Trop beau pour être vrai

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La présence affective et chaleureuse de Mary-Margaret manquait à l'appel lorsque je rentrai chez nous comme me l'avait demandé Emma. J'avais comme cette drôle d'impression que depuis son absence, tout était plus froid, terne et vide. Je ne m'y sentais plus véritablement "chez moi" mais je savais qu'au fond, ce n'était que temporaire. Mary-Margaret allait bientôt revenir à la maison et tout reprendrait son cours. Je pris donc la situation comme un malheureux contre-temps (qui devait vite cesser) et vidait ma valise jusqu'à l'arrivée de ma seule colocataire du moment : la Sauveuse. Elle semblait assez épuisée par la journée qu'elle avait passé au bureau à jongler entre la prisonnière et son pseudo-avocat. Emma n'avait pas que son rôle de shérif dans l'histoire, elle était également sentimentalement impliquée en tant qu'amie proche, ce qui corsait les choses. 

"À table, Norah ! J'ai pris à emporter chez Granny !" Lança-t-elle quelques secondes après avoir claqué la porte d'entrée. 

Je sortis de ma tanière et la rejoignis à table. Son regard ne se tenta pas à croiser le mien ce qui me laissait penser que ce ne fût pas une bonne journée et que le cas de Mary-Margaret... ne s'arrangeait pas. Évidemment, il fallait à un moment donné qu'elle vienne à me parler et le lourd silence qui pesait de son plein gré ne l'aidait pas à éviter le sujet qui fâche. Elle abandonna après avoir terminé sa première bouchée tant elle sentait l'atmosphère pesante. 

"Ok... Dit-elle en avalant. Je vais te raconter ce qu'il s'est passé aujourd'hui, sinon je sens que tu ne pourras pas bien manger." 

Il fallait me comprendre, c'était un peu ma seule famille qui se trouvait en prison en ce moment. Et lorsqu'on connaissait la véritable identité de celle qui était derrière tout ça... On se faisait vite du soucis. 

"Elle va bien. Reprit Emma plus sérieusement. Elle va bien mais la situation dans laquelle elle se trouve est assez compliquée à gérer et Mr. Gold ne nous le cache pas. Toutes les preuves sont contre elle et tant qu'on en n'aura pas trouver qui puisse l'innocenter, je crains que ça n'empire. Je ne sais pas si tu comprends à peu près le schéma mais il y a des lois et - 

-Je comprends. La coupais-je d'un sourire franc. Ne vous en faites pas, je comprends. Je suis persuadée qu'on trouvera un moyen pour que tout s'arrange. 

-Je l'espère. Et lorsque ce sera fait, je..." 

Elle s'arrêta d'elle-même. Il lui fallut un temps pour réfléchir à ses mots, je supposais, c'est pourquoi je me contentai d'attendre, en silence, qu'elle reprenne. Le repas devenait le dernier de nos problèmes. 

"Je me disais qu'on pourrait quitter Storybrooke tous les 4. Concluait-elle finalement sous ma surprise. 

-Quoi ? Comment ça ?

-Toi, moi, Henry et Mary-Margaret. Nous pourrions nous rendre à Boston, tu pourrais entrer dans l'école que tu voulais, nous vivrions heureux loin de toutes ces histoires sordides qu'amènent Storybrooke. Ce ne serait pas sympa ?" 

Elle me laissa de marbre. Le Chapelier Fou avait-il donc raison ? Emma Swan prévoyait de partir et si Henry arrivait à le retenir ici, elle pouvait encore l'emporter avec lui ? Avait-il simplement accepté ? Non, je ne pouvais pas y croire, il m'en aurait parlé. Nous nous disons tout, lui et moi. Alors, à quoi pense-elle ?

"Je... Je ne savais pas quoi dire. Vous voulez partir ? Qu'est-ce qui vous a donné cette idée ? 

-C'est toi, Norah, qui m'a donné l'idée. Haussa-t-elle des épaules. Tu avais raison de vouloir quitter Storybrooke, je pense... Cette ville est étouffante sous le règne de Regina et quand je vois tout ce qu'elle vous fait subir, ça ne me donne pas envie de rester. Elle but un coup puis reprit. Être partie de Storybrooke seule était une erreur parce que je perdais Henry et je me suis vraiment attachée à ce gamin. Je sais également qu'Henry tient à toi et qu'il ne pourrait pas te laisser ici, alors je me suis dit... Pourquoi ne partirions-nous pas tous commencer une nouvelle vie ailleurs ? Tu ne penses pas que c'est une bonne idée ?"

Honte à moi, l'idée me parût un instant plaisante mais je comprenais vite que ce n'était pas ce que je souhaitais réellement au fond de moi. J'avais déjà tenté de partir et je savais maintenant que ce n'était pas la ville que je fuyais mais mes problèmes. Or, ce n'est pas la bonne solution. Fuir n'est que rarement une bonne solution. De plus, si Henry et Emma pouvaient facilement partir car ils provenaient du monde "réel", Mary-Margaret et moi ne pouvions pas en dire autant. Autrement dit, si le projet était beau à imaginer, je le voyais difficilement se concrétiser. L'objectif, maintenant, c'était de le faire comprendre à Emma. 

"C'en est une, avançais-je. Seulement, je ne pense pas que ça soit l'unique et meilleure solution. Réfléchissez... Si nous partons, c'est comme si nous donnions la victoire à Regina. Que fera-t-elle de cette ville une fois qu'on ne sera plus là ? Que vous ne serez plus là. J'espérais qu'elle comprenne un jour pourquoi je disais cela. Et puis... Elle a des droits sur Henry, elle n'accepterait jamais. Je ne pense même pas à Mary-Margaret et toute la petite vie qu'elle était contente de s'être bâtie ici. C'est beaucoup plus délicat que ça n'y paraît..."

Je la sentais regretter d'avoir parler. Sans souhaiter approuver mes paroles, elle comprenait que l'idée était peut-être trop ambitieuse pour l'instant et se refusa à en dire plus. Vaquant le regard ailleurs, elle attrapa son hamburger puis poursuivit le repas.

"Peut-être que tu as raison."

***

Des flashbacks de ma vie passée dont j'étais déjà au courant repassaient en boucle dans mes rêves, comme si j'avais raté un passage et que je devais y prêter attention pour conclure un destin laissé en suspend. Je me doutais que ça ne pouvait être que cela mais je n'avais ni le temps, ni l'envie de me concentrer sur autre chose que le présent qui me paraissait bien plus important. Après tout, qui avais-je à protéger dans mon ancienne vie ? Je ne semblais attachée à personne, si ce n'est le Capitaine Crochet que je n'ai toujours pas croisé depuis. Peut-être est-il mort ? 

Mon réveil fût précipité par la sonnerie de mon téléphone qui m'obligea à ouvrir les yeux pour décrocher. D'une voix rauque à peine réveillée, je demandais ce qu'il se passait à l'interlocuteur. C'est la voix d'Emma qui me répondit avec une pointe d'angoisse :

"Tu te souviens ce qu'on disait à propos de Regina, hier ? Je crois que tu vas devoir la garder à l'œil aujourd'hui, et par là je veux dire que je te demande de passer la journée avec elle."

Once Upon A Time - MalédictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant