Chapitre 9 : Le regret d'être soi.

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L'abruti en contre bas osa enfin daigner un regard vers moi, sans que cela n'aboutisse à une quelconque résignation de sa part. Il continua à tirer sur mon futur repas pour l'amener avec lui.

Puis, un instant, je réalisais qu'il n'avait sans doute pas compris ce que j'avais dit. Mais il n'était pas stupide quand même ! Si je pointais un fusil vers lui tout en lui criant d'une voix menaçante, ça ne pouvait pas être pour l'inviter à me dérober mon caribou !

J'avançais vers lui jusqu'à me trouver à une trentaine de mètres face à mon voleur. Emmitouflé dans d'épaisses couches de vêtements comme moi, je remarquais que sa carrure ne semblait pas si imposante que ça. Une épaisse doudoune déchirée de toutes parts le réchauffait, et malgré sa capuche tombant sur son visage, j'aperçus une peau basanée cachée au niveau de la mâchoire par une barbe brune recouverte de poudreuse.

L'homme ne répondit pas, et se contentait de me juger du regard. Je remarquais qu'il n'avait pas d'arme, donc j'avais clairement l'avantage.

Cependant, je me demandais pourquoi ma première réaction avait été de le menacer. C'était vrai, des jours durant, je m'étais plaint d'être désespérément seul. Et quand je trouvais un autre humain, il fallait que je trouve le moyen de le menacer de lui tirer dessus. Mais bon, si ce n'était pas un voleur, cela changerait sans doute la première impression que j'avais sur lui pour l'instant.

– Dégage, ou je te bute, menaçai-je de nouveau.

Ma première hypothèse se confirma. L'homme ne parlait pas ma langue. Pas de chance pour lui, je ne savais rien dire d'autre à part du hongrois, et quelques mots de russe. Mais bon, avec mon viseur pointé sur lui, je pensais que cet inconnu comprendrait un peu du langage universel de la colère et du fait que je sois prêt à appuyer sur la gâchette s'il me volait mon animal. S'il savait le temps que j'en avais rêvé de ce caribou mort !


Puis soudain, l'homme étira ses lèvres charnues, dévoilant quelques dents blanches, mais surtout un air terrifiant tant il reflétait une grande confiance en soi, face à un ennemi pourtant armé. Ses yeux d'un bleu ciel qui me frappèrent de par leur pureté fixèrent un point derrière moi, et je me retournai juste quand une silhouette me sauta dessus.

Je dévalais la pente en roulant sur le côté pendant plusieurs mètres, avant que je n'essaie de planter mes talons dans le sol pour arrêter ma chute. L'individu qui m'avait pris par surprise était toujours fermement accroché à mes vêtements. Je lui donnais un valeureux coup de pied dans le but de m'en défaire quand il poussa un cri aigu. Mon agresseur était une femme. Elle avait un sacré cran, il fallait le reconnaître.

Je me dégageais d'elle, mais elle refonça sur moi. Malheureusement pour elle, elle ne me fit pas vaciller, et d'un mouvement de bras, je la faisais tomber au sol. C'était quoi le problème ici ? Pourquoi les premiers individus que je croisais ici étaient des personnes sans morale qui s'en prenaient gratuitement à moi ?


Puis je comprenais que s'ils étaient complices, cette femme faisait simplement diversion pour que l'autre récupère ma proie. Je me retournais et vis le premier individu s'éloigner avec mon trophée de chasse. J'avouais que cela était bien ridicule de se battre ainsi pour un caribou mort, mais j'estimais qu'en m'ayant agressé en premier, ces individus n'étaient que des faiseurs de troubles, qui finalement profitaient de l'absence de règles en Alaska.

Énervé, j'empoignais mon fusil qui était tombé à quelques mètres de moi, et le pointais en contrebas. Je ne patientais pas bien longtemps avant que le coup ne parte. Comme quelques minutes auparavant, il fendit l'air d'un son déchirant et puissant, avant que le silence prenne de nouveau ses droits.

Alaska.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant