Once Upon A Time - Malédiction

La Reine a parlé

La maison du Maire était la plus grande de toute la ville et l'intérieur n'y trompait pas. La dernière fois que je m'étais rendu aussi loin dans sa propriété, ce fût lorsque Henry était parti chercher Emma à Boston. Les circonstances mettaient entre Regina et moi aucune réelle distance puisque nous recherchions toutes deux une personne qui nous était chère et puis... Je ne savais pas encore qui elle était réellement à ce moment-là. Effectivement, quand je vois le lourd silence qui émane dans la pièce aujourd'hui, je peux dire que beaucoup de choses ont changé. 

"Assieds-toi." Me permit-elle lorsque nous arrivions à la salle à manger. 

J'agrippai une chaise et m'exécutai. Est-ce que Henry était déjà revenu avec les outils et m'attendait dehors ? Je suis certaine qu'il prendrait avec plaisir le risque d'entrer pour me sauver de cette discussion, mais nous savons tous les deux ce que sa mère lui dirait de faire si jamais il venait s'interposer. Monte dans ta chambre, Henry. Je t'appellerais lorsque nous irons chez le Dr. Hopper. Et à partir de là, je n'aurais plus aucune chance de le voir à nouveau dans la soirée. Il a bien raison de rester dehors. Avec un peu de chance, ce face à face se terminera bien vite et je pourrais le rejoindre sans soucis.

"Je vous écoute... De quoi souhaitiez-vous me parler, Mme. Le maire ?" Commençais-je alors d'un fin sourire poli.

Elle se racla la gorge en joignant ses mains contre la table. Un vague sourire se décrocha sur son visage. Lorsqu'elle releva ses yeux vers moi, je savais déjà que je ne parlais plus au maire, mais bel et bien à la Reine. La Norah que je suis s'en rend compte, mais celle que je dois laisser paraître ne sait rien de tout ça. Je dois agir normalement pour que Regina ne puisse se douter de rien et me laisse partir, comme il en est prévu initialement. 

"J'ai entendu dire que tu partais demain, c'est cela ?" 

Je hochai nonchalamment la tête. 

"Hum... Oui, c'est ça.

-Pourquoi ? Rajouta-t-elle vivement. 

-Et bien... J'ai assez d'économie pour me poser à Boston et commencer des études... Je pense qu'il est temps pour moi de vivre de nouvelles choses. D'avancer." 

Elle continuait de me fixer comme pour analyser chacune de mes paroles, voir lesquelles sont vraies, fausses ou juste... dérivées. Je sentais une boule se créer dans mon ventre mais tentais de ne pas y prêter attention. Elle sourit à nouveau, faussement compréhensive. 

"Bien sûr, je comprends. Ce qui m'étonnait, surtout, c'est que tu partes juste avant la libération de Mr. Gold... Mon visage se figea. Comme c'est toi qui l'a fait arrêté, je trouvais la coïncidence assez frappante.

-Je... Je ne vois pas de quoi vous parlez. Si je quitte la ville, c'est pour moi avant tout." 

Je me rappelais de l'appel de Mr. Gold, après son arrestation. Il m'avait justement dit qu'il avait rencontré Regina et que les "masques étaient tombés". Si ça se trouve, il n'a pu s'empêcher de lui avouer mes défauts de mémoire et mon identité à semi-retrouvée. Dans ces cas-là, Regina se joue de moi depuis le début de notre conversation. Elle saurait alors réellement qui je suis... Je ne peux cependant prendre le risque de la tester. Un faux-pas et je ne sortirais jamais de cette ville. 

"Bien entendu. Sourit-elle à nouveau. Je tenais aussi à te dire que tu as agi admirablement en appelant la police. J'avais déjà remarqué certaines affaires louches de l'antiquaire mais sans preuves, que pouvais-je faire ? Tu as bien fait d'avoir laissé ta compassion de côté. 

-Pourquoi en aurais-je eu ? Dis-je en haussant les épaules. Il manipulait tout le monde, en ville.

-C'est un de ses passe-temps favoris. Sembla-t-elle dire à voix basse, avant de reprendre plus haut. Mais... Je me disais que puisque tu travaillais avec lui dans sa boutique, des liens s'étaient peut-être créés. 

-Cela fait depuis quelques semaines que je ne travaille plus là-bas, Mme. Le maire.

-Ah oui ? Je peux savoir pourquoi ?" 

Je me sentais de plus en plus sur la défensive tandis qu'elle enchaînait ses questions comme si elle avait passé la journée à les préparer. Qui sait, d'ailleurs ? Peut-être est-elle restée ici toute la journée en m'attendant, sachant déjà à l'avance que je viendrais terminer le travail ici. Si elle semble se resserrer sur plusieurs indices, je ne peux envisager d'esquiver ses questions sous peine d'être encore plus soupçonnée. Et pourtant, je me serais bien permise de clore cet interrogatoire par un "raisons personnelles", sec. Malheureusement... Je ne puis prendre ce risque. 

"J'ai démissionné, tout simplement... Il fallait que je prépare mon départ qui s'annonçait prochainement et mes mois étaient bientôt conclus. Je n'avais plus de raisons de travailler chez Mr. Gold. 

-Comme chez moi, je laisse supposer ? C'est pour cela que tu ne venais plus. 

-J'ai raté, un jour... Je me coupais. Enfin... Deux ou trois, mais je suis là aujourd'hui. D'ailleurs, si vous le permettez, je devrais peut-être aller commencer à m'occuper de votre jardin. Henry doit avoir f-

-Je n'ai pas terminé, Norah." 

Je me replaçais, regard baissé, sur ma chaise. Le temps est interminable avec les Tic et les Tac de l'immense horloge qui orne la pièce d'à côté. Regina semblait avoir regretté son ton si sec puisqu'elle se racla à nouveau la gorge, après un soupir, et reprit plus doucement : 

"Je ne vais pas passer par quatre chemins avec toi..." 

Ce n'est absolument pas ce qu'elle fait depuis le début, bien sûr. Je rigolais intérieurement face à ce sarcasme mais l'heure n'était pas aux blagues. Si je prends sérieusement ses propos, elle va entrer dans le vif du sujet et je peux m'attendre à n'importe quoi. Je dois pouvoir faire face à tout sans esquisser une grimace lorsqu'elle analysera la moindre de mes réactions. 

"Beaucoup de choses ont changé depuis l'arrivée de Mlle. Swan. Commença-t-elle. Tu ne le nieras pas ?" 

Je cherchais dans ma tête la bonne réponse - parce qu'il y en avait forcément une. Si je dis oui, je soutiendrais des changements en ville et ferait d'Emma une personne importante (forcément, puisqu'elle est la Sauveuse), mais ça ne m'aidera en rien dans la suite de l'affaire si ce n'est attirer les soupçons sur moi. Cependant, si je dis non, Regina ne se gênera pas à me donner tous les faits récents qui confirment ces changements et je serais prise pour cible. C'est piégeant, comme question, ce qui m'oblige à jouer sur la naïveté et m'indifférer du sujet. 

"Et bien... Répondis-je, gênée, en haussant les épaules. Emma a su faire sa place en ville, ce qui est assez admirable. Depuis la mort de Graham, il fallait que quelqu'un reprenne les rênes... 

-Je ne parle pas de ça !" S'énerva-t-elle en soupirant. 

Je fis mine de froncer les sourcils, sans comprendre. Elle leva les yeux au ciel avant de me les reposer vivement sur moi. Je sentis un frisson me parcourir la colonne vertébrale. J'avalai difficilement ma salive, elle poursuivit : 

"Depuis qu'elle est ici, des événements improbables sont arrivés. Je ne répondis pas. Autant la mort de Graham, le tremblement de terre, l'horloge et... Ton malaise soudain le premier soir où elle s'est installé ici." 

Je ne pus empêcher d'esquisser de grands yeux ronds. Cette erreur de ma part lui acquiesça un sourire malsain sur le visage.

"Alors tu ne le nies pas." 

Je ne répondis toujours pas, comme prise au piège. Mon regard dévia vers le salon et je priais à Henry d'entrer dans la pièce pour venir me sauver.