Chapitre 4 : Dieu a pleuré pour toi.

845 103 32
                                    

Média : Laszlo.


Les gardes me sortirent rapidement du lieu de culte en me tenant sous les épaules, mes côtes me brûlant trop pour l'instant pour me permettre un quelconque mouvement ; et dehors, j'aperçus des centaines de gens qui attendaient, présents sur chaque côté et laissant l'allée immaculée recouverte de neige vide, prête à être souillée par les pas des gardes. Leurs regards me scrutaient, avec curiosité.

Je pouvais deviner à leurs prunelles qui détaillent chaque parcelle de ma peau qu'elles cherchaient à y lire la cause de mon arrestation. Après tout, chaque intervention des gardes auprès d'un individu entraînait la plus grande curiosité des habitants de la ville, et constituait le sujet de conversation de la place de Budapest pendant les jours qui suivaient. Je me rendais compte à quel point c'était ridicule.

Que diraient-ils de Laszlo, ce jeune homme qui avait un avenir certain devant lui ? Qui contrairement à d'autres, avait l'argent, une belle femme, un cadre de vie paisible, et qui avait tout envoyé valsé, juste parce qu'il était « malade » ?


Les hommes russes m'entraînèrent jusqu'à un de leurs camions blindés. Cela devait bien être un des rares véhicules que l'on croisait dans les rues, si on exceptait les ambulances, les taxis, et tout autre véhicule utilitaire ou de transport en commun.

Les gardes me menottèrent sur un siège, en me fixant de travers, comme si j'étais un criminel assoiffé de sang. Ils ne savaient pas que j'étais innocent, à part si le fait d'être soi-même faisait automatiquement de nous un criminel. Ou peut-être, stupides comme ils étaient à cause de cette propagande, avaient-ils peur d'être « malades » à leur tour ?



Le trajet ne dura pas longtemps, mais assez pour que chaque secousse sur les pavés des rues me rappelle ma douleur. Puis l'on me déposa à l'arrière de l'hôtel de ville.

Si cette ignoble belle-mère ne m'avait pas dénoncée, je serais rentré dans cet endroit que pour annuler des papiers de concubinage et non pour attendre en vue de ma condamnation.

Condamnation.

Maintenant que je répétais intérieurement le mot dans mon esprit, ma gorge se fit sèche alors que mes yeux s'humidifièrent automatiquement.

J'aurais aimé pouvoir donner deux bons coups de poing aux gardes qui m'accompagnaient jusqu'à ma cellule, pour ensuite prendre les jambes à mon cou, et partir. Je ne savais pas où, et sans doute que l'on m'aurait rapidement retrouvé, et que ma peine de prison aurait été encore plus longue. Enfin, vu le cas désespéré où j'en étais...

Mais mon corps était trop faible pour l'instant pour faire un quelconque mouvement sans que je grimace de douleur.


Quand le verrou me bloquant dans une petite salle seulement meublé d'un vieux sofa de cuir noir retentit, je me retournai violemment, et me ruai sur la porte que je martelais du poing.

« Tu aurais dû réagir avant Laszlo ». Oui enfin, ma seule réaction face aux gardes m'avait coûté de vaillants coups de pieds dans les côtes.

J'enlevais mon manteau et soulevais mon épais pull de laine, découvrant ma peau parcourue de plusieurs hématomes. J'appuyais sur un au hasard, et la douleur me rappela pourquoi j'étais là.

« Tu n'es qu'un homosexuel éloigné des normes de la société. Tu sais qui tu es, et tu les effraies. Pourtant, tu es bien un homme, comme eux. N'es-tu pas, au contraire, plus humain que ces bourreaux qui te condamnent qui tu es ? »


Je m'asseyais sur le sofa, regardant le creux de mes mains avant de les poser sur mon visage. Ma gorge se serra, et je ravalais un sanglot.

Je ne savais même pas pourquoi je me retenais de pleurer, qu'est-ce que cela aurait fait que n'échappe quelques larmes ? Pas grand chose. Et ce pas grand chose, cela signifiait avant tout que pleurer ne changerait rien, et que je serais condamné, quoiqu'il arrive.

Alaska.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant