Obsession

Chapitre 21

Je remerciais mentalement ma tante Agathe d'avoir vanter les mérites d'une cuisine d'été à ma mère. Sans elle, je serais obligée de m'expatrier dans un restaurant pour avoir ma dose de café. Les travaux avançaient vite, mais la plupart des meubles avaient été déblayés pour repeindre les murs. La cuisine était devenue une zone de guérilla et le sol était couvert de traces de peinture. Je souris en imaginant la tête de mes parents s'ils rentraient à l'improviste. 

Un bruit de pas juste derrière moi me pris par surprise. Je me retournais précipitamment et faillis chanceler. 

-Salut! 

-Salut, répondis-je méfiante. 

C'était l'un des ouvriers les plus jeunes, je ne me rappelais pas de son nom. Je l'avais souvent aperçu à trainer ou fumer pendant que les autres bossaient. 

Il regarda autour de lui comme s'il cherchait quelque chose.

-C'est classe chez toi! siffla-t-il.

Je me retins de grimacer devant cette familiarité soudaine.

-Je me demande qui tu as baisé pour avoir une baraque comme celle-là! s'exclama-t-il.

J'en restais muette et reculais machinalement. Je clignais des yeux et la seconde suivante Rémi se tenait devant moi. 

-Recule! grogna-t-il, les épaules sous tension.

S'il s'était adressé à moi, je crois que je serais partie en courant. A la place, le type en face de lui, sourit et se redressa.

-Hé mec, tu en penses quoi toi? l'interrogea-t-il avec uns sourire crétin.

-Que tu ferais mieux de te barrer, répondit-il la mâchoire serrée malgré son calme apparent. 

-Relaxe, on discute c'est tout!

-En lui manquant de respect? 

Rémi s'avança, les poings serrés.

-Ne lui parle plus jamais, c'est compris.

-Je ne vois pas pourquoi tu te prends la tête pour elle, lança-t-il avant de partir rapidement.

Rémi se détendit instantanément et me fit face.

-Ca va aller? 

-Merci, murmurais-je, mais je pouvais me débrouiller.

-Et perdre l'occasion de lui faire fermer sa gueule! s'exclama-t-il, le sourire aux lèvres. 

J'appréciais son initiative pour dédramatiser, mais je voyais bien la lueur inquiète dans ses yeux.

-Tu n'as pas l'air de l'apprécier, constatais-je, espérant ainsi qu'il arrête de me regarder comme si j'allais m'effondrer d'une minute à l'autre.

-Il fout rien c'est bien parce qu'il est le neveu de Barrel que...

-Vraiment? 

-Oui, dire qu'il y a des personnes qui aurait vraiment ...enfin bref...

La tristesse ternit son regard.

-Qui ça? 

Il écarquilla les yeux ,surprit avant de contempler ses chaussures. 

-Un ami blessé, ce n'est pas facile de... laisse tomber.

Peu importe qui c'était, ils étaient vraiment proches, et j'avais le sentiment que Rémi avait vécu la même chose que lui. Sa façon d'en parler, sa pudeur, je n'avais qu'une envie chasser les ombres sur son visage. 

-Je vais voir ce que je peux faire, lui souriais-je. 

-Tu as autant de connaissances que cela?

-Et plus encore, riais-je. C'est pratique d'être la gosse de riche!

-Je n'ai pas dis ça, fit-il remarquer doucement.

-Moi je le dis! lui fis-je un clin d'oeil. 

Si je pouvais aider l'un de ses amis, cela ne me coutait rien. Après tout, il était toujours là quand j'avais le moral à zéro. 

*****

Je regagnais la maison et appelais Cécile. J'avais une mission pour elle et nul doute qu'elle allait adorer. 

-La reine de l'univers à l'appareil!

-Wow, rien que cela, plaisantais-je. Comment dois-je vous appeler votre Altesse? 

-Oh, pour toi, Cécile, suffit. 

-Trop aimable!

-Je sais. 

-J'ai un service à te demander, lui annonçais-je avant qu'elle ne reparte dans un délire de sur-estime. 

-Hum, quel genre? Beau ténébreux avec des abdominaux en acier? 

-Pfft, c'est pas un service ça! Ce serait un cadeau!

-Tu me connais trop bien, soupira-t-il. 

-Et oui! m'exclamais-je. Tu peux me trouver quelque chose sur Barrel? demandais-je soudain sérieuse. 

-Qu'est ce qu'il t'a fait? demanda-t-elle en quête d'histoire croustillante.

-Lui rien, son neveu. Trouve-moi un truc pour qu'il me doive une faveur. Et qu'il ne puisse pas refuser, bien sur. 

 -T'inquiète, je gère. Pour déterrer les cadavres, je suis une pro!

-Surement parce que c'est toi qui les enterres, la taquinais-je. 

-Pas faux!

Cécile avait un don pour trouver tous les secrets honteux, ce qui lui permettait d'avoir une si bonne position après seulement un an dans son cabinet de fiscalistes. 

*****

Je bataillais pour atteindre les fruits du poirier. En équilibre précaire sur la pointe des pieds, j'avais l'impression que mon épaule allait finir par se désolidariser de mon corps. 

-Merci, lança Rémi. 

-Pourquoi? Et comment fais-tu pour être aussi silencieux? 

Il sourit. 

-C'est que tu es tellement concentrée, se moqua-t-il en attrapant la poire hors de portée. 

-Merci, dis-je machinalement en la récupérant. Alors pourquoi m'as-tu remerciée? 

-Marc m'a appelé. Il pensait que j'avais quelqu'un a recommandé pour rejoindre l'équipe.

-Ah bon? C'est bien, lançais-je sans le regarder.

-Tu n'y es pour rien?

-Pour rien du tout, confirmais-je feignant l'innocence.

-Hum...et l'éviction de Kevin?

-Il est parti? Vraiment? Je ne savais pas, fis-je l'étonnée.

Son regard complice me fit sourire. Je regagnais la maison, fière de ma décision.