Chapitre 15

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Samedi 6 août - Ean

Une journée et une nuit s'étaient passées sans Aiden et je sentais que cela allait être compliqué. Pas forcément parce qu'il me manquait affreusement, ce n'était pas réellement le cas. Mais s'il m'appelait toutes les nuits, j'allais avoir du mal à tenir la route. D'autant plus que son appel m'avait retourné les tripes. Je ne pouvais pas m'empêcher de ressasser, encore et encore. Je l'avais déjà entendu et vu complètement ivre et jamais il n'avait semblé dans cet état. Tout simplement parce qu'il s'endormait en un quart de tour. Il lui suffisait d'entendre les autres parler autour de lui pour piquer son roupillon.

Il m'avait aussi parlé de ce type qui avait voulu le mettre dans son lit et cela m'empêchait de fermer l'œil. Il disait qu'il l'avait repoussé et je le croyais, mais n'y avait-il aucune chance qu'il soit à l'origine de tout ? Je me montais la tête avec mes idées stupides. Je n'avais qu'une envie : appeler mon compagnon, m'assurer qu'il était vivant, en pleine forme. Je me demandais même s'il se souvenait de quelque chose. Dans le cas contraire, j'allais peut-être me faire un malin plaisir de lui rappeler, éventuellement lui faire avaler des énormités – et lui avouer que ce n'étaient que des farces, évidemment.

Seulement vers midi, je m'étais dit qu'heureusement qu'Aiden m'avait appelé en pleine nuit : j'étais en plein dîner avec mon père et Ennis jusque minuit. Moment privilégié entre mecs sans Edwin cloué au lit. En réalité, le repas avait été d'un ennui mortel, je ne savais même pas comment j'avais survécu sans me noyer dans mon verre de soda. De manière étonnante, même mon grand frère avait paru se tourner les pouces. Nous nous étions fait raccompagner par le chauffeur de notre père et nous étions séparés sur quelques notes plus joyeuses et une touche de sarcasme qui m'avait fait comprendre qu'il avait définitivement saisi notre jeu, à Aiden et moi. Ne t'inquiète pas, il répondra à tes messages. Ce fut à cet instant que j'avais compris que je guettais trop mon cellulaire.

Après m'être retourné maintes et maintes fois, alors que le soleil se levait, je finis par regagner le sommeil. Cependant, il fut de courte durée. Je me retrouvai dans un rêve étrange dans lequel j'étais accompagné d'Ennis, dans une jungle sauvage et hostile, remplie de pièges, de dangers en tous genres. Ce fut en grimpant à un arbre que je me retrouvai perché sur une branche par-dessus un balcon en marbre, face à une silhouette familière, qui ne ressemblait plus en aucun cas à mon frère. Je vis sa main tendue et me sentis basculer en arrière, me taillant la jambe en deux.

Après un réveil en sursaut, je m'étais retrouvé le visage en larmes et le corps couvert d'une fine pellicule de sueur. Je ne comprenais toujours pas pourquoi tous mes rêves se terminaient de la même façon. Je voulais tellement comprendre d'où venait ce cauchemar qui était forcément lié à cette cicatrice que je portais sur ma jambe, de ma hanche à ma cheville. Il y avait des fois où je voulais absolument me souvenir, d'autre où j'appréhendais énormément le moment où enfin ma mémoire retrouverait toutes ses capacités.

Il y avait encore des personnes qui m'échappaient, quand j'allais à Boston. Il m'était déjà arrivé de croiser un garçon totalement inconnu qui m'avait bondi dessus en s'exclamant qu'il m'avait cru mort après ce soir-là. Quel soir ? Aucune idée. Je n'avais même pas osé lui demander qui il était. J'avais déjà essayé d'interroger ma famille, ma mère, mes frères, mes sœurs... Soit ils faisaient la sourde oreille, soit ils niaient qu'il se soit passé quelque chose de grave. La version commune, c'était : « Tu as fait une mauvaise chute, c'est tout. » Je savais que non. Sinon, pourquoi les jumeaux et mes aînés me surprotégeaient ? Pourquoi me traitaient-ils comme une petite chose fragile alors que jamais ils ne l'auraient fait avant ce séjour à l'hôpital ? En réalité, avant, ils m'auraient embarqué dans leurs coups foireux, comme ils le faisaient toujours.

I. Domination [Boy x Boy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant