La Belle et la Bête

Chapitre 18 : Je ne sais pas. Tu pourrais peut-être commencer avec des excuses ?

          L'homme que j'avais en face de moi ne m'avait jamais paru aussi dangereux qu'en cet instant. Avec ses yeux oscillants entre le noir et l'émeraude, sa mâchoire contractée faisant ressortir une veine sur sa tempe, ses pieds légèrement écartés et bien plantés dans le sol et ses muscles bandés à l'extrême, il avait tout d'un animal qui attendait le moindre faux pas de sa victime pour lui porter le coup fatal.

Antonio dû arriver à la même conclusion que moi puisqu'il balança un juron avant de retirer vivement sa main de mon poignet et de faire quelques pas en arrière. Sûrement par précaution.

Sauf que ce geste, plutôt que de rassurer Adkins, le fît durement grogner contre lui, si bien qu'il qui pâlit de plusieurs teintes. Il était complètement livide. Même sa houppette, d'ordinaire indécoiffable, pendait lamentablement sur son front en quelques mèches indistinctes. Et je le comprenais sincèrement. L'homme qui nous faisait face n'avait rien d'avenant. Bien au contraire !

Bien décidé à se sortir de cette situation, Antonio amorça un pas dans la direction opposée à la nôtre. Mais à peine bougea-t-il qu'Adkins grogna fortement de nouveau.

Je ne comprenais pas. Sa présence semblait le déranger. Mais le moindre de ses mouvements aussi ! Nous étions dans une impasse.

     -Fais quelque chose ! Me chuchota Antonio.

     -Quoi ? Me que...

     -Il est en train de perdre le contrôle ! Me coupa-t-il durement.

J'allai répliquer avant de croiser son regard. Ses yeux remplis de peur semblaient me supplier de faire quelque chose avant qu'il ne soit trop tard. Mais je connaissais à peine Adkins. Et je n'avais aucune idée de quoi faire.

     -Suis ton instinct, me chuchota-t-il, comme s'il avait lu dans ses pensées.

Sauf que se fût la phrase de trop. Adkins, qui visiblement n'appréciait pas du tout que nous parlions s'avança dans notre direction, plus menaçant que jamais. Avec sa démarche animale, dangereuse, il ne m'avait jamais paru aussi fort, aussi viril. Et presque malgré moi, j'appréciais le spectacle qui se déroulait devant moi. Avant que le geignement plaintif d'Antonio ne me sorte de ma bulle et ne me décide d'agir.

J'avançai à mon tour vers lui d'un pas décidé, même si je ne savais absolument pas quoi faire et mon audace soudaine sembla le déstabiliser puisqu'il s'arrêta brusquement, les yeux hagards. Il semblait complétement perdu. Et pour une raison que j'ignorai, cela me toucha profondément. Et c'est sans le vouloir que je réduisis l'espace entre nous.

Je lui faisais désormais face, les bras ballants alors que quelques centimètres à peine se dressaient entre nous. Je devais me dévisser la tête pour le regarder. Et lorsque je regardais ses yeux émeraudes encore furieux, mais où je pouvais discerner une légère pointe d'incertitude, je baissais piteusement la tête en soufflant.

Je ne savais absolument pas quoi faire. Quel geste pourrait le calmer ? Quelles paroles pourraient le rassurer ? Comment lui faire comprendre, sans l'énerver davantage, que tout ceci n'était qu'un affreux malentendu ?

Je n'en savais fichtrement rien.

Pourtant, lorsque je relevai la tête et vis ses yeux fermés douloureusement, comme si le fait d'être si près de moi sans me toucher lui faisait mal, je ne pus empêcher ma main d'avancer lentement vers son visage pour se déposer délicatement sur sa joue.

A ce geste, Adkins tressaillit légèrement et alors que j'allai enlever ma main, la sienne vînt englober la mienne en une étreinte rassurante.