C'est drôle comme de simples chiffres luminescents peuvent vous pourrir la vie. Le déclic familier résonna et l'heure avança d'une minute. Je soupirais et me tournais une nouvelle fois. Cela faisait déjà plus de trois heures que je cherchais le sommeil. Heureusement que je ne mettais pas lancer dans une carrière de chercheuse, cela aurait été un véritable fiasco ! J'en étais là de mes réflexions quand je décidais de me lever. Les nuits étaient exceptionnellement chaudes et le chant des cigales était encore perceptible. Je troquais ma nuisette –cadeaux de Saint Valentin de Gregory- contre un short et un tee-shirt bien trop grand pour moi.
Je savourais le contact du sol frais sous mes pieds nus. C'était un bonheur que je m'autorisais quand j'étais sure de ne pas être dérangée. Depuis ma plus tendre enfance, ma mère avait toujours trouvé cette habitude dégoûtante. Cela m'avait valu maintes remontrances jusqu'à l'âge de huit ans. Ce jour-là, je jouais sur la pelouse et avait enlevé mes ballerines qui me faisait glisser alors que je courais après un papillon aussi gros que ma main d'enfant. Je l'avais perdu de vue et m'étais précipitée dans le salon pour faire part de ma découverte à ma mère. Je déboulais à toute allure dans le salon où elle recevait deux de ses plus proches amies. Devant mes pieds sales et mes cheveux échappés de ma tresse, elle m'avait regardé avec un mépris froid qui m'avait fait reculer et quitter le salon en pleurs. Depuis je marchais pieds nus qu'à de rares occasions, quand j'étais seule chez moi ou au beau milieu de la nuit.
Cette impression de braver un interdit me faisait retrouver mon âme d'enfant pour un court instant. Dire qu'à huit ans, j'essayais déjà d'être la petite fille parfaite pour mes parents et j'échouais misérablement. J'avais cru naïvement qu'en grandissant, je deviendrais digne de leur amour. Comment avais-je pu croire que cela serait aussi simple ? Bien sur, j'avais réussi brillamment mes études. J'avais mené de front deux spécialisations, m'efforçant de montrer mon sérieux et mon ambition. Je n'avais pas enchainé les amourettes ni fais de crise d'adolescence. J'avais présenté un copain bien sous tous rapports, une fois mon baccalauréat en poche. J'avais accompagné mes parents à tous leurs galas, le sourire accroché à mes lèvres alors que je n'avais qu'une envie me terrer dans un trou de souris.
Je me laissais tomber sur les marches du perron. A quoi bon ressasser ? J'avais beau faire tout ce qui était en mon pouvoir ce n'était jamais assez. J'étais trop grosse, trop effacée, pas assez drôle, pas assez volubile... J'étais surtout fatiguée. Je m'adossais à la colonne de marbre et me laissais emporter par mes rêveries. Rémi occupa aussitôt mes pensées. Comme j'aurais aimé qu'il me remarque, qu'il soit là avec moi. Je pouvais sentir la chaleur de son étreinte, le doux frottement de son jean contre ma peau découverte. Les choses auraient-elles été différentes si j'étais arrivée ici célibataire ? Mon cœur l'espérait, mais ma raison me soufflait que je n'étais pas assez bien pour lui. Il me voyait surement comme une petite fille de riches, paumée, incapable de prendre ses propres décisions. Le pire est qu'il avait surement raison. Cela devait changer, je devais changer. Je fermais les yeux et imaginais les doigts de Rémi courir le long de ma cuisse, s'arrêtant juste à la hauteur de mon short, en suivant la couture du bout des doigts. Ma peau se couvrit de frissons en anticipant de ce contact léger et rugueux. Je pouvais deviner les tracées dessiner par les callosités de ses doigts. Je retins un gémissement et me fit honte. Un simple fantasme me faisait plus d'effet que les caresses réelles de mon petit-ami. Quelque chose ne tournait vraiment pas rond chez moi.
Electrisée par le fil de mes pensées, je décidais d'envoyer un message à Rémi. Lui parler ferait taire mes songes.
-Salut beau gosse ! ;p
-Beau gosse ??? Serais-tu en train de picoler sans moi ?
-Même pas ! Je voulais juste voir si cela te faisait répondre plus vite
-Verdict ?
-Plus vite que ton ombre
-Comme si je mettais trois heures pour répondre à tes messages, je réponds généralement dans la minute
-Hum...tu sais, chez les riches, on est habitué à du haut-de-gamme, tu devrais anticiper mes sms
-Oh, désolé votre Altesse, je ne suis qu'un vulgaire sous-fifre !
-Voila qui est mieux !
-Attention où tu mets les pieds, Châtelaine !
-C'est-à-dire ? Tu me menaces ??
-Pas le moins du monde ! Mais à trainer avec le menu fretin, tu vas perdre de ta superbe !
-Ah, tu me trouves superbe ! Je le savais :p
-En tout cas, tu ne perds pas ta vanité
-Jamais ! Elle me tient compagnie !
-C'est le rôle de ton mec en principe !
-Oui, il parait...
-Cela ne va pas mieux ?
-Pas vraiment...j'ai l'impression d'être transparente.
-Toi, transparente ? Bon sang, tu te plies en quatre pour tout le monde !
-Mais non
-Ah vraiment ?
-Tu n'as pas annulé tes vacances ? Tu ne remplaces pas la bonne de tes parents ? Tu ne t'occupes pas de tout pour ton mec ? Sérieux, je ne l'ai pas vu une seule fois faire les courses !
-Ce n'est pas grand-chose... Il faut bien que quelqu'un le fasse.
-Et quand tu m'aides pour le jardin ?
-C'est juste un coup de main ! Comme ça, tu peux passer plus de temps avec tes enfants !
-Crois-moi, si tu n'étais pas là, les gens le remarqueraient. Je le remarquerais.
-Merci, c'est gentil.
-Ce n'est pas gentil, c'est la vérité.
-Si tu le dis.
-Tu as vraiment du mal avec la reconnaissance, pas vrai ? Tu devrais aller dormir, tu vas être épuisée demain.
-Et toi alors ?
-Moi ? Je suis super fort :p
-C'est cela, bonne nuit, Rémi.
-Bonne nuit, Théo.
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Obsession
Mystery / ThrillerJusqu'où iriez-vous par amour? Ce fut d'abord une lueur, puis une flamme grisante, qui enflamme qui embrase tout mon être.Il semblait être tout ce que je voulais, même ce que je ne n'osais espérer. Et vous qu'auriez-vous fait à ma place? Pour ceux...