XVIII - Mea culpa (1)

204 44 30
                                    

- Perle...

Où est la clé ? Où suis-je ? Il fait noir...

- Perle, j'ai mal.

Oh ! J'ai failli... J'ai failli à mon devoir et j'ai honte. Oh ! J'ai tellement honte... Je ne veux plus bouger, je veux juster pleurer.

- Perle, j'ai peur.

Je me sens si misérable. Et que va dire papa ? Et que vont dire les habitants du château ? Que vont-ils dire, tous ? Oh, je suis méprisable.

- Perle... J'ai si mal.

Sa voix n'est qu'un murmure, un gémissement. Je voudrais tellement être seule. Tout courage s'est envolé. Je suis simplement fatiguée et désespérée.

- Perle, ce n'est pas à moi d'avoir du courage. J'ai mal...

Que dit-il ? Ne veut-il pas se taire ? Oh, n'a-t-il pas vu ce qui vient de se passer ?

- Perle, s'il te plait... J'ai mal.

Il sanglote doucement. Moi aussi. Je sais au fond de moi qu'il a raison. Mais je ne veux pas agir. J'ai trop peur.

- Je n'ai pas la force de te faire la morale, Perle. S'il te plait.

S'il pouvait se taire...!

- Mais je vois bien que je n'ai pas le choix, malheureusement, Perle. Tu es dure et naïve. Tu croyais donc que c'était facile d'être vertueux et aimant ? Oh, la réalité est dure à accepter, n'est-ce pas ? Oublie comme c'est difficile et pense aux sourires que tu as fait naître quand tu aimais simplement.

Je voudrais être loin d'ici.

- Tu es princesse, Perle. Ce devoir, tu dois le remplir parfaitement. Tu as beaucoup reçu, maintenant c'est le moment de donner beaucoup.

Il a raison, il a raison. Mais j'ai peur.

- J'ai mal, Perle !

Va, file. Il faut aider.

- Prends mon bras, répliqué-je en me levant.

Et nous partons. J'ai décidé d'aller le mettre à l'abri au palais avant de courir remplir mon devoir. On comptait sur moi. Ils ont tous été extraordinaires et moi j'ai failli. La ville presque victorieuse va tomber par ma faute.

Mais je n'ai pas le temps de courir jusqu'à la porte. Une première vague de soldats-gouttes arrive à ma rencontre, à une vitesse folle. Que faire ?

Je grimpe la rue pour me retrouver sur une colline un peu en hauteur. Ainsi j'échaperai à cette première vague de dégâts. Mais je devine que le niveau montera rapidement et qu'il me faut faire vite.

Par où passer ? Les remparts doivent être envahis... Le niveau de l'eau monte. C'est ma bêtise. C'est ma faute. Je suis coupable et méprisable.

Je vais grimper sur le toit.

Une maison a sa porte grande ouverte, reste de la bataille. Je m'y précipite mais l'eau me suit en hurlant. C'est ta faute, Perle. Dépêche-toi !

Je saute les marches des escaliers deux à deux mais le flot sautille gaiement et me rattrape. Les soldats-gouttes aggripent mes jambes. Je ne veux pas tomber, je veux résister, je veux les sauver !

Oh, j'ai le souffle court à force de lutter. Et maintenant, il n'y a plus d'escalier. Comment faire ?

Et bien, osons, folie ! De toutes façons je ne vois pas d'autres choix... Je passe par la fenêtre et tente d'escalader pour passer sur le toit. C'est maintenant que les soldats-gouttes se montrent les plus virulents et que je manque de glisser à de nombreuses reprises. Mais la détermination, cela marche très bien. Je parviens au sommet.

Ce moyen me permet d'atteindre plus rapidement que je ne le pensais les portes du château. Grandes ouvertes, comment les fermer ? Je crois que l'on ne peut plus maintenant que la mer nous a envahi. La mer et son armée de soldats-gouttes, rapides, destructeurs.

Là ! Je vois la moule qui saute dans l'eau et s'éloigne des murs de la ville. Débarassée. Et juste là ! La Berlue. Lui seul peut nous sauver, si je le contraints à ordonner la retraite, comme maman l'a fait. Il ne m'a pas vu.

Oh Divin ! Faites qu'il ne saute pas dans l'eau.

Mais non, il semble chercher quelque chose. Je remarque qu'il rabat son capuchon, de sorte que je ne vois plus qu'une cape, et il s'élance lui aussi sur les toits, vers le palais.

Je peux peut-être arrêter sa course...

Aïe !

Oh, je n'avais pas vu ! Les remous en-dessous de moi bouillonnent et parviennent quelquefois à m'atteindre, m'erraflant la cheville au passage. Il me faut rester prudente.

J'ai le malheur de jeter un coup d'œil à la rue et mon sang se glace. Il faut dire que les flots se sont inflitrés partout et ont tout détruit. Toute ma ville... Ils ne restent que les murs porteurs et quelques toits. L'eau est devenue noire. Les soldats se sont saisis des objets comme butin. C'est sale, c'est abominable.

Où est La Berlue ?

Je redresse immédiatement la tête. Je ne veux pas croire que tout soit terminé. Je peux encore sauver les habitants du château ! Alors, je cours mais je manque plusieurs fois de tomber.

La Berlue revient vers la palais. À toute vitesse ! Il ne m'a pas vu, mais il est dur à suivre. Il disparaît plusieurs fois derrière des cheminées ou saute de toit en toits. Heureusement, les rues sont étroites et j'ai beaucoup grandi. J'ai maintenant assez de forces pour le suivre.

Que cherche-t-il ? Pourquoi ne saute-t-il pas pour rejoindre les siens ?

Les siens...! Oh ! Comme la réalité est dure à accepter. C'est un dard piquant qui s'infiltre dans mon cœur et me perce de part en part. Les siens, et les miens où sont-ils ?

Papa, maman, May, Isak et Azel ? Oh, comme c'est douloureux lorsqu'on faillit ! Et les autres ont des raisons de me haïr. Je ne veux pas qu'on me haïsse : cela me désole trop.

La Berlue ? Disparu, encore ?

Je presse le pas mais finis par le retrouver. Enfin... Je crois. Car un seconde silhouette identique apparaît dans un coin opposé.

La magie s'en mêle, j'en perds la tête, La Berlue se dédouble !

Mon château de sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant