III - Jouer à... espionner (2)

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- Vous savez tous que je veux le meilleur bonheur pour notre château de sable, dit papa. Quand monsieur Berlue m'a contacté pour demander s'il était le bienvenue, j'ai immédiatement accepté. Nos portes sont ouvertes à tous car nous ne craignons personne.

Je souris. Un illusioniste fait de bien beaux spectacles... Je serais heureuse de pouvoir prendre un peu de bon temps.

Mais tout à coup, la porte de monsieur Berlue s'ouvre en coup de vent. L'étoile de mer apparaît dans une glissade parfaitement maîtrisée et ouvre deux bras en l'air en signe de victoire tout en s'écriant :

- Youhou ! Salut les amis, c'est moi l'étoile du jour ! Vous connaissez tous mon nom ! Mais ne soyez pas trop cérémonieux et appelez moi La Berlue tout simplement.

Il se penche soudainement en avant et met sa main en œillère :

- Oh ! Mais n'ai-je pas la berlue ? Voilà la Berlue !

Et il éclate de rire en même temps que toute la foule rassemblée autour de sa maison. Je ris aussi mais sans comprendre la blague.

Il continue de parler mais je ne l'écoute plus : je l'observe. C'est tout de même étrange ce large sourire qui contraste avec ses yeux ternes et durs. Je ne sais pas si je suis la seule à ne pas me focaliser sur ses lèvres mais il est vrai que ce regard me dérange profondément. Cette étoile de mer n'est pas... Vraie !

Et puis autre chose m'insupporte. Quand il rit ou même quand il sourit, sa voix semble forcée. Je réfléchis... En fait, c'est son travail de rire. Rien n'est naturel chez lui parce qu'il fait tout cela par obligation. Eh bien voilà... Il suffisait simplement de réfléchir un peu pour trouver la réponse.

Est-ce qu'il a des amis ? Est-ce qu'il rit ainsi avec ses amis ? Moi si j'étais son ami, je ne crois pas que je lui ferais entierement confiance. On ne sait pas qui il est vraiment. On ne peut rien partager du coup.

C'est vrai qu'avec Isak au moins je partage. Il rit, je ris. Nous sommes tous deux enfants... Et puis ne dit-on pas que les contraires s'attirent ? Il est pauvre, je suis riche. Maman dirait que c'est une belle histoire d'amitié.

En soi, je me retrouve un peu en Isak. Je fais la liste : enfants qui cherchaient l'amitié, un peu livrés à nous-mêmes, une envie de rendre le monde heureux, rieurs mais sérieux quand il faut l'être...

Est-ce qu'on peut se retrouver dans quelqu'un qui semble tricher avec sa vraie nature ? Peut-être que je me trompe. Peut-être pas...

Isak me tire par le bras justement :

- Perle ! Tu ne veux pas qu'on bouge un peu ?

Il a raison. J'hopine du chef et nous tournons rapidement des talons. Il me prend par la main et m'entraîne dans les ruelles. J'ai le cœur qui bat beaucoup plus vite soudainement. Ce geste de Isak me rappelle étrangement celui d'Azel l'autre jour. Azel... Ne t'inquiète pas, petit ami, je ne t'oublie pas. Mais il faut juste que j'apprenne à connaître Isak. Ça te va ? Ensuite je te le présenterai et te sortirai de prison, évidemment. Je ne t'oublie pas, Azel !

- Où est-ce que tu m'emmênes, Isak ?

- C'est une surprise !

Je l'entends rire doucement et serre les poings de frustration - avec tout de même un petit sourire amusé au coin des lèvres. Nous retournons vers la rue marchande, ce qui ne fait qu'accroitre ma curiosité.

- Dépêche-toi Isak parce qu'ensuite je devrais rentrer. D'accord ?

- Oui oui. Je m'en fiche.

Mais quel culot ! Il ne m'écoute qu'à peine !

- C'est là, s'écrit-il tout à coup avant que je n'ai eu le temps de le reprendre vertement.

Son visage est tout éclairé par la joie. La personne qu'il désigne se lève dans la foulée pour enlacer chaleureusement Isak. Puis mon ami se recule d'un pas et m'explique :

- C'est mon papa. Papa, c'est Perle mon amie. Et accessoirement la princesse.

Son sans-gêne me fera toujours rire. Mais je préfère cela que les courbettes. Je vois son père prendre une mine embarassée : faut-il me saluer dignement ou me donner un bisou sur la joue ?
Avec Isak, nous échangeons un regard complice et rieur. Puis je dis :

- Bonjour monsieur, je suis ravie de vous rencontrer. Les courbettes certainement pas mais je veux bien qu'on se salue avec un bisou.

Il se prête à mon jeu avec un petit sourire. Puis, je continue :

- Monsieur, j'apprécie énormément votre fils, c'est mon meilleur ami.

Je ne lui dit pas que c'est mon meilleur ami sur un ami en tout.

- Aussi s'il y a la moindre chose que je pourrais faire pour vous... Dites-le moi. Peut-être que papa pourrait vous donner une maison, beaucoup d'argent, un beau métier...

- Arrêtez princesse, m'interrompt-il dans ma soudaine envolée de générosité. Vous pourriez me donner tout l'or du château de sable que cela ne me procurerait pas de bonheur : ma joie tient aussi en ma fierté.

- Fierté ?

Y aurait-il encore un autre mot que je ne comprendrais pas bien ?

- Ma fierté c'est tout ce qui fait ma personnalité avec mon indépendance de caractère autant mes souvenirs, que mes biens, mes qualités, ma famille... Mon amour-propre, ma dignité, vous comprenez ? Mais aidez Isak et je vous en serais profondément reconnaissant.

- C'est vrai ? Isak, tu deviendras mon ami officiel, tu es d'accord ?

Il n'en faut pas plus pour que nous rions de plus belle. Et il m'entraîne de nouveau résolument vers le palais. L'espion reconduit sa reine en sa demeure.

Isak me comprend, il rit comme moi, il m'écoute. Eh bien tout cela me fait chaud au cœur et me donne envie d'aimer davantage !

Mais la Berlue...

- Isak ? Ce soir je parlerais de toi à mes parents, d'accord ? Mais demain, j'exige que tu te présentes aux grilles du palais à l'aube. Une étoile de mer comme la Berlue me paraît trop douteuse. Et puis... Je voudrais te parler de quelqu'un d'autre.

Mon petit cœur bat plus vite à l'évocation de Azel. Comme tous ses sentiments nouveaux sont étranges ! Mais ô combien ils me rendent heureuses !

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Chapitre exceptionnellement publié en avance parce que je n'ai pas de wifi ce we.

Mon château de sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant