Tout à sa limite

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Assise sur la chaise longue, je me sens déjà bien moins grande que le maire, debout sur ses talons de 10cm.

"Comment ça ?" Questionnais-je, essayant de me montrer impassible.

"-Des rumeurs disaient que tu comptais quitter Storybrooke. J'avais bien du mal à le croire. En tout cas, heureuse de te voir encore parmi nous."

Elle afficha un sourire des plus faux avant de s'installer près de moi, me préparant ainsi à une longue et périlleuse discussion. Je souffle intérieurement. Alors comme ça, toute la ville est au courant de mon départ maintenant ? Je suis sûre que Mr. Gold a vendu la mèche après qu'Henry le lui ait dit. Ou bien c'est Henry qui a laissé échapper cette information à sa mère. Je l'imagine bien parler de moi lors d'un dîner qui devait paraître des plus pesants. Il est sur que je suis le meilleur sujet de conversation en ce moment ! 

Si Regina, alias la méchante reine, alias la personne ayant lancé la malédiction et créé cette ville, sait que je souhaite justement la quitter, je suis donc étonnée de sa réaction face à moi. Une de ses victimes menace de partir, mais elle garde tout de même son calme. Pour elle, tout le monde est pris au piège sans pouvoir en sortir, y compris moi. Elle ne doit pas être au courant que je ne me trouve pas dans le livre d'Henry. A-t-elle au moins compris ce qu'il représentait ?

"Ça ne saurait tarder." Lançais-je sans quitter mon assiette du regard, déjà profondément ennuyée de la conversation.

"-Je ne t'obligerais en rien, Norah. Mais fais attention à toi."

Je me détourne vers elle, cherchant à en savoir plus sur ce qu'elle venait de sous-entendre. Elle reprit :

"Tu pars vers une grande ville, il faut se méfier de tout là-bas." 

Quelque chose me dit que ce n'est pas de là qu'elle voulait en venir. Enfin, je n'en dis pas plus et me contente d'acquiescer avec un léger sourire qui ne tardera pas à se décoller une fois dos à elle.

Sans compter ce bref avertissement qui n'en dit pourtant pas grand chose, elle n'a pas cherché à me retenir ici. Elle ne le souhaite pas. Si je devais y laisser ma vie en passant la limite de la ville, ce serait tant mieux pour elle. Un problème de moins. Cette idée me perturbe, ce qui me coupe l'appétit de mon gâteau au chocolat.
Même le maire ne veut plus de moi, à quoi bon rester ? Ici ou ailleurs, la vie n'en sera pas moins différente pour les autres. Je ne me sens pas à ma place ici, ça n'a jamais été le cas. C'est d'ailleurs pour cette raison que je souhaitais partir au plus vite. Et je crois bien que ce souhait reste une priorité.

***

La route est longue et la forêt paraît bien profonde. Pour ce qui est de cette fichue limite menaçant de me garder enfermée ici, je ne la vois pas. Personne n'a pensé à tracer une ligne ? Aucun n'en voyait l'intérêt, j'imagine.

Je finis par m'arrêter un peu avant la pancarte avec indiquée "Vous quittez Storybrooke", supposant que c'est dans ces environs que la ligne devrait être tracée. Un pas de plus, et quelque chose d'affreux m'arrivera. Ou bien je serais libre et pourrais ainsi recommencer une nouvelle vie, une meilleure que toutes celles que j'ai pu avoir. C'est tentant.

"Alors ça y est ?" Entendis-je soudainement dans mon dos.

Je me retourne d'un trait, découvrant Henry à quelques mètres de moi, son sac de cours sur son dos.

"Henry ?

-Tu comptais partir maintenant ? Sans même un au revoir ?"

Il se rapproche de moi d'un pas de petit garçon vif et prend la précaution de s'arrêter près du panneau.

"Non, bien sûr que non... j'aurais pris la peine d'emmener mes valises." Répondais-je sans réfléchir.

Son regard sérieux se posa sur moi et je compris ma bêtise.

"Je... je souhaitais juste m'approcher.

-T'approcher ou t'éloigner ?"

Pour tout dire, plutôt les deux. Je ne préfère pour autant pas en rajouter et ignore donc sa question pour en poser une autre.

"Comment as-tu su que j'étais là ?

-Granny m'a dit que tu étais passée à son restaurant pour au final vite repartir. Avant cela, tu lui aurais demandé si des habitants avaient déjà tenté de quitter la ville auparavant. Ça m'a donné une petite idée de l'endroit où tu pouvais être."

Je baisse les yeux en direction du sol. Il reprit :

"Pourquoi avoir demandé cela, Norah ? Surtout à un habitant qui ignore tout de la malédiction. Elle aurait pu se poser des questions elle aussi. En plus de cela, tu connais déjà très bien la réponse.

-Je voulais en être sûre...

-Et tu l'es maintenant ? Personne n'a jamais quitté cette ville. Ils n'y ont même pas pensé. Sauf...

-Moi."

Je replonge mes yeux dans les siens. Il y a certains moments où je paraît aussi puéril et immature que lui. Et à d'autres moments, c'est lui qui devient aussi sage et sérieux que moi. C'est ce que j'ai toujours apprécié dans notre relation. Nous ne laissons jamais l'autre à part et l'accompagnons dans ses moments les plus fous ou les plus délicats.

"Tu ne peux le nier, Henry, continuais-je, je suis différente. Mise à part. Toutes les preuves sont là ! Regarde ton livre ou... regarde-moi juste. Aucun habitant n'a souhaité quitter cette ville, seule moi le prévoyait depuis toujours. Je fuis cette ville depuis sa création, ça ne peut être une coïncidence ! Il faut que je m'en aille.

-Je refuse...

-Tu n'y pourras rien. Et ce n'est pas non plus avec Mr. Gold que tu feras changer les choses.

-Qu... quoi ?

-Je suis au courant de ta visite chez lui. Tu lui as parlé de moi, de mes projets... Tout ce que je souhaitais cacher, surtout à lui ! Henry, tu ne sais pas à qui tu as affaire ! C'est... un monstre !

-Il pense comme moi, Norah ! Il ne veut pas non plus que tu partes...

-Il veut surtout m'avoir sous la main dès que je lui serais utile ! J'ai passé un fichu marché dont je ne me souviens même plus... et apparemment je ne l'ai pas tenu. Tu vois ce qui est en jeu ? Si je reste, qui sait si d'autres problèmes vont remonter à la surface ! Même ta mère veut ma mort !

-Si tu t'en vas, tu laisseras les méchants gagner en abandonnant la bataille.

-Je n'ai rien à voir avec votre malédiction. C'est la Sauveuse qui vous délivrera et rendra vos "fins heureuses"."

Je laisse dévier mon regard vers l'horizon en me tournant face à cette limite invisible.

"Tu comptes le faire. Là, maintenant ? Me demande Henry, devinant sûrement mes intentions.

 - Autant en avoir le cœur net, non ?"

Once Upon A Time - MalédictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant