Chapitre 24

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Je fis une pirouette et observais ma robe virevolter autour de mes jambes. Je devais ressembler à une gamine jouant à la princesse. Julia, une amie de longue date m'avait invitée au restaurant. Je ne l'avais pas revu depuis le lycée. Elle venait passer une semaine de vacances au Canet et avait entendu que j'étais dans les parages. Nous avions tellement de choses à nous raconter, enfin surtout elle. Elle m'avait confié que si je ne la reconnaissais pas depuis le temps, je n'avais qu'à chercher la plus grosse baleine du restaurant, avant d'éclater de rire. J'appris ainsi qu'elle était de nouveau enceinte. Son troisième bébé devait naitre d'ici peu.

Je n'en revenais pas. J'étais restée quelques instants, muette. J'avais l'impression de vivre au ralenti.

-Hé ho, je plaisante ,m'interpella-t-elle, pensant que j'étais mal à l'aise de sa blague.

-Tu vas avoir un enfant ! explosais-je de joie.

-Oui ! rit-elle.

J'arrivais au restaurant avec un peu d'avance et m'apprêtais à rejoindre le bar quand une voix à l'accent chantant me héla. Je la reconnaitrais entre mille.

-Julia ! m'écriais-je en la prenant dans mes bras. Comment vas-tu ?

Je regardais son ventre proéminent. La grossesse lui allait à ravir.

-Bien. Et toi ? Raconte-moi tout ?

Nous pépions comme des adolescentes, désireuses de rattraper le temps perdu. En première, Julia avait déménagé à Grasse. Au début, nous étions restées en contact et fatalement, la vie nous avait éloignées. Seuls les anniversaires et les fêtes maintenaient un semblant d'amitié.

Je l'écoutais raconter ses plaintes concernant Johan en rigolant. Elle se plaignait mais avec un sourire si grand qu'elle n'était pas crédible. Elle était folle amoureuse, elle rayonnait rien qu'en prononçant son nom.

-Tu sais que je suis un brin jalouse de ta vie parfaite, lui confiais-je amusée.

Elle était amoureuse, avait des enfants merveilleux, un job à mi-temps qui lui plaisait et lui laissait le temps de voir grandir ses enfants. Si je devais désigner une famille parfaite, ce serait sans contexte la sienne.

-Ce n'est pas si simple que tu le crois, sourit-elle énigmatique.

-Comment cela ?

-Disons que j'ai un peu forcé le destin.

Elle semblait prête à me révéler un secret croustillant. Je me penchais en avant pour l'encourager.

-Je me souviens très exactement de la première fois que j'ai vu Johan, commença-t-elle d'une voix de conspiratrice. Ou plutôt, de ce que j'ai ressenti quand je l'ai vu. Attention, je ne parle pas de coup de foudre, ou de truc dans le genre. C'était plus profond, plus déstabilisant. Quand je l'ai vu, cela a remué quelque chose, comme si je le reconnaissais. Il était à moi, je sais c'est idiot, baissa-t-elle la tête gênée.

-Mais non, pas du tout, contrais-je.

Ses mots trouvaient une certaine résonnance en moi. Cette impression qu'elle décrivait si justement me rappelait ma rencontre avec Rémi. Je n'avais pas pris la peine de réfléchir à ce que j'avais ressenti alors, mais si je devais le décrire, cela se rapprochait fortement de son expérience. Cette attirance que j'avais nié, écrasante, comme si je savais que cette rencontre allait changer ma vie. Ce n'était pas de l'amour, je ne le connaissais pas, mais c'était un pressentiment vif.

-Enfin bon, reprit-elle son récit. J'étais la petite nouvelle et lui, le garçon populaire. Cela sonne tellement cliché dit à haute voix. La plupart des filles lui tournaient autour. Il en changeait chaque semaine. Aucune ne parvenait à le garder.

Elle s'arrêta, perdue dans ses pensées. J'attendais fébrile. Cette histoire était tellement éloignée du couple idyllique qu'ils formaient.

-Je savais qu'avec moi, ce serait différent... J'avais l'intime conviction que je pouvais le rendre heureux, et je ne me suis pas trompée, ajouta-t-elle malicieusement. J'ai commencé à mener une « pseudo » enquête sur lui, rit-elle. Tu sais comment c'était au lycée. Je voulais tout savoir de lui. Nous sommes devenus amis et là, j'ai joué la bonne copine. Nous parlions beaucoup, s'il avait besoin d'aide j'étais là mais je n'étais pas du tout intéressée pour une relation. Tu parles ! Dire qu'il y a cru ! Au début, cela ne le dérangeait pas, il me confiait tous ses tracas avec les filles. Je le connaissais mieux que lui-même. Il commença à me draguer, ajouta-t-elle en se retenant de rire. Au début, c'était des petits sous-entendus, plus pour tester son charme qu'autre chose. Il m'a fallu tout le courage du monde pour ne pas tomber dans ses filets mais je tins bon. La situation l'horripilait. Il se fit plus insistant, me fit la cour, ... pour la première fois de sa vie, une fille lui résistait.

-Et la suite ? la suppliais-je, emportée par son histoire.

Elle sourit avec nostalgie.

-Nous avions fini par nous mettre ensemble, mais je l'ai fait patienter un an avant de passer aux choses sérieuses. Je ne voulais pas qu'il me prenne pour une fille qu'il pouvait jeter quand bon lui semble. Et nous voila maintenant ! Mariés, heureux, parents de bientôt trois enfants. J'ai bien fais de provoquer les choses.

-Qui te dit que vous ne vous seriez pas mis ensemble quand même ? demandais-je curieuse.

-Surement un jour vu que l'on est fait l'un pour l'autre, mais cela aurait pris des années. Il aurait oublié la petite lycéenne qui avait craqué pour lui, et un jour, nous nous serions croisés par hasard, mais nous aurions perdu des années et plus encore, ajouta-t-elle à voix basse en caressant son ventre.

Je la contemplais en silence. Mon esprit carburait.

-Tout va bien ? demanda-t-elle. Tu es toute blanche.

-Oui, oui, ça va, la rassurais-je. Je réfléchissais, c'est tout.  

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