Prologue

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Mardi 31 mai – EAN

Je marchais sur les trottoirs de Boston, les mains en croix contre ma poitrine qui se soulevait avec peine, tout en avançant difficilement. Le vent était contre moi, la pluie également. Si cela n'avait tenu qu'à moi, j'aurais enfilé un ensemble de survêtement à la place de ce costume hors de prix que je devais porter pour mes études. C'était le prix à payer pour faire un stage dans l'entreprise de ma famille.

Tu ne comprends donc pas qu'il faut que les personnes comme nous se distinguent dans la foule ?

Non bordel, je ne comprenais pas ! Ce n'était pas parce que j'étais dans une famille d'avocats que je ne pouvais pas me comporter et me vêtir comme des personnes normales ! Enfin, d'après ma mère, c'était inconcevable. Pour le moment, j'avais surtout l'air d'un gars qui allait à une réunion d'affaire sous une tempête. Alors que j'allais juste voir mon frère aîné dans sa boîte. En réalité, j'avais plutôt l'air d'une serpillère. Mes cheveux étaient collés à mon front, ma veste prenait l'eau et mes vêtements me collaient à la peau. Sauf cela, j'aurais assurément eu l'air plus chic. La seule chose qui contrastait avec ce style, c'était mon sac-à-dos. Le pire, c'était que j'aurais pu m'en passer, pour transporter uniquement un carnet – qui allait être trempé – et un stylo.

En réalité, je m'étais embarqué dans une histoire compliquée. Mes professeurs avaient décidé de nous faire travailler sur des affaires réelles – qui étaient terminées depuis longtemps. Evidemment, j'avais pioché une affaire qui me dépassait.

Je ne connaissais déjà rien à l'homosexualité. Mon présumé client était gay. Premier problème.

Sa relation avec son ancien mari était le centre de l'affaire. Deuxième problème.

Je ne connaissais rien au BDSM... Mon présumé client le pratiquait. Troisième problème. 

C'était prétendument ce qui avait tué son compagnon. Quatrième problème et dernier. Pas des moindres.

Comment pouvais-je juger une affaire sans rien connaître du contexte ?

Je déteste mon futur métier !

C'était la raison pour laquelle j'allais voir mon frère. Non, il n'était pas gay. Il était même sûrement un peu trop attiré par les femmes. Non, il ne pratiquait pas non plus cette pratique que je trouvais douteuse. Mais bon, il dirigeait une boîte spécialisée dans ce domaine. C'était bien ma veine ! S'il n'avait pas été mon frère, je n'aurais jamais eu l'audace de demander l'autorisation d'entrer dans un de ces endroits pour interroger une personne sur ses pratiques. Si un inconnu était venu me voir pour me demander en quoi consistaient mes pratiques sexuelles, il y avait fort à parier que je l'aurais envoyé chier. Pourtant, j'étais à deux doigts de le faire, sans aucun scrupule. Il ne me restait plus qu'à prier pour ne pas me faire sodomiser dans une salle obscure... Qui savait comment ça se passait là-bas !

J'arrivai finalement, après mes longues tortures psychologiques, devant le bâtiment que je cherchais à atteindre. En soi, d'extérieur, ce n'était qu'un immeuble du quartier d'affaire traditionnel. Sa façade était majoritairement vitrée, avec beaucoup de béton. Comme les autres, en fait. Rien ne laissait croire qu'il y avait des hommes et des femmes qui se promenaient à moitié nus, dans des costumes en lycra, avec des fouets à la main, dans les couloirs. Enfin, si cela se trouvait, c'était pire ! Ou mieux... Mais je me refusais de croire cela. Si mes parents m'avaient toujours dit de me méfier des pratiques sexuelles qu'ils appelaient avant-gardistes, ce n'était sûrement pas pour rien !

Je pus entrer dans le hall de l'immeuble sans problème, puis me dirigeai à gauche, dans un renfoncement qui laissait croire à une descente dans les caves (ou une descente aux enfers, au choix). Je descendis quelques marches qui menaient au sous-sol et tombai nez à nez avec un garde qui tirait une telle tronche que j'aurais pu m'en pisser dessus. Il m'examina de haut en bas, amusé, puis secoua simplement la tête. Je compris alors que j'allais devoir le convaincre de me laisser entrer alors que je ne faisais pas partie des habitués. Cause perdue d'avance, en réalité. Parce que j'avais eu l'idée de venir sans prévenir personne. Je savais juste qu'Enzo se trouvait dans ces locaux parce qu'il m'avait donné l'adresse comme recours en cas d'urgence.

I. Domination [Boy x Boy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant