Chapitre 4 : Juste une rose...

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     Arrivée chez moi, je m'étais jeté sur mon bureau pour en sortir un livre à la couverture dorée sur lequel quelques reliures rouges s'entrecroisaient à la manière d'une spirale. Du bout des doigts, je redessinais ses contours, nostalgique.

Ce bouquin était un cadeau de mon père, offert pour ma huitième année. A l'époque déjà, ma passion pour les livres était sans limites. J'aimais m'enfermer dans ses univers crées de toutes pièces, m'évader, même un court instant. Je me voyais dans la peau des divers personnages et me complaisais à mon tour de vivre leurs aventures.


Ce jour-là, Père était venu me voir m'avait dit que je pouvais être l'auteur de mes propres histoires, de mes propres personnages. Je n'avais pourtant jamais été intrigué par le fait d'écrire. Mais pour lui faire plaisir, j'avais essayé.

Et j'ai adoré. Je me suis créé mes propres amis, mes ennemis. Et plus j'écrivais, plus j'aimais. J'avais l'impression de contrôler l'histoire, de la faire aller où je voulais. Et pour la première fois depuis longtemps, je me sentais libre. Libre d'être moi-même. C'était grisant de voir à quel point mes personnages pouvaient me ressembler tout en étant diamétralement différent.


L'un avait ma timidité, l'autre ma curiosité et petit à petit, je me suis bâtie un monde où plus rien n'avait d'importance. Ni le créateur, ni les personnes crées. J'étais, tout simplement.


Alors encore une fois, pour oublier cette journée catastrophique, je pris ma plume et la laissai me guider. Petit à petit, mes lignes se remplirent et une sensation de plénitude m'envahit. J'étais bien, dans ce monde sans jugement et sans limites. La liberté que je pouvais avoir été totale. Aucune chaîne ne me retenait. Personne ne me disait quoi faire. Comment me comporter. Personne ne me forçait à épouser qui que ce soit, ni me rapprochais celle que j'étais.

J'oubliais que là dehors, Mike voulait me forcer à m'épouser. J'oubliai la haine que mes sœurs me vouait, j'oubliai mes problèmes, mon bonheur, tout.


J'oubliai, jusqu'à ma propre identité.




*

Quelques heures plus tard, de nombreux coups retentirent. Grognant, je me forçai à me redresser, sans chercher à arranger mon état outre mesure. Ma tête devait surement porter les traces de mon bras et des feuilles de mon bureau. J'avais dû être sacrément fatigué pour m'endormir ainsi. D'autres coups se firent entendre, impatients, et je criai que j'arrivais. Ouvrant la porte à la volée, je découvris mon père entouré de plusieurs soldats, à la mine impassible. Mon père, quant à lui, affichait une mine désolée.


     -Je peux entrer ? Me demanda un officier. Brun aux yeux foncés, l'homme avait une mine impassible. Son visage semblait comme figé, impossible d'y déceler quoique ce soit. Hochant la tête, je me décalai et les fit entrer à la cuisine, seule pièce pouvant les recevoir.


Je m'assis face à l'homme qui m'avait parlé, inquiète. Pourquoi étaient-ils ici ? Qu'est-ce que mon père faisait avec eux ? C'était un homme respectable, je ne comprenais pas.


     -Savez-vous ce que votre père fait avec nous mademoiselle ?


La Belle et la BêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant