Chapitre 59

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Mes muscles avaient leur propre vie. J'essayais de rester calme, de cacher mon impatience, mais mon corps était pris de tremblement. Fébrile, j'avais l'impression d'être un éléphant dans un magasin de porcelaine. Ma jambe tressautait, mes doigts pianotaient contre ma cuisse, puis contre la table. Je me mordis l'intérieur de la joue, comptant ma respiration.

Bientôt tout serait fini.

Mes yeux revenaient sans cesse sur le tiroir. Encore quelques minutes. Mon cœur battait la chamade, comme s'il cherchait à s'envoler loin d'ici. Rémi récupéra ses clés et passa enfin la porte.

Je soufflais en entendant le véhicule s'éloigner.

Tout était prêt. Les jerricans d'essence à proximité de la cuisine, attendaient d'être rangés dans le garage. J'avais laissé la porte-fenêtre, entrouverte. L'explosion soufflerait les preuves.

Les membres engourdis et j'ouvris enfin le tiroir. Frôlant le métal, je fermais les yeux un instant, m'intimant d'être forte, je devais aller jusqu'au bout.

-Matthieu ?

-Oui ?

Le bruit de son jeu vidéo filtrait à travers la porte de sa chambre. Je fixais la gazinière, il devait se trouver dans le salon.

-Tu m'aides à emballer les cadeaux pour ton père ?

-Oui !

Pieds nus, il arriva en courant, le sourire aux lèvres et se figea. L'étonnement, l'incompréhension et finalement la peur envahie son regard.

-Qu'est-ce que...

-Tais toi, le priais-je. Je suis désolée.

Son regard s'égara un instant comme s'il avait entendu un bruit. Je relâchais le chien, enfonçant mes ongles dans ma main libre.

-Théo.

Je sursautais malgré moi. Comment, qu'est-ce qu'il...

-Calme-toi.

Doucement, il se rapprocha de son fils, la main à plat, lui intimant de rester calme.

-Qu'est-ce qu'il se passe ?

-Arrête de bouger ! cria une voix aigüe.

Mon Dieu, c'était ma voix.

-Explique-moi, chuchota-t-il sur un ton rassurant.

-Je ne peux pas le laisser faire. Pourquoi es-tu rentré ? Tu ne devais pas être là, l'accusais-je d'une voix pleurnicharde.

-Mon fils ne t'a rien fait.

-Bien sûr que si ! Il m'éloigne de toi, il sait tout, je dois...

-Théo, tu racontes n'importe quoi.

Ma mâchoire se contracta.

-Je sais ce que je dois faire.

Son regard s'assombrit et je tirais en fermant les yeux. Erreur de débutante, pourtant j'avais de l'entrainement. J'ouvris les yeux et m'effondrais en hurlant. Je refusais de comprendre l'image que j'avais sous les yeux.

Rémi avait poussé son fils. Assis contre le mur, le sang quittait sa poitrine.

L'arme tomba et j'accouru, essayant maladroitement d'arrêter l'hémorragie.

-Pourquoi tu as fait ça ? sanglotais-je.

-Et toi ?

Son ton haineux me percuta. A travers mes larmes, son regard noir m'anéantit.

-Je...je t'aime, bredouillais-je.

Ses yeux se voilèrent puis s'éteignirent, pourtant je pouvais jurer qu'il me jugeait encore, que sa haine le maintenait présent.

Je me couchais contre son flanc, soulevant son bras pour le poser sur ma taille. Je fermais les yeux, refusant de le quitter.

Tout était fini maintenant. 

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