Chapitre 23 - Faustine

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Lorsque je découvre le visage de ma mère, toute une foule d'émotions m'envahit.

Je m'étais promis de rester impassible et forte, mais maintenant que je suis devant elle, il m'est impossible de réfréner la colère, le dégoût et le sentiment de trahison qu'elle m'inspire.


Après tout ce qu'elle a fait, et surtout, tout ce qu'elle n'a pas fait, elle a encore une fois décidée de laisser les autres risquer leur vie pour moi. Sa lâcheté m'écœure et me donne envie de partir le plus loin possible de cette femme.

Et pourtant, impossible d'effacer le sentiment d'amour qui émane de mon cœur meurtri. C'est ma mère, et j'aurais beau lui en vouloir, je continuerais de l'aimer, parfois malgré moi.

"Pour moi, tu restes celle qui pourra faire changer les choses."

Mais surtout, je ne t'y aiderais pas, je rajoute en pensée alors que cette phrase me revient en mémoire. Comment peut-on mettre autant d'espoir dans son enfant et l'abandonner lâchement à son sort ? Quand je repense à ce seul moment où elle et moi avons été proches, j'ai un goût amer dans la bouche. J'aimerais faire en sorte de contredire sa prédiction, juste pour qu'elle ait tord et passe le reste de sa vie à se morfondre.

Mais j'aime encore plus l'idée de réussir et d'insister sur le fait que je n'ai pas eu besoin de son aide. Voilà pourquoi elle ne participera pas au plan qui va se mettre en place.

*
Alors que l'expression de son visage passe de la surprise à l'attendrissement, elle esquisse un geste vers moi. Peeter se met derechef entre nous pour l'empêcher de m'approcher. Je lui suis silencieusement reconnaissante de garder mon espace vital intacte, et de me connaître si bien.

Le choc qu'elle affiche ensuite me permet de remarquer que ses traits sont tirés et de larges cernes marquent ses yeux. Mais je me rappelle que ce n'est rien par rapport à ce à quoi, moi, je ressemble.

Je ravale la pitié et la colère qu'elle m'inspire et affiche mon expression la plus neutre, faignant un calme que je suis loin de ressentir.

Après nous avoir tous deux regardé attentivement, ma mère ouvre plus largement la porte et je retrouve alors son insupportable attitude de parfaire femme au foyer lorsqu'elle s'exclame d'un air faussement affligé :

-Mais entrez, il fait froid dehors!

Étonnant comment, à l'exception de ce qui concerne Peeter, les mauvais souvenirs réapparaissent en premier.

*

Quand nous entrons dans le salon, tout le monde me regarde comme si j'étais une revenante.

J'étais pourtant avec ces mêmes personnes, à peine quelques heures auparavant, et la moitié d'entre eux sont responsables de ce qui m'est arrivé. Que ça ait été volontaire ou pas.

Car en voyant Miles et en sachant désormais ce que je sais, je vois immédiatement la ressemblance entre nous. En vérité, elle me percute de plein fouet avec une telle force que je me demande comment j'ai fait pour ne pas le remarquer plus tôt.

De même que nous affichons tous les deux un air impassible démenti par nos regards méfiants, nous arborons la même attitude : bras croisés, légèrement en retrait et parfaitement immobile. Ce n'est peut-être pas quelque chose que quelqu'un d'extérieur remarquerait au premier abord. Et pourtant, une fois que l'on connait le lien entre nous, impossible de passer à côté de ces gestes et mimiques que nous exécutons à l'identique.

J'en ai presque la nausée.

Comme le silence se prolonge et que mon malaise grandit, je fais un pas en avant.

-Salut.

J'ai presque envie de rire quand je les vois défaillir au moment où j'ouvre la bouche. J'aurais sûrement pu trouver une meilleure réplique qu'un simple « salut » et pourtant, j'obtiens l'effet escompté.

Ils s'attendaient peut-être à ce que j'ai perdu la parole en même temps que la mémoire ?

- Unique - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant