Chapitre 40 : Perte de contrôle. ✔

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— Je savais que je te trouverais ici.

— Je n'ai pas cherché à me défiler.

Zéphyr esquisse un sourire et s'engouffre dans l'espace sombre et bleuté du Jardin Abyssal. Il jette un rapide coup d'œil à l'aquarium, puis il me rejoint sur le canapé. Il se laisse tomber contre la matière moelleuse et pose ses avant-bras sur ses genoux, les mains croisées. Il ne dit rien. Et je sais pertinemment pourquoi. Il attend que ce soit moi, comme à chaque fois qu'il veut entamer une discussion sérieuse. Et je n'aime pas ce genre de discussions. Il me pousse souvent à comprendre ce que je redoute le plus, à faire face aux démons qui me rongent de l'intérieur. Et je déteste ça.

— Tu perds ton temps, finis-je par dire.

— Nous savons tous les deux que c'est un mensonge. Depuis quand ne lis-tu plus dans les pensées des autres ? Parce que tu n'as pas l'air de savoir pourquoi je suis là.

— Je suis fatigué.

— Fatigué ? relève-t-il, les yeux bleus écarquillés par l'étonnement. Venant de toi, c'est la chose la plus improbable que j'ai entendue de toute ma vie !

Je lui lance un regard sévère, auquel il répond par un sourire arrogant. Le genre de sourire que moi-même j'aime sortir lorsque je suis de bonne humeur. Mais aujourd'hui, ce n'est pas mon cas. Je suis sans cesse sur les nerfs, et ça, Zéphyr l'a bien remarqué. Ses yeux me scrutent de haut en bas, si intensément que je pourrais presque croire qu'il est en train de lire dans mes pensées. Heureusement qu'il en est incapable. Evalina a raison. Si quelqu'un pouvait le faire, je ne le supporterais pas.

— Angie... tes yeux n'ont toujours pas changé, ils restent de la même couleur. Vert foncé, me précise Zéphyr.

— Ils vont revenir à leur couleur d'origine.

— Oui, mais quand ? Tu n'arrives même plus à te contrôler ! Épargne-moi un interrogatoire sans fin et viens-en directement au fait ! C'est à cause d'elle, je le sais très bien, tu le sais très bien, tout le monde le sait !

— Tout le monde le sait ? répété-je, sans réussir à masquer l'inquiétude de ma voix.

— Pas tout le monde, j'ai peut-être un peu exagéré, se reprend Zéphyr. Certains sont tout simplement aveugles pour ne pas comprendre pourquoi notre Leader est autant sur les nerfs.

— Si tu es venu pour me parler d'elle, tu peux repartir. Apolline est déjà passée par là, sans résultat.

Zéphyr secoue la tête et lâche un soupir, les lèvres serrées comme s'il se retenait de rire. S'il a trouvé quelque chose d'amusant dans cette situation, tant mieux pour lui.

— Dois-je te rappeler que je suis meilleur qu'Apolline ? se vante-t-il, haussant les sourcils. Ça fait trois ans que je te connais. Elle, ça fait à peine un an. Conclusion, je te connais mieux qu'elle et je sais exactement où frapper !

Zéphyr est l'un des rares à foncer tête baissée, et je respecte son courage. Je préfère ce genre de personnes à celles qui n'osent rien. Ne pas tenter est synonyme de lâcheté. C'est ce que me répétait toujours ma mère. Mais aujourd'hui, j'ai déshonoré son enseignement. J'ai fui face à Evalina, au lieu de faire face à ma peur.

Et je m'en veux. Les regrets. Encore quelque chose que je n'avais pas ressenti depuis bien longtemps. J'ai l'impression que tout mon monde est en train de s'écrouler. Que tout ce que j'ai cherché à refouler durant ces dernières années a décidé de refaire surface maintenant, sans m'en demander la permission.

— Bon, je vais être gentil pour cette fois, reprend Zéphyr, les yeux désormais rivés sur l'aquarium floral. Je vais juste te donner un conseil...

— Non, pas de conseil.

Surnaturels Tome 1 : Mystères. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant