Chapitre 6 : L'âme dans le blizzard et l'erreur dans l'injustice.

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Je ne conseille pas souvent des musiques, mais ici il y en a une qui compose bien avec le chapitre, en plus c'est une bande originale de film, donc ça fait assez joli. J'en mettrais probablement d'autres au moment voulu, bonne lecture.

[ My name is Lincoln - Steve Jablonsky ]

Média : Laszlo.



–    Le voyage ne durera qu'une heure, et après... Ce sera après, me confia le garde russe assis à côté de moi dans l'hovercraft.

Il m'avait laissé aller aux toilettes, prendre une douche et grignoter un petit repas avant de monter dans l'engin. J'ignorais que l'hôtel de ville possédait tout cela en son sein pour permettre aux prisonniers un dernier luxe avant d'être envoyés accomplir leur sentence.

J'étais incroyablement stressé, et même assis, mes jambes étaient prises de soubresauts. Mon corps crispé devait être aussi raide qu'un bâton de bois.

Heureusement, le garde à côté de moi me parlait gentiment, pour me rassurer. Je comprenais que j'avais mis tous les gardes russes dans le même paquet, mais il y avait des bons et mauvais gens partout.

En une heure, on n'avait pas le temps de se dire grand-chose. Deux autres condamnés restaient dans leur coin, un peu plus au fond.

Heureusement, l'homme avec qui j'étais ne m'évoqua jamais mon passé ou mon futur. Ni la raison de ma présence ici. Non, il me parla comme on le faisait avec un ami croisé dans la rue : d'abord il aborda le thème de l'hiver glacial qu'on affrontait cette année, se moqua rapidement d'un autre garde qui nous surveillait du coin de l'œil et qui s'esclaffa avec nous, et enfin, quand il vit la médaille de mon père accroché à côté de la mienne, se mit à aborder le sujet de l'entrainement militaire qu'il avait dû poursuivre pour devenir garde.

C'était quelqu'un de très intéressant, et d'un naturel avenant. Il arrivait à me décontracter, et je crois que pour un voyage vers la mort, il ne pouvait pas le rendre plus agréable.



Puis enfin, l'écran radar sur un mur m'indiqua que l'on avait fini de survoler l'URSS. J'étais le premier posé, en Alaska. Je ne savais pas où les deux autres allaient, et je ne voulais pas leur demander. Mon destin serait assez dur à affronter, alors autant oublier la compassion que j'aurais pu éprouver pour ces deux hommes silencieux.

–    On est arrivé... Horvath, lit le garde sur ma plaque militaire. Bon courage.

Je lui rendis un sourire, mes lèvres se crispèrent néanmoins. Le stress que j'avais abandonné pendant le voyage semblait me retrouver. Le garde me fit signe de me lever, et une trappe au sol s'ouvrit. Une lumière aveuglante accentuée par le reflet de la neige en contrebas entra soudainement dans l'habitacle. L'engin se rapprocha au plus près du sol, peut-être un mètre.

–    Saute. Adieu soldat !

J'obtempérais, conscient de ne pas avoir le choix. Mes mollets s'enfoncèrent dans la poudreuse, qui amortit mon saut dans un bruit étouffé. Je me retournais, et l'hovercraft s'envolait, le garde me sourit et me fit un signe de la main au travers de l'entrebâillement de la trappe.

J'aurais dû lui demander son nom... Cela n'aurait rien changé parce que nos chemins étaient voués à se séparer rapidement, mais au moins, si jamais je mourrais ce soir, je saurais mettre un nom sur le visage d'un homme bienveillant.

En s'élevant dans le ciel, l'imposant hovercraft russe soulevait la poudreuse, qui tourbillonnait autour de moi, m'enveloppant dans un voile blanc. Je voulais être un flocon perdu au milieu de semblables, avant. Cela s'illustrait enfin. Et pourtant, je comprenais que je n'en étais pas un. Et que je ne voudrais jamais être un homme comme les autres, façonnée par des discours existentiels et dénués de sens.

Alaska.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant