X - Gardienne du Divin (1)

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Il pleut toujours. Je sors malgré tout du château sans prendre garde au regard réprobateur de maman. Isak et Azel ne sont pas encore arrivés. Déçue, je décide d'aller à la rencontre d'Azel. Je sais qu'il habite dans la cache que je lui ai prêtée. Mais je n'ai pas besoin d'aller si loin : je le retrouve en chemin. Il a une mine triste qui ne m'échappe pas.

- Est-ce que tout va bien ?

- Je ne sais pas...

- Il faudrait que tu me racontes tes problèmes...

Dans l'instant, je le vois blêmir et hocher frénétiquement la tête.

- Non, non, pas tout de suite Perle ! Pas tout de suite ! Enfin, pas tout.

- Dis-moi une partie de tes problèmes.

Je vois alors son regard se durcir. Il me fait peur... Il serre les dents et murmure :

- Je n'aime pas vivre sur le dos des gens.

Ses yeux pétillent soudainement d'une lueur que je n'apprécie pas.

- Qu'est-ce qui se passe, Azel ? Où irais-tu ?

Il ne répond pas et se contente de sourire mystérieusement.

- Azel, promets-moi que tu resteras avec moi, mon ami. Tu es quelqu'un de gentil, n'est-ce pas ?

Alors il se détend et m'adresse un gentil sourire.

- Oui, je suis ton ami, Perle. Tu sais que je ne peux pas me coucher chaque soir sans me dire que j'ai une chance incroyable que tu m'apprécies ainsi ?

- C'est vrai ? Oh tu es gentil de me dire cela. Mais tu sais, c'est réciproque.

Et toute heureuse, je lui prends la main et l'entraîne vers les grilles du palais où doit nous attendre Isak. Nous sommes inquiets maintenant. Nous savons que La Berlue commencera bientôt à agir. Et pour découvrir quand, je ne vois qu'une solution : le suivre lors de ses déplacements.

Il n'est pas dur à trouver : il s'est placé sur un estrade au milieu de la place principale et joue le pitre devant des jeunes hommes euphoriques et des femmes scandalisées. Moi, cela me dégoûte. Cette Berlue n'est qu'illusion et je ne comprends pas comment on peut vouloir être une personne pareille.

En attendant qu'il finisse son spectacle, nous nous asseyons sur un muret en pierre. J'observe la population face à moi, et puis mes deux amis.

Isak a beau savoir que La Berlue est méchant, il semble lui aussi gagné par le charisme de l'étoile de mer. Le mal corrompt facilement.

Quant à Azel, il est en proie à une profonde agitation depuis quelques instants. Il ne cesse de regarder derrière comme s'il voulait fuir et me jette de temps en temps un regard fou et un peu inquiet. Appercevant mon coup d'œil, il me lance un sourire crispé et un peu angoissé.

Je me reconcentre sur le spectacle... Jusqu'à ce que l'ennui me gagne tout à fait et que je cherche une boutique où acheter quelques douceurs pour passer le temps. Mes deux amis me regardent me lever avec un soupçon d'inquiétude.

La marchande de sucres d'orge m'accueille avec sa bonne humeur habituelle. Je débite quelques banalités, heureuse de converser un peu avec elle. Elle me dit que le tumulte s'est partiellement calmé : les habitants ont accepté l'état de guerre. Mais La Berlue est toujours sujet à provoquer de nombreux troubles. Espérons que la situation s'arrangera pour le mieux...

- Mais ma puce, je suppose que tu n'es pas venue ici pour discuter avec une vieille dame sans intérêt ?

- Oh mais je prends beaucoup de plaisirs à ces conversations. Mais enfin... Passez-moi trois sucres d'orges, s'il vous plait.

- Ce sera trois sous.

Je mets la main à ma poche.

Ma bourse !
Ma bourse !

Un sentiment d'angoisse me gagne entièrement. Je me retourne soudainement... Isak frétille toujours sur le banc. Azel a disparu.

- Madame, excusez-moi ! Il semble que j'aie un grave problème...

Et je m'enfuis à toutes jambes. Où diable a-t-il pu aller ? Est-ce lui le voleur ? Mais...! J'avais des économies dans cette bourse. Azel, voleur ? Ai-je eu tort de lui faire confiance ?

Une inquiétude terrifiante vient enserrer ma gorge comme un étau. J'ai envie de pleurer. Azel, voleur ? Je lui avais fait confiance !
Pourquoi ? Il était gentil avec moi... Azel, voleur ?

Je n'arrive pas à accepter cela.

- Eh, Perle !

C'est la voix d'Isak. Que veut-il encore celui-là ?

- Perle, où est Azel ?

- C'est ce que je me demande, tu vois ! Répondé-je sèchement. Il m'a volé ma bourse.

Isak tombe des nues. Mais il me fatigue.

Je cours jusqu'à la cachette où je l'avais laissé vivre. Vide. Fébrile, je retourne devant les grilles du château. Personne. Je reviens à la place où nous étions d'abord. Il n'y est pas.

- Il n'a pas pu me faire cela... Je me sens...

- Trahie ? Murmure Isak.

- Il devait être jaloux. Après tout, je suis princesse.

Je m'arrête, pause un doigt sur mes lèvres et ajoute :

- Qui est-il ?

- Quel est son passé ? Se demande encore Isak.

- Oh ! Azel, Azel, Azel ! Quel soucis tu nous donnes !

- Et si j'étais venue résoudre ces soucis aussitôt après les avoir créés, dit une voix dernière nous.

Azel. Penaud, la mine contrite, bourse en main. C'est à la fois un immense soulagement de le revoir mais également une grande colère. Il m'a fait si peur ! Je le tance du regard. Oui, je suis fâchée et toi, tu as intérêt à avoir une bonne défense.

- Pardonne-moi Perle. Je sais que...

- Tu es un voleur...

- Je voulais vivre par mes propres moyens, indépendant.

- Mais je t'aidais, moi ! Azel, Azel ! Tu es jeune. Tu es presque un enfant aussi. Tu n'as donc pas de famille ?

Une nouvelle fois, je vois ses yeux briller d'un éclat métallique. Mais quel est donc son secret ?

- Non, répond-il sèchement.

- Azel...

Je lui prends ses deux mains et le regarde gentiment, avec un peu de pitié. Ses traits s'adoucissent.

- Je regrette, Perle ! Je regrette ! C'est pour cela que je suis revenu aussitôt après avoir volé la bourse.

- Eh bien, garde-la. Tu en as plus besoin que moi. Et même, je te pardonne entièrement. Tu vois, mon ami, ma philosophie ne tiendrait pas la route si je ne la mettais pas un peu en pratique.

Et tous les trois, nous nous adressons un large sourire.

Mon château de sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant