Chapitre 1 : Driver

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Aujourd'hui semblait être un jour comme les autres. Ce que je ne savais pas, c'était que ces minutes allaient être les dernières minutes normales de ma vie. Comme tous les matins, je choisis la première place à l'avant, celle se trouvant juste derrière la cabine du conducteur. Je n'ai jamais compris pourquoi tous les élèves de mon bahut se pressent pour s'installer au fond du bus. Quel en était l'intérêt? Bref, en tout cas j'étais bien, tout seul, dans mon coin. Je ne suis pas anti-social, mais le bahut c'est pas mon truc. Et les élèves, non plus. Leur seul centre d'intérêt se résume à : qui a baisé qui, qui a les plus belles fringues, qui a la coupe la plus extravagante, qui a les dernières Nike... Qui est le plus cool en gros. J'avais tout de même quelques amis avant... Mais on s'est éloigné depuis l'accident de Paul. Ma tête contre la fenêtre, je contemplais à quel point le temps s'était éclaircit aujourd'hui à Philadelphie. Je sentais un regard sur moi depuis mon arrivé dans le bus. En relevant la tête, je me suis aperçut que le conducteur me fixait d'un air lugubre. Il avait en temps normal une tête qui faisait plutôt peur : le peu de cheveux qui lui restait sur le crâne s'hérissaient, il avait de gros sourcils en bataille, blancs mêlés de gris, et ses yeux globuleux pigmentés de vaisseaux sanglants me fixaient. Ce qui le rendait encore plus effrayant. Je ne savais pas vraiment où regarder... Il me rendait mal à l'aise.

- Reyes, c'est ça? rugit-il.

Il connaissait mon nom. Comment? Et pourquoi s'adressait-il à moi? C'est bien la première fois, ça fait plus de 7 ans que je prend ce bus et il ne m'a jamais adressé un mot, ni même un regard.

- Shawn Reyes...

- Tu sais, pour l'accident de Paul, je ne t'en veux pas comme la plupart des gens de Philie. Je pense que ce n'est pas de ta faute, et que tu as fais un choix, voilà tout.

C'est la première fois qu'on me parle en face de l'accident. Personne n'ose jamais rien me dire, malgré les regards mauvais des uns et des autres... Même mes amis ne me regardaient plus de la même façon. Mais le vieux du bus, lui, croit en moi. Et ça me rassure finalement, même si il me fout la trouille.

- Pourquoi? demandai-je, intrigué. Quand au lieu d'entendre sa voix, j'entend son talkie-walkie retentir "Bip... On a ce qui semble être un 0.9|E près de la sortie Ridge de la 611. Toutes les voitures doivent rester en vigilance pour un 9|V dans la zone." Mais le vieux ne semble pas s'en soucier.

- Parce que je connaissais quelqu'un qui avait commit un meurtre. Quand je lui posais une question, il me répondait "C'est pas moi! Je n'ai rien fait, ce n'est pas de ma faute!" il était paniqué, et n'était plus lui même, honnêtement.

Alors qu'il me racontait l'histoire de son ami meurtrier, plusieurs sirènes de police retentirent. Il n'y avait désormais plus que nous, les voitures de polices et les camions de pompiers sur l'autoroute. Plus aucune voiture n'était sur la voie, mise à part notre car. Au loin, je vis quelques voitures grandes ouvertes arrêtées en pleins milieu de la route, vides. Ce n'était pas normal quelque chose clochait. Un hélicoptère suivit désormais les voitures de polices. Ils n'étaient pas après nous, ils cherchaient quelque chose d'autre. Mais quoi? Une ambulance venait de nous doubler à une vitesse éclaire. Mais le conducteur ne cessait de jacter, et ne regardait même plus la route, il continuait à me raconter la pauvre histoire de son pote désormais mort en prison, tout en me regardant dans son rétro-viseur. Au loin, j'aperçoit quelqu'un. Cela semblait être une femme. Elle marchait en plein milieu de la route juste en face de nous. On aurait dit qu'elle boitait. Je n'ai pas eu vraiment le temps de voir son visage mais je sais que sa peau avait l'air... décomposée.  Le bus la heurta et le conducteur perdu alors le contrôle. Tout allait si vite, nous avons dévalé sur le côté et la barrière céda, le bus roulait désormais sur lui-même, des cris surgirent, du sang sur les vitres, tous les arbres nous tombèrent dessus, ma tête heurta la cabine du conducteur d'en face, tout devint flou et c'est le trou noir...


Des grognements monstrueux me réveillèrent. Lorsque j'ouvris les yeux, je mis un certain temps à voir clair. Le bus était dévasté. Nous étions apparemment dans une forêt. Le bus était encastré dans le sol de mon côté. L'autre côté était en suspend dans les feuilles et les branches d'arbres. Quand je me retourna, je vis quelqu'un manger quelqu'un d'autre. C'était Ashley, la cheerleader du lycée. Mais quand elle tourna la tête vers moi, on ne la reconnaissait pas. Elle avait des yeux tellement claires, qu'on ne discernait même plus son iris, elle avait de grosses poches rouges sous les yeux, et sa bouche était recouverte de sang et complètement déchiré, on pouvait clairement distingué sa mâchoire droite et ses dents alignés tandis que la chair se décomposait... Qu'est ce qui se passe? Sur ma gauche, quelqu'un pleurait tellement fort, que les monstres commençaient à se rapprocher de plus en plus de nous. C'était Henry, l'intello de ma classe. Il était petit, maigrichon, les cheveux en bataille. Son nez saignait à flot.

- Henry ! C'est moi, Shawn ! Il faut qu'on sorte de là ! Criai-je, mais il pleurait encore et encore, il ne pouvait plus s'arrêter et ça avait le don de m'énerver. Il avait clairement peur de la mort, alors pourquoi se morfondre et l'attendre patiemment au lieu de se battre pour survivre ? Je devais faire quelque chose. Je couru jusqu'à son siège. J'essayais tant bien que mal de le raisonner, de le convaincre à sortir. Mais pour sortir il fallait briser une vitre, on ne pouvait plus aller au fond, et la porte était coincée en haut d'un arbre. Henry me dit alors, tout en tremblotant, avoir repéré un extincteur au dessus d'un siège de sa rangée. Je le voyais, mais pour l'atteindre, ça allait être plus compliqué. Il fallait que je grimpe jusqu'au troisième siège, là où se trouvait deux ou trois de ces monstres. Henry n'avait décidément pas les couilles pour faire ce genre de truc, et je dois avouer que je me chiais dessus à l'idée d'y aller. Mais si on ne tente rien, on mourra de toute façon.

Après avoir grimpé silencieusement les deux premiers sièges où il n'y avait personne, j'étais juste au dessus du troisième. Les monstres se nourrissaient d'un gamin qui hurlait à la mort. Ils lui ouvrirent le ventre, et avalèrent les tripes qui en sortaient. Je n'osai même plus regarder, rien que l'odeur me donnait des hauts le cœur.  C'est triste, mais au moins cela faisait une distraction pendant que je me servait de l'extincteur. Après l'avoir eu, je m'empressais sans faire de bruit de retourner à ma place, d'où je faisais signe à Henry de me rejoindre. Je commença à donner de gros coups dans la vitre, elle se brisait petit à petit, mais plus il y avait de bruit, plus les monstres venaient vers nous. Il fallait se dépêcher. Au moment même où elle se brisa, des griffes frôlèrent mes pieds. Arrivés sur la terre ferme, Henry cessa enfin de pleurer. Mais les monstres du bus commencèrent à sortir, et il y en avait d'autre en face de nous. Nous étions encerclés. Il fallait courir avant de se faire piéger. Henry ! Cours ! Lui criai-je. Je l'entendis me suivre, jusqu'au moment où je n'entendis plus de bruit de pas, je me retournais et il était par terre, sous une dizaine de monstres. Je n'ai pas le temps, je ne peux pas revenir en arrière, c'est trop tard.

Un grand mur s'étale devant moi, je prend de l'élan, et m'agrippe à la bordure, puis tombe de l'autre côté. J'étais atterrit chez quelqu'un apparemment. Un grand jardin vert s'étendait, ainsi qu'une jolie maison peinte en blanc. C'était comme si tout était redevenu normal. J'avança jusqu'à la porte d'entrée et toqua. Aucune réponse. La porte était ouverte, j'ai donc prit l'initiative de rentrer. Cela semblait désert. Il y avait des photos de famille. Un père aimant, une mère attentionnée et une fille plutôt mignonne. Un mot était déposé sur le comptoir de la cuisine : "Hayley, nous te faisons confiance, tu as 16 ans maintenant, alors nous te confions la maison. Pas de bêtise, nous rentrerons dans une semaine. Bisous chérie, nous t'aimons. Papa et Maman". Où était cette fille? Je visitais la maison, quand je vis une trace de sang s'étalée sur toute la cuisine. Quand je me retourna, je vis encore une de ces choses. Elle voulait clairement ma peau, comme dans le bus. Je n'avais aucune envie de finir comme Ashley, ou Henry. J'étais coincé, et le monstre se jeta sur moi, j'essayais de toutes mes forces de me débattre, quand j'entendis des pas courir de plus en plus près. Un bruit sourd raisonna et je ne sentais plus la pression des doigts décomposés sur mes jambes. Mais je sentis alors un flingue pointé sur mon front.

Broken : Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant