Chapitre 35 : Un ange surveillant l'église.

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Il y avait une ombre dans le parc. Une silhouette assise au pied d'un if centenaire. Le silence régnait dans la tête de l'homme. Il y avait des familles qui marchaient en un jour gris de printemps pour rentrer chez elles, avec des enfants qui souriaient en ayant oublié les dernières années, et tout reprenait vie autour de lui. Lui, il était mort. Cela se voyait dans ses yeux. Ternes, souvent inondés de larmes. Il n'avait pas froid. Il ne savait même plus ce que cela faisait sur la peau. Le chaud, le froid, un frisson, une goutte de sueur. Il ne ressentait plus rien.

Deux ans que tout était fini. Deux ans avant, il pressait encore la gâchette pour tuer n'importe quel ennemi. Maintenant, il n'avait plus de but dans la vie. Plus d'espoir. Plus d'amour. Il était mort, à même pas vingt ans. Il n'avait plus de famille. Un père et un petit-ami touchés par la guerre. Il croyait qu'il avait encore sa mère, avant qu'elle ne soit emportée par le cancer quelques semaines après la fin des combats. Il était orphelin de la vie, et cela le bouffait. Il n'avait plus que la mort à ses côtés. Il se laissait mourir.

Personne ne faisait attention à lui. Quelques gouttelettes de pluie se mirent à tomber. Les familles se pressaient pour rentrer. Des enfants s'arrêtaient parfois pour observer cet inconnu affalé contre son arbre, mais les parents les poussaient toujours à avancer. Il se faisait oublier. C'était ce qu'il espérait.




Il attendit encore de longues heures avant de se relever. Il faisait nuit. La pluie avait cessé. Les rues étaient encore désertes, silencieuses. Ce silence l'apaisait : il régnait le même vide dans la ville que dans son cœur. Son royaume était désormais la solitude de ce monde.

Il marcha encore un long moment, n'empruntant en aucun cas les routes au hasard. Il savait où il voulait aller. Il s'arrêta seulement devant une flaque d'eau, éclairée par la pleine lune et quelques lampadaires.

Au milieu des pavés, la fine couche d'eau sombre reflétait le monde. Il baissa la tête pour croiser son reflet. Un homme fatigué, qui n'était plus rien. Un soldat sans plus un seul combat. Laszlo Horvath.

« C'est toi Laszlo. Ce n'est pas un autre homme, c'est toi Laszlo. Laszlo Horvath n'est plus rien pour le monde entier. Le soldat est mort, l'homme attend aussi son dernier souffle ».

Je sentis une larme dévaler ma joue. Des mois et des mois, où je subissais tous les contrecoups des horreurs que m'avaient fait subir la vie. Je n'avais plus de famille, plus d'amis, plus rien. J'étais une ombre de Budapest, rongée par le chagrin.

Je n'avais pas quelqu'un qui m'attendait le soir quand je rentrais dans la maison dont j'avais hérité. Je n'avais pas ma mère pour me coller une bise sur la joue tandis que j'aurais levé les yeux au ciel. Je n'avais pas mon père pour me demander comment s'était passée ma journée. Je n'avais pas mon petit-ami pour me prendre dans ses bras. J'étais abandonné.

Je vivais dans une maison pour un fantôme. Les derniers vestiges de vie reposaient dans des photos encadrées, d'une famille encore heureuse, avant que seul le fils ne survive. J'étais un orphelin de la guerre, mais j'avais vingt ans. Plus personne ne viendrait me tendre la main. Il fallait que je me débrouille seul, même si je n'en avais plus la foi.




Après de longues minutes à marcher les rues de Budapest, sans croiser la moindre personne, je m'arrêtais au pied de la basilique. J'y allais souvent. Je n'étais pas forcément croyant avant la guerre. Mes parents l'avaient été, mais ils m'avaient toujours laissé le choix quant à la religion. Au début même, je maudissais tous les dieux d'avoir amené la guerre. Je me demandais à quoi cela servait de réciter des prières de paix si en échange, nous avions seulement le chaos sur notre terre.

Alaska.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant