la prenez ou pas, je n'ai aucune raison de m'en mêler et elle ne veut sûrement pas entrer au Bureau d'Enquêtes Criminelles.

Et elle ne savait sûrement pas qu'il existait.

‒ Tu m'avais demandé une enquête, non ?" me demanda la Vieille.

‒ Tout à fait, c'est juste que je ne vois pas le rapport...

‒ J'ai des meurtres pour toi, qui puent la magie noire. En fait, on devrait envoyer un sorcier vérifier ce qui se passe, mais ils sont tous occupés à protéger Isadora et le traité de paix. Par contre on peut envoyer une petite alchimiste, pour l'instant elle sert à rien et elle tourne en rond. Elle t'aidera, si ça te va. Et nous on verra de quoi elle est capable.

Kenjara - les enquêtes de Loc ReyisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant