Chapitre 23 : Lunatique. ✔

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Je me précipite jusqu'à l'infirmerie. J'ignore les appels de Zéphyr et d'Angie qui tentent de m'en empêcher. Ils ont vraiment cru que je resterais là, les bras croisés, à assimiler la nouvelle sans rien faire ? Ce n'est pas mon genre. Je longe les couloirs du château et ne tarde pas à pousser la porte du dispensaire. Je jette un regard circulaire dans la salle et le trouve allongé dans un lit blanc, des machines reliées à son corps. Un corps qui m'a l'air amaigri. Il est visiblement toujours dans le coma. Je l'entends à peine respirer. Il est en train de mourir à petit feu... par ma faute. Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Dès l'instant où je me suis retrouvée dans cet Isolement de malheur, Isaac a été là pour moi. Il m'a pris ma peine. Il m'a rassurée. Il s'est confié à moi. Du moins... un peu. Je ne connais pas toute son histoire, mais ce dont je suis certaine, c'est qu'il a traversé des moments affreux et qu'il ne s'attendait sûrement pas à mourir ainsi. Que s'est-il passé dans ma tête pour que je lui fasse subir une chose aussi épouvantable ? Pourquoi ai-je fait ça ? Pourquoi ? Je m'en veux tellement ! Et je m'en veux encore plus quand je me souviens avoir aimé ça. J'ai adoré le voir souffrir. Je voulais réellement le tuer. Je ne me contrôlais absolument plus. J'ignorais qu'une part de moi pouvait faire ça. Et si je faisais subir la même chose à l'un des Surnaturels ? À Zéphyr ? À Edden ? Ou pire, à Angie ?

Je fronce les sourcils. Angie est comme les autres, je ne sais pas pourquoi j'ai pensé que ce serait pire si c'était lui. J'ai peur de ne plus jamais être tranquille. Je ne pourrai plus parler à l'un des Surnaturels sans avoir cette crainte de lui faire du mal. De me transformer soudainement en quelque chose que je ne suis pas. Une machine à tuer, par exemple. Je m'approche encore un peu plus du lit où est allongé Isaac, de façon à pouvoir le toucher. J'observe son visage, si paisible. Son torse se soulève à peine. Le bip-bip des machines me noue l'estomac. Je prends sa main entre les miennes et me concentre de toutes mes forces pour lui transmettre mon énergie. Malheureusement, il est trop faible pour pouvoir absorber ma capacité de guérison. Zéphyr avait raison. On ne peut pas le sauver... À cette pensée, ma gorge se serre et une larme roule sur ma joue. Je l'essuie d'une main tremblante. Je ne veux pas qu'il meure. Je ne veux pas qu'il meure à cause de moi. Cela hantera ma conscience jusqu'à la fin de mes jours. Je ne réussirai jamais à me le pardonner.

— Tu te trompes, annonce une voix grave derrière mon dos.

Je relève la tête, surprise de ne pas l'avoir entendu plus tôt. Il a vraiment le don d'arriver sans qu'on ne le remarque. Et cette fichue manie de lire dans mes pensées.

— Sur quoi ? demandé-je.

— Tu réussiras à te pardonner. Ça prend du temps, mais tu réussiras.

Il s'approche de moi et plante son regard aigue-marine dans le mien. Je suis impressionnée par la force qu'il dégage. Il se tient parfaitement droit, les épaules relevées et les muscles saillants sous son tee-shirt noir. Lorsque je croise son petit sourire en coin, je comprends ce que je suis en train de faire. Reprends-toi, Evalina ! Je me concentre alors sur la couleur de ses yeux. Très mauvaise idée. Son regard me déstabilise toujours autant. Je finis par détourner la tête vers Isaac, tout en réfléchissant à la phrase d'Angie. Comment pourrais-je réussir à me pardonner d'avoir tué quelqu'un ? Il plaisante !

— Tu ne sais vraiment pas de quoi tu parles. Je ne pourrai jamais me pardonner une chose aussi horrible !

— Je sais très bien de quoi je parle, répond-il sèchement.

Ses yeux sont désormais rivés au loin, comme s'il se remémorait quelque chose. Un souvenir. A-t-il tué des gens ? Quelle question, bien sûr qu'il en a tué ! Mais j'ignore si le fait de tuer des trénones est similaire au fait de tuer des gens. Je ne pense pas. J'entends la porte de l'infirmerie claquer, signe qu'une nouvelle personne est entrée dans la pièce. C'est Zéphyr. Il s'avance vers nous d'un air soucieux, ce qui ne présage rien de bon. J'ai un mauvais pressentiment. Il s'arrête juste à côté de nous, passant nerveusement une main dans ses cheveux bruns. Il regarde Angie, puis un long silence s'ensuit. Je comprends alors qu'il est en train de penser afin qu'Angie soit le seul à entendre ce qu'il a à dire.

Surnaturels Tome 1 : Mystères. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant