Chapitre 26 - Faustine

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Au moment où la porte se referme, je réalise que les informations que je viens de recueillir peuvent complètement changer l'histoire. Tous les Uniques apprendront ce que le Gouvernement a fait et se rebelleront contre les Balder. Bientôt, la Nouvelle République et le Système seront des souvenirs enterrés sous un nouveau gouvernement.

Et pourtant, je n'arrive pas à me réjouir. Parce qu'un nouveau gouvernement ne changera rien. Ce sont les humains, le problème. Le Système a toujours été une formidable invention, permettant à chacun d'avoir sa place dans la société. Mais ce n'est pas que la Révélation qui fait que le Système est si bien conçu. C'est tout ce qui a été mis en place autour : le contrôle des naissances pour le partage des ressources, le rationnement qui permet à tout le monde de manger à sa faim, ... Il n'y avait plus de guerres, plus de famine, et presque plus de maladie. Nous vivions dans un monde quasiment parfait... et l'Homme a encore une fois décidé qu'une partie de la population ne méritait pas l'égalité.

Que se passera-t-il si les gens commencent à avoir peur des Uniques parce que nos gènes sont mutés et nous permettent de faire des choses que les humains normaux ne peuvent pas faire ? Est-ce qu'en plus de faire sombrer le Gouvernement et le Système, le peuple se retrouvera à se battre contre lui-même ?

Et Peeter ? Comment réagira-t-il quand il apprendra la nouvelle ? Acceptera-t-il que le monde entier soit au courant des circonstances de sa naissance ? De qui est son père ? Est-ce que des membres de la Résistance essaieront de le tuer parce qu'il possède du sang Balder dans ses veines ?

-Faustine ?

Je relève la tête vers Miles qui me dévisage avec inquiétude. Je n'ose pas encore regarder Peeter dans les yeux, maintenant que je sais ce que je sais. Avec toutes ces révélations, j'ai l'impression de ne plus être sous l'emprise du sérum, mais sous l'emprise de quelque chose beaucoup plus grand : le poids de la connaissance.

Le magnétophone pèse une tonne dans ma main et j'hésite encore à le leur donner ou à le cacher. Miles cherchera forcément à l'utiliser mais Peeter pourrait vouloir le détruire. En suis-je vraiment réduite à devoir me méfier des personnes qui me sont les plus proches ?

Je range le magnétophone et fait un pas vers Miles. Sans vraiment avoir planifié ce que j'allais faire, je finis par le prendre dans mes bras. Et dès que son bras se referme dans mon dos, je m'effondre en sanglots.

Je gardais ces larmes depuis longtemps. Bien trop longtemps.

Je pleure pour cet homme qui a tout sacrifié pour ses convictions. Cet homme qui a perdu son grand amour et n'a jamais pu vivre avec sa fille. Je pleure pour Henry, dont la vie s'est terminée trop tôt. Henry qui n'a jamais pu finir d'accomplir l'œuvre de sa vie. Je pleure pour Peeter, dont toute la vie n'a été qu'un mensonge. Je pleure pour le garçon qu'il était, qui se faisait battre, que personne n'aimait, qui a mené une vie solitaire et triste pendant toutes ces années. Je pleure pour la fille que j'étais autrefois, quand toute cette histoire a commencé.

La fille qui avait deux parents, deux meilleurs amis et un avenir prometteur devant elle. La fille qui a cru dur comme fer que le Système était la meilleure chose qui ait existé. La fille, pleine de vie et de caractère, qui n'avait rien demandé, et qu'on a quand même détruit à petit feu.

-Ca va aller, Faustine, murmure Miles. Tout va bien se passer.

Evidemment, le cruel destin me renvoie à ce tout premier jour, alors que je quittais la maison pour assister à ma Révélation. Je repense à mes parents qui m'assuraient avec nervosité que tout allait bien se passer. Mais c'était un mensonge. Et ils le savaient depuis le début.

-Je sais tout, je lâche.

Miles se raidit légèrement mais ne lâche pas son emprise. Doucement, il me caresse le dos.

-Je suis désolé, me répond-t-il tout bas. Désolé pour tout.

Je hoche la tête, incapable de parler. A la fin de cette étreinte, ma décision devra être prise. Alors je la fais durer en cachant mon visage dans son épaule.

-J'aurais aimé te connaître avant, je souffle.

-J'ai toujours été là, Faust. J'étais dans l'ombre, mais j'étais là.

Il me force à me reculer et redresse mon visage en passant un doigt sous mon menton.

-Mais je t'interdis de m'appeler papa, d'accord ?

Le son qui sort de ma bouche est à mi-chemin entre le rire et le sanglot, mais je finis par sourire.

-A moi aussi, ça me ferait bizarre. Miles, ça me va.

Il fronce le nez et secoue la tête.

-Non, en fait, c'est étrange que tu m'appelles par mon prénom. Ne m'appelle pas, ce sera plus simple.

Cette fois, je ris franchement et une partie de la tension accumulée dans mes épaules disparait. Alors, enfin, je me retourne vers Peeter qui semble sur le point d'exploser. Quand je plonge mes yeux dans les siens, je suis soulagée de n'y voir que Peeter. Il n'y a aucune trace de Jay en lui. Il n'a rien à voir avec eux. Et il mérite de connaître la vérité.

Je tombe dans ses bras et il me serre si fort que j'étouffe presque. Lorsqu'il m'embrasse sans prévenir, la gêne que je ressens en sachant que Miles est juste à côté de nous, finit par disparaître et plus rien d'autre ne m'importe que lui.

Avec ces deux hommes à mes côtés, je sais que tout va bien se passer.

Alors je sors le magnétophone.


FIN DE LA PREMIERE PARTIE...

- Unique - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant