Chapitre 20 : Noirceur. ✔

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Je suis balancée dans ma cellule comme un vulgaire bout de chiffon. Les barreaux se referment derrière moi dans un fracas assourdissant, tandis que les nébors s'éloignent au loin. Mon nez se fronce de dégoût à l'odeur familière de pourriture qui règne à l'Isolement. Mes larmes coulent le long de mes joues. Je me recroqueville et enfouis ma tête entre mes genoux. Des sanglots étouffés se répercutent à travers la cellule. Mes pensées fusent à mille à l'heure, tout se bouscule. Les derniers souvenirs que j'ai de Roxana remontent alors à la surface. Comme la fois où nous nous étions poursuivies dans la classe avec nos doigts pleins de pâte à tartiner. Ou bien celle où l'on avait dansé comme des folles à ma soirée d'anniversaire. Ou encore, lorsqu'elle m'avait offert son cadeau au parc, juste avant que ma vie ne tourne au drame improbable. Je porte une main autour de mon cou et serre le collier entre mes doigts. Cette petite note de musique, une clé de sol, sertie de quelques pierres de saphir ici et là. C'est la seule chose qu'il me reste d'elle. Je compte bien conserver ce collier toute ma vie. Si seulement j'avais su que ces moments étaient les derniers que je passais avec elle... Dans un sens, je le savais. La vision que j'avais eue dans le parc me l'avait montré. J'avais vu la mort de Roxana, et pourtant, je n'ai pas été fichue de la sauver. J'ai été forcé de la regarder mourir sous mes yeux. Mes pleurs redoublent en intensité.

— Evalina ?

Isaac. Je l'avais oublié. J'essaie de refouler mes sanglots pour pouvoir lui répondre, mais je n'y arrive pas. Je déteste me montrer aussi faible. Surtout devant quelqu'un. Il faut absolument que je prenne sur moi et que j'arrive à contrôler mes émotions. Je ne peux pas me laisser aller ainsi. « Je pourrais t'apprendre si tu te joignais à moi ». Les paroles de la Démone résonnent à mes oreilles et ne semblent pas décidées à aller voir ailleurs. Jamais je ne me joindrai à elle.

— Evalina ?

Encore lui. Sa voix est remplie d'inquiétude, il se fait du souci. Je lui dois bien une réponse.

— Je vais bien.

— Non, tu ne vas pas bien, constate-t-il lorsque je relève vers lui un visage noyé par les larmes.

Je pousse un gros soupir et m'essuie les joues du mieux que je le peux. On dit que parler aide à se sentir mieux... Il faut que je lui raconte ce qui s'est passé. Il faut que je trouve la force de le faire. Ce n'est pas si compliqué ! Il suffit d'ouvrir la bouche et de sortir un son. Mais lorsque je m'apprête à le faire, c'est comme si on m'avait ouvert les vannes. Les larmes recommencent à affluer.

— Si tu ne veux pas en parler, je peux comprendre. Par contre, je refuse de te voir pleurer sans rien pouvoir faire. Viens là, dit-il avec un mouvement de tête accompagnateur.

Je me relève avec difficulté, les jambes vacillantes à chaque pas qui me rapproche de sa cellule, puis je me laisse retomber contre les barreaux qui nous séparent. Leur acier froid contre ma peau me fait frissonner. Je déteste cette sensation. Mais je me force à rester assise, près de lui. Tout doucement, il approche ses mains de mon visage. Les chaînes qui le retiennent sont tout juste assez longues pour lui permettre de passer ses mains entre les barreaux. Il en pose une sur chaque joue, et efface mes larmes délicatement. Aujourd'hui, j'ai besoin de tout lâcher.

— La Démone, débuté-je d'une voix pas très assurée. Elle veut que... que je la rejoigne. Elle veut que je m'allie à elle. Mais j'ignore pourquoi.

Je m'interromps, sur le point d'éclater de nouveau en sanglots. Je déteste ce sentiment. La tristesse. J'en déteste chaque partie, des tremblements dans la voix jusqu'aux larmes salées. Je prends une grande inspiration et continue :

— Elle a... tué sous mes yeux l'une de mes meilleures amies. Elle a dit que si je ne me joignais pas très vite à elle, il... il arriverait la même chose à toutes les personnes auxquelles je tiens.

Surnaturels Tome 1 : Mystères. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant