Pour la Moisson - 19

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Le trajet du retour démarra dans un silence plutôt pesant. Les soldats ne comprenaient pas vraiment ce qui se passait. Pour ma part, j'avais préféré ne pas contredire Aïna par rapport à cette histoire de plan, mais son idée me paraissait farfelue. Comment un simple plan lui permettrait de retrouver les graines ?

Si celles-ci avaient fini au fond d'un gouffre ou d'un torrent souterrain, c'en était fini de nos espoirs, point final. Et surtout, même si elle parvenait à trouver où avaient glissées les céréales, il n'y avait aucun moyen que de simples villageois aient pu parvenir à la même conclusion.

Je commençais à lui en parler, et n'obtins comme réponse qu'un haussement d'épaules agacé. Tête baissée, apparemment concentrée sur le chemin, elle rechignait à aborder la question devant les soldats. Il faut dire qu'assez rapidement, des murmures se mirent à traverser le groupe, les coup d'œil envers elle se faisaient de plus en plus nombreux, et le capitaine ne faisait rien pour les calmer.

Je sentais l'alchimiste se raidir de plus en plus. C'était une excellente enquêtrice, mais son plus gros défaut restait de bien trop se soucier de l'opinion des autres, et de perdre tous ses moyens lorsque celle-ci commençait à être mauvaise. Ce qui commençait à m'agacer.

Nous avions une piste à suivre, et je ne savais absolument pas comment m'y prendre pour coincer le than, il me semblait plus urgent de nous concentrer dessus comme prévu plutôt que de ruminer.

Un jeune caporal demanda directement au capitaine :

"Alors, vous allez relâcher Ajja maintenant ?

— Ce n'est pas à moi d'en décider." répondit sobrement son chef.

L'homme posa alors directement la même question à Aïna, qui lui répondit, visiblement mal à l'aise :

— On ne relâchera personne tant qu'on n'aura pas retrouvé les graines. Je suis désolée.

— Mais Ajja n'est pas une voleuse. Tout le monde le sait.

— On cherche.

— Et bien moi je peux vous le dire. Et tout le monde à la garnison peut vous le dire. Vous faites n'importe quoi depuis le début et c'est elle qui doit en subir les conséquences.

— Tout le monde en subit les conséquences. Si elle veut qu'on en termine plus vite, elle n'a qu'à nous aider.

— Vous aider ? C'est à vous de trouver ces saletés de grains, non ? Les envoyés d'Isadora en personne, vous n'étiez pas censé trouver des choses plutôt que de harceler une pauvre fille qui n'a rien fait ?

Furieuse, Aïna s'arrêta net et prit le temps de toiser l'insolent avant de rétorquer sèchement :

— Si vous savez quoi que ce soit qui permettrait de l'innocenter, votre devoir est de nous le dire. Je me moque de ce que vous fricotez pendant le service, nous avons juste besoin d'information, caporal... Caporal Zehïr, j'imagine ? A moins qu'Ajja n'ait d'autres amis dévoués à la garnison ?

Le visage outragé du caporal valait de l'or, tandis qu'il cherchait comment se sortir de ce mauvais pas. Et le capitaine, qui avait fait la sourde oreille - sans doute par dépit envers les civils qui l'avaient baladé toute la journée pour rien - finit par réagir en ordonnant tout aussi sèchement :

— Caporal Zehïr ! Vous êtes prié de collaborer avec l'enquêtrice de l'Alliance et de répondre à ses questions !

Celui-ci serra les dents et marmonna :

— Quelles sont vos questions, madame ?

— Ajja est innocente ?" demanda Aïna.

— Bien sûr !

Kenjara - les enquêtes de Loc ReyisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant