VII - Famille royale (2)

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Déclaration de guerre, je ne sais pas ce que c'est. Mais je préfère me taire parce que je comprends bien l'importance de cette déclaration. Je ne veux pas que papa soit déçu par mes questions stupides.

Mais la guerre, j'en ai déjà entendu parler et je sais que c'est quelque chose d'atroce. Non, non... Il faut l'éviter sinon le bonheur du château de sable s'envolera.

- Papa ? Y-a-t-il un moyen d'éviter cela ?

- Très bonne question, ma puce. Bravo. Discuter avec la mer ne servirait à rien : elle est trop déterminée à faire sa conquête.

- Je te coupe, intervient tout à coup maman, mais pourquoi la mer veut-elle la guerre ?

- Elle nous dit rechercher une sphère de co-prosperité...

Maman fronce les sourcils avant d'acquiescer silencieusement. Papa lui jette un regard inquiet avant de continuer pour moi :

- Donc discuter, le mot exact est négocier, mais pour cela il faut pouvoir trouver un terrain d'entente avec l'autre parti. Cependant, nous n'avons rien à lui céder ou nous ne voulons pas : ni territoires, ni richesses... La mer ne semble même pas vouloir négocier.

- Donc il faut combattre ?

- Pour l'instant je ne vois pas d'autres solutions.

J'ai peur : la guerre n'est-ce pas cette chose atroce où l'on meurt ? Où l'on se combat ? La guerre, le mal, le méchant... Dans mon esprit les limites sont encore relativement floues et j'ai du mal à voir une différence. Papa continue :

- Je vais lever une armée, ouvrir les portes de l'université d'architecture à un plus grand nombre de personnes, commencer une collecte de don, prévenir les familles qui souhaitent s'exiler...

- Ta décision était donc déjà prise, se désole maman.

- Oui. Mais si vous y êtes fortement opposées, je me soumettrais.

- Pourquoi est-ce que tu ne demandes pas l'exil de tout le château, nous compris ? La mer est forte et ce serait un moyen de tous nous sauver.

- Abandonner le château ? Nous avons déjà repoussé la mer : nous sommes capables de la vaincre. La déroute, c'est faiblir.

Je me sens perdue mais devant tant de raisonnements complexes je ne peux m'empêcher d'admirer papa : il est vraiment extraordinaire.

- Ma question était stupide, excuse-moi, ajoute précipitamment maman

- Crois-moi nous avons longuement réfléchi à cette solution. Mais ce château est le nôtre, pas celui de la mer. C'est notre histoire, nos souvenirs, nos vies, notre identité !L'abandonner en d'autres mains que les nôtres, ce serait risquer sa beauté et le déformer.

- Perle, tu veux bien sortir ? Demande maman en me jetant un regard torve.

- Moi, je ne veux pas qu'on fasse de mal au château, annoncé-je en me levant, mais je n'aime pas la guerre. Se défendre, ce n'est pas être méchant, n'est-ce pas ?

- Non, ma puce.

- Alors je propose que nous nous défendions très vaillamment et que nous repoussions la mer très très loin.

- C'est une excellente proposition, princesse, et je tiendrai compte de ta remarque, me dit papa d'un ton grave.

En sortant, May me saute dessus en piaillant. Je ne comprends rien à ses cris et lui demande de se calmer et de me suivre.

Une fois dans ma chambre, elle prend sa petite mine insupportable et hésitante, fait tourner sa robe dans tous les sens, et finit par questionner :

- Qu'est-ce que papa t'a dit ?

Alerte ! Mon instinct d'aînée me crie de ne pas lui révéler la vérité de façon trop crue afin de la protéger !

- May, lui murmuré-je en lui prenant les mains et en m'accroupissant pour être à son niveau. May, tu vas vite remarquer de l'agitation dans la ville.

- N'y-en-a-t-il pas déjà ?

- Plus d'animation qu'actuellement.

- Pourquoi ?

- Parce que des méchants vont venir nous attaquer. Mais ne t'inquiète pas, papa est très fort.

- Tant mieux alors ! Et j'ai ma grande sœur pour me protéger aussi, s'exclame-t-elle en ouvrant grand les bras et en plongeant vers moi pour un câlin.

Ce que j'aime ma famille ! C'est vrai que j'ai souvent tendance à les oublier. Mais leurs sourires, leurs tendresses qui me réjouissent le cœur et leur amour m'apaisent et me réconfortent toujours. Je crois que même lorsqu'ils se fâchent avec moi je les aime toujours. Je les aimerai toujours.

Je sais, je sais... Aimer c'est bien mignon mais l'action et l'aventure c'est mille fois plus fascinant. Il n'empêche qu'avec la guerre qui approche je sens que le monde partira en cacahuète. Il deviendra d'ailleurs d'autant plus intéressant de surveiller notre Berlue préféré.

La guerre, cela voudra dire l'insécurité, le tumulte, les intrigues. Et... La Berlue cherchera à retrouver cette clé !

Il faut que j'aille voir Azel et Isak. Tant pis si maman refuse : j'ai besoin de les voir pour poursuivre l'enquête. La nouvelle que je viens d'apprendre apporte une nouvelle dimension à notre enquête.

Je descends dans la grande cour. Le soir approche déjà. J'ai le mince espoir que... Mes amis sont absolument incroyables ! Arrivée près des grilles, je les vois assis sur un muret en train de rire et de m'attendre. Lorsqu'ils m'apperçoivent, leurs visages s'éclairent et ils courent me rejoindre :

- Perle !

- Pourquoi n'es-tu pas venue ?

- Maman ne voulait pas que je sorte. Mais ce n'est pas grave.

J'hésite à leur dire de façon trop crue la nouvelle que je viens d'apprendre. C'est peut-être encore secret...

- La mer veut attaquer... Peut-être aurons-nous la guerre, dis-je alors précipitamment. Mais ne vous inquietez pas, mon papa est le plus extraordinaire des papas et il sauvera toute la ville.

Azel et Isak réagissent au quart de tour - la guerre semble peu les importer mais leur fierté les chatouille terriblement.

- C'est faux ! C'est mon papa le meilleur !

- Non le mien !

- Et d'abord, vous ne savez pas tout de mon papa, s'écrie encore Isak d'un ton désespéré que je ne lui avais jamais vu.

Non, je ne sais pas tout. Néanmoins, il pique tout d'un coup ma curiosité. Je veux parler mais Azel me coupe la parole :

- Perle, la clé, si la mer attaque...

- Il nous faut la protéger !

- Et pour cela, découvrir où elle se trouve.

Mon château de sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant