Arrêt chez l'antiquaire

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Je claquai la porte derrière-moi avant de me poser, nonchalamment, contre elle.

Cet homme n'en fait vraiment qu'à sa tête. Il y a pleins de boutiques à Storybrooke - il n'y a même quasiment que ça - alors pourquoi ici ? Pourquoi se rendre dans le seul endroit où il pourrait se passer absolument n'importe quoi ? On peut dire que pour un écrivain, il a le flair pour chercher les péripéties. Mr. Gold est bien un personnage intéressant qui suscite de l'attention, mais il ne vaut mieux pas s'y approcher de trop, j'en sais quelque chose. Si August s'aventure trop loin dans ses "recherches", il va y perdre sa plume.

Dans ce lieu, je ne me donne qu'une seule règle : oublier que je suis victime d'une malédiction et que tous les personnages de contes de notre enfance sont piégés ici. Je dois me concentrer sur la Norah que je suis à présent pour mieux avancer. August ne doit rien savoir sur cette histoire et je ne m'attends pas à ce que Rumpl... Mr. Gold, se retienne pour me lancer des perches. J'ai juste à oublier, c'est simple, non ? Après tout, je l'ai fait pendant 28 ans.

Je m'avançais vers l'écrivain pendant qu'il relatait des vieilleries derrière la vitrine.

"Qu'est-ce que vous faites ?" Murmurais-je, agacée.

Tapotant le doigt contre le verre, il me pointa un article.

"Cet objet m'a fortement troublé. Regarde, on dirait de l'or.

-C'est parce que c'en est." Lança vivement une voix qui s'avançait par des pas lourds et lents, suivis d'un tapotement rythmé dans notre direction.

Mr. Gold se plaça face à nous, toujours planqué derrière son comptoir, et prit des mains l'article doré qu'admirait August avant de la déposer or de son socle, sur la table.

"Cette montre date de l'époque des rois et reines, reprit-il. Elle a servi à bon nombres d'entre eux avant d'être vendue aux enchères par une des descendantes encore en vie.

-Vous y étiez ?

-Bien évidemment. Elle m'a valu une petite fortune... mais la savoir près de moi ne me fît rien regretté."

Seconde règle que je me donne pour n'engager aucun conflit : éviter à tout prix le regard de Mr. Gold. Je n'en serais que plus déstabilisée et n'arriverais pas à respecter la première règle. C'est pourquoi, je posai à mon tour une question de plus banales sans quitter la montre des yeux :

"Quelle époque ?"

Je le sentais me dévisager, chercher mon regard fixe et inatteignable. L'ambiance se refroidit, d'un seul coup.

"Je n'en sais rien. Répondit-il finalement. Elle semble être... intemporel."

Impossible. Pas ici. Pas dans ce monde. Mais dans l'autre... Ce pourrait-il que ce soit un objet de l'autre monde, justement ? La forêt enchantée ? Je n'ai pas envie d'y penser maintenant. Ce ne sont plus mes affaires. Je ne rajoutai rien en espérant que le cerveau d'August fasse tilt, et qu'il se décide à quitter la boutique. Malheureusement pour moi, c'est le propriétaire qui reprit, enjoué :

"Si vous voulez, je peux vous en montrer du même style. Les montres ont pour principes de me fasciner."

Il ne va quand même pas tomber dans le piège ?

"Avec plaisir, j'aime énormément les montres. Leur fonctionnement est précis et très complexe, c'est ce qui les rend unique.

-Je suis totalement d'accord. Suivez-moi, je vous prie. J'en ai tout un coffre dans la mallette de mon arrière boutique. Je vous l'amène."

C'est une blague ? Nous n'allons pas passer toute la journée ici alors qu'il y a tellement mieux à faire ? Surtout que je n'ai absolument rien appris sur lui, à part le fait qu'il est écrivain et qu'il aime les montres ! Emma ne se contentera pas de ça, Regina encore moins. Je n'ai pas le droit d'échouer...

Alors qu'August suivait Mr. Gold pour observer les bijoux, je restais à l'écart, près de l'entrée, à contempler le parquet lorsque mon téléphone vibra. Je venais de recevoir un message. Ce dernier venait d'Emma, justement.

"Comment ça se passe ?" M'avait-elle écrit.

Elle disait prendre un verre chez Granny - là où je comptais me rendre avec mon partenaire avant d'être coupée dans mon élan... - mais vu l'heure qu'il est, je pense qu'elle a dû s'ennuyer et aller s'occuper ailleurs. Le message a été envoyé il y a 10 minutes... Peut-être devrais-je le laisser sans réponse, pour le moment ? Je n'ai pas envie de mentir sur la situation et la vérité serait longue et complexe en l'interprétant dans mon sens. Je suis chez Mr. Gold, ce qui paraît de loin tout à fait normal, mais Emma comprendrait très bien, si elle était à ma place, que ce n'était pas l'idée du siècle. Les imprévus semblent me poursuivre dans cette ville, cependant je me dois de garder mon sang-froid et prouver à Mr. Gold que je peux prendre un nouveau départ. Sans magie. Sans rien.

Celui-ci me sort justement de mes réflexions profondes à fixer d'un regard vide mon téléphone, en m'interpellant :

"Norah ? Tu vas bien, très chère ?"

Je blanchis brusquement.
Règle n° 1 : oublier que la magie existe.
Règle n°2 : ne pas regarder Mr. Gold dans les yeux.
Or, ce dernier me posait justement une question...

"Oui, oui." Répondis-je le plus normalement possible, tête baissée vers mon téléphone que je verrouillai instantanément.

Je le sentis élargir son sourire narquois dans ma direction.

"Ça n'a pas l'air... Se permit-il de reprendre. Souhaites-tu que nous revenions sur notre dernière conversation ? J'ai refusé ton offre qui n'était pas très réfléchie, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas conclure un arrangement - adapté pour nous deux, bien entendu -."

Il revenait sur ma dernière visite ici ainsi que sur les parts du marché dont je souhaitais m'acquitter. Je pensais, à ce moment-là, que Mr. Gold était la seule personne qui m'empêchait de quitter la ville l'esprit tranquille et qu'en finir avec lui, c'était ouvrir les portes à une nouvelle vie. Pourtant, après qu'il m'est expliqué en énigme l'affaire, je me rends compte que ce n'est pas le cas. Je suis le seul maître de mon destin et donc de ma vie. S'il y avait un obstacle au chemin que je souhaite me tracer, c'était bien moi. Mais je ferais en sorte que ce ne soit plus le cas, maintenant.

Sur de moi, je posai mon regard sur lui et refusai gentiment, de mon plus faux sourire.

"Non, merci, Mr. Gold. Vous aviez bien raison sur une chose : Rien ne vous lie, vous et moi. En conclusion, je n'ai pas besoin de vous, autant que vous n'aurez pas besoin de moi lorsque je quitterais cette ville. L'affaire est close."

J'étais fière de moi, sur ce coup-là. Me libérer de ses chaînes une bonne fois pour toute et le lui faire comprendre... je pense que l'ancienne Norah, comme la nouvelle que je suis, souhaitaient faire cela depuis longtemps. Pourquoi gardais-je alors ce goût amer que rien n'était fini ? Peut-être était-ce l'expression indifférente de l'antiquaire qui me laissait moi-même de glace... Il le prenait bien, ou je rêvais ?

August se tournait à son tour vers moi, alors qu'il contemplait jusqu'ici le bac de montres en or et en argent. Il fût intriguer lorsque je mentionnai mon départ et, comme réveillé par cette information, il revînt sur ses pas.

"Bien, dit-il, je pense qu'il est temps pour nous de partir. Norah doit continuer à me faire visiter la ville."

J'acquiesçai, un peu perplexe, et me dirigeai avec lui vers la porte.

"Vraiment ? Et bien... Salua Mr. Gold, je vous souhaite une bonne visite. Vous verrez, de loin la ville peut paraître plus banale qu'une autre mais de près... elle est sans aucun doute le plus précieux des bijoux sur cette Terre."

Je n'en rajoutai rien. August sourit au propriétaire de la boutique et quitta, avec moi, les lieux. Je respirai, enfin.

"Granny ?

-Granny."

Once Upon A Time - MalédictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant