Alaska.

Chapitre 42 : Le drapeau noir.

J'avalais de la boue quand mon visage s'enfonça dans le sol suite à ma lourde chute. Les hommes autour de moi ne m'accordaient pas une importance particulière, l'attention demeurait ailleurs car c'était le début de l'anarchie. Des soldats habillés désormais de noir, qui avaient revêtus leurs capuches, tiraient de toutes parts sur ceux qui croyaient être leurs alliés. J'essuyai rapidement mon visage d'un revers de manche, avant de glisser à mon tour le tissu nécessaire pour recouvrir ma tête.

Je n'eus pas le temps suffisant pour analyser en détail la situation, même si je devais être apte à le faire en quelques secondes. Tandis que j'étais à quatre pattes en train de me relever, une main m'empoigna sous l'aisselle et me hissa vers le haut. Je fus pris de court et je me raccrochais instinctivement à l'individu, tout en restant sur mes défenses. Cela pouvait facilement quelqu'un du camp adverse qui profitait de ma chute pour m'amener ailleurs et m'exécuter, sous ordre de Tekhla.

Je tournai la tête, et reconnu la barbe brune d'Amine. Je souriais malgré moi, et malgré la scène de guerre qui prenait place dans le camp. 

Amine m'amena précipitamment avec lui, courant avec assurance entre les différents soldats qui se tenaient autour de nous. Puis il s'arrêta derrière un imposant 4x4, pour inspecter rapidement l'agitation qui régnait, entre les coups de feu, les cris, l'effet de surprise voulu par Sergei qui commençait à perdre de sa force par la contre-attaque des gardes sous les ordres de Tekhla.

— Tiens, prends ça, fit Amine en me tendant une arme.

Je détaillais la kalachnikov. La même que la sienne. Mes doigts hésitèrent à se poser sur l'objet ainsi tendu, mais Amine me la déposa sur les bras sans me laisser dire un mot. C'était la première fois que je tenais une telle arme de guerre après mes années en tant que soldat. Je ne me servais que de ça autrefois, car ces fusils demeuraient redoutables et fiables. Bon, c'était avant que je finisse snipper, mais avoir de nouveau une arme de ce calibre me rappela violement ce que j'avais été, et ce surtout que j'avais fait. Une kalachnikov ne laissait que peu de chances à l'ennemi si vous aviez commencé à le toucher.

— Laszlo, tu pourras dire ce que tu voudras. Je sais que tu détestes ça, mais une nouvelle guerre va débuter. On y est peut-être à l'origine. Mais si on la gagne, si tu montres à ce nouveau monde la marche à suivre, le futur ne sera pas aussi sombre qu'aujourd'hui, répliqua Amine en ayant sans doute remarqué mon hésitation.

D'où venait cette inspiration soudaine d'Amine pour le conflit ? Où était passé Amine au caractère calme que j'avais connu pendant des mois ? Tout était terminé ? 

La guerre, j'avais appris qu'elle détruisait une fois qu'on y était, puis une fois qu'elle partait. Mais pas avant. Mais là, on aurait dit que ses ténèbres avaient déjà emporté l'esprit pacifique d'Amine.

— Il faut se battre. Tuer Tekhla. Certains hommes de Sergei sont en train de pirater le réseau télévisuel. Les contrôles de diffusion imposés par la dictature sont menacés. C'est le moment de la tuer, face au monde entier, comme elle voulait te le faire. Le sort du monde est désormais entre nos mains. On peut changer la destinée du monde. Quel homme ne reverrait pas de faire ça ?

— Tu dis ça comme si on devenait les propres dieux du monde, à choisir les évènements. Mais on doit tuer Amine. Tu dois tuer.

— Il y aura des morts dans tous les cas, à partir de maintenant. Je ne veux pas mourir Laszlo. Je veux encore me réveiller un matin dans tes bras. Alors j'ai choisi, je me battrais.

Y avait-il toujours une scène de cauchemar autour de nous ? Je ne savais pas. Je n'entendais plus rien. Il n'y avait qu'Amine, ses beaux yeux turquoise dans lesquels je me perdais une fois de plus. On avait des armes contre nos poitrines et des cœurs à l'intérieur. Des cœurs qui battaient l'un pour l'autre sans savoir s'ils arrêteraient de vivre dans quelques instants. Ça me tuait avant même de mourir.