- Unique - Tome 2

Chapitre 24 - Faustine

L'instant de vérité est enfin arrivé.

Il n'y a plus qu'elle et moi. Je n'entends pas les coups portés à la porte ou les discussions véhémentes qui les agitent au dehors. Je fais abstraction de ma fatigue, de ma colère, de ma tristesse et de tous sentiments qui pourraient me nuire en présence de celle qui a ruiné ma vie.

Reste mes sens aiguisés, mon esprit vif, et ma ferme détermination à obtenir les informations qu'elle cache depuis bien trop longtemps.

May me dévisage avec attention, un léger rictus sur les lèvres.

-Le retour de la fille prodigue, clame-t-elle en laissant son sourire s'agrandir.

J'ignore sa remarque avec un soupir et tire un des paniers à linge face à elle pour pouvoir m'asseoir. Malgré son attitude fière, je vois bien qu'elle commence à être mal à l'aise. Son cœur bat de plus en plus vite et elle cligne régulièrement des yeux, signe que sa nervosité augmente.

-Si Miles n'a pas réussi à me faire parler, tu crois vraiment que toi, tu vas y arriver ? Alors que j'ai toujours deux temps d'avance sur toi depuis le début ?

Elle essaie de paraître sûre d'elle et détendue. May tente même un petit rire qui sonne tellement faux, que j'ai pitié d'elle pendant une seconde. Mais seulement une seconde.

Dans ma poche, je sens toujours les objets de que j'ai subtilisé discrètement lorsque je faisais le ménage dans l'ancienne maison de Peeter. Au moins l'un des deux décidera de l'issu de cette conversation.

Je continue de la fixer, calmement, obligeant mon visage à être parfaitement détendu, les sourcils légèrement haussés en signe de prédominance. Le dos bien droit, les mains croisées sur mes genoux, j'attends patiemment le moment où May m'offrira la brèche qui me permettra de m'engouffrer dans son cerveau, et de la manipuler comme elle l'a fait avec moi depuis des mois.

-Qu'est-ce que tu veux, Faustine ? siffle May qui perd patience.

Je ne réponds pas. Je veux que ce soit elle qui aborde un sujet au hasard. Ce qu'elle finira forcément par faire. Je le sais car, toutes les deux, nous avons un point commun : nous nous haïssons. Donc il y a aura forcément un moment où elle cherchera à me blesser.

-Bien, souffle-t-elle. J'imagine que l'on peut rester en silence, à se regarder en chien de faïence pendant des heures. J'ai tout mon temps. Et chaque minute qui passe me rapproche du moment où la Milice viendra me libérer.

Je souris légèrement cette fois. Elle vient de m'offrir la brèche que j'attendais.

-Max ne viendra pas te sauver cette fois. Ni personne.

Prudemment, May me dévisage, cherchant visiblement à savoir comment nous allons jouer cette partie. Je note qu'elle étudie mon visage pour savoir si je bluffe. Mais j'ai l'air parfaitement confiant, en pleine possession de mes moyens.

-Ils viennent toujours, pourtant, réplique-t-elle au bout d'un moment. Tu en sais quelque chose.

-Toute la Milice a été déployée vers un des camps de la Résistance, à l'orée du Secteur 10, je réponds calmement.

La jeune femme plisse les yeux et scrutant attentivement mon visage.

-Il reste forcément des équipes de permanence qui essaie de me retrouver en ce moment même.

Elle dit ça comme si elle était quelqu'un d'important. Comme si sa vie méritait forcément d'être sauvée. C'est peut-être grâce à cette assurance permanente qu'elle a toujours réussit à s'en sortir. Mais à force de se mettre des personnes à dos, on finit toujours par se retrouver seul, à un moment ou à un autre.