Mon château de sable

VIII - Sacré (1)

J'ai voulu me reposer. Je n'arrive pas à dormir... La clé, la guerre, la mer, Isak... La Berlue... Des questions qui dansent et des questions qui valsent. La guerre, Azel, la clé, aimer, Isak... Et quoi ? Qui ? Comment ? Pourquoi ?

Je cherche et je cherche mais je ne trouve pas de réponses à toutes ces problématiques. Elles ne font que me tenailler le cœur et toujours j'en découvre des nouvelles.

La clé ? Azel ? La guerre ? Qu'est-ce que c'est ? Qui ? Pourquoi ? Qui sait ? Moi je veux savoir ? Et...

Je me redresse. Non, décidemment le sommeil ne viendra pas me chercher. Combien de temps ai-je passé allongée ? Oh ! Pourquoi le temps passe-t-il si lentement ?

Descendons. Marchons.

Qui ? Quoi ? La clé ? Isak ? La Berlue ? Elles dansent, dansent ces questions. Elles me narguent.

J'ai froid. Un courant d'air : quelqu'un a dû oublier de fermer une porte.

Tout à l'heure au repas, j'ai discuté avec papa de cette guerre. Et je lui ai parlé de la clé. Il avait l'air heureux que je montre tant d'intérêt pour la politique. Il se faisait une joie de me répondre.

"La clé, c'est le trésor du château. Elle est précieusement gardée dans un endroit connu de moi seul. Imagine le drame qui surviendrait si elle nous était dérobée !"

La Berlue veut cette clé. C'est une évidence maintenant. Mais pour qui la veut-il ? Serait-il donc du camp de la mer ?

Toutes ces questions me fatiguent. Je vais tenter d'oublier.

Au fil de ma promenade pensive, je suis parvenue sur les remparts. C'est très beau. J'en ai le souffle coupé. C'est dans des moments comme celui-ci que je mesure toute la splendeur de mon château. Spectacle divin.

Un voile noir s'est posé sur le château. Le donjon se découpe dans la semi-obscurité, enveloppé par la faible lumière d'un rayon argenté. La cour est envahie par la pénombre et on ne la distingue qu'à peine. Les remparts glissent dans une mer recouverte de miroirs scintillants et derrière moi la ville repose doucement. Je crois deviner chaque toit, chaque foyer et je perçois cette formidable unité qui s'en dégage. C'est mon château et je l'aime. J'éprouve subitement, à la vue de ce paysage si paisible, une bouffée d'affection pour cette ville qui bientôt reposera entre mes mains.

C'est dans cette ville que j'ai rencontré Azel et Isak. C'est ici que nous avons joué aux espions et c'est également dans ces rues que j'ai appris à les connaître et à les apprécier. Ma ville a quelque chose d'unique qui accroît ma fierté et mon respect. Et puis, elle porte l'image de deux amis qui me sont chers.

Et elle a le nom de ma famille. Un papa roi. Une maman attentionnée. Vous savez que je vous aime ?

Vers qui monte tout cet amour ? Je n'arrive pas à croire que toute cette unité ou même cette perfection ne soit pas l'œuvre d'une force supérieure. Qui sommes-nous, pauvres coquillages, pour mériter de tels cadeaux ? La vie est incroyable, n'est-ce pas ?

Une porte claque. Du vent ébouriffe mes cheveux. Ma curiosité est piquée. Je dévale les quelques marches pour suivre l'ombre qui passe.

Une longue silhouette noire traverse la cour, du donjon vers une autre tour que je ne connais pas. Je la vois s'engouffrer dans un sombre passage. Mes pieds claquent trop forts sur le sol : elle se retourne. Mais je me baisse et cette curieuse obscurité me cache. Heureusement que je suis petite.

L'ombre continue son chemin, disparaît happée par la pénombre. J'arrive au pied de la tour. Une porte. Une porte ouverte et j'entre. Des escaliers descendent en colimaçon. Longuement. J'entends toujours les pas lourds battre les marches. Le bruit disparaît petit à petit dans les profondeurs du sable. J'ai le cœur qui bat à rompre.

Je ne connais pas cette partie du palais. Tout cela est décidément bien étrange.

Je n'en finis plus de descendre. La tête me tourne. Où vais-je ? Qui est cette homme ? Il semble que ce soit une promenade d'interrogations.

Une autre porte. Y aurait-il une réponse derrière ? Elle s'ouvre malheureusement dans un terrible grincement et découvre une pièce illuminée par quelques bougies. Une odeur d'encens s'en dégage. Ce sont peut-être des détails mais cette atmosphère me bouleverse l'âme sans que je ne sache expliquer pourquoi. Un étrange sentiment d'euphorie. Je ferme les yeux.

La pièce est ronde avec pour seule ouverture cette lourde porte aux triples verrous. De qui est-elle le refuge ?

D'épais tapis recouvre le sol. Les murs en pierre s'élèvent vers une haute voûte. C'est beau. C'est un lieu agréable. Mais quel trésor renferment ces pierres ?

Plus loin, la pièce se perd dans l'ombre. C'est probablement dans cette direction que la silhouette s'est faufilée. Je prends mon courage à deux mains et je poursuis ma filature.

Alors je parviens dans une deuxième pièce. L'homme que je suivais me tourne le dos. Il se tient face à une cloche dorée. Et que contient cette cloche ?

Les questions continuent de danser. Mais moi, je veux savoir.

Je m'approche encore, dangereusement. Cette fois-ci, je ne suis plus cachée. Quand l'homme se retournera, il me verra. Inévitablement. Et qui est-ce ? Qu'est-ce que c'est ?

Au centre de la cloche, se trouve un gros coussin. La cloche est précieusement gardée par une grille et un solide serrure. C'est donc un objet extrêmement précieux qui y est sauvegardé. Et pourquoi dans un lieu tel que celui-là ?

Pourquoi me senté-je si bien ? Pourquoi donc mon désir d'aimer est-il soudain décuplé ?

Je veux savoir. Je serai reine plus tard : il serait bon que je sache.

J'approche encore. Un silence m'entoure. Le son de mes pas est étouffé par ces épais tapis colorés. Mais l'homme doit sentir ma présence.

Il se retourne.

C'est papa.

La surprise me fait reculer d'un pas tandis que les questions reviennent : que fait-il ici ? Vais-je me faire gronder ? Quel est l'objet qu'il protège ?

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