J'entends crier derrière moi. Isak vient de faire un bond en avant et court devant, bientôt suivi par Azel. Des pas lourds battent les pavés et je crie également avant de suivre le mouvement de mes deux amis. Les hommes nous rattrapent : nous n'avons que de toutes petites jambes. Le palais est encore loin. Alors comment leur échapper ?
- Il ne faut pas nous séparer, souffle Isak. S'ils attrapaient l'un de nous, nous ne le saurions pas. Mais si vous avez du courage et des forces, suivez-moi !
Et je le vois s'engouffrer dans une vieille grange un peu délabrée. Il grimpe deux à deux les échelons d'une pauvre échelle brinquebalante et nous le suivons, haletants.
- Où nous emmènes-tu ? Lui crié-je inquiète.
- Vous verrez !
Azel m'a laissé passer devant, de sorte qu'il est maintenant le dernier. Je lui jette de temps à autres un coup d'œil pour m'assurer qu'il suit bien.
Nous arrivons dans un vieux grenier où la paille s'entasse. L'endroit serait idéal pour se cacher mais Azel me pousse en me soufflant à l'oreille :
- Continue, vite ! Ils sont justes derrière.
Isak décide alors de faire une folie et grimpe sur les toits. De vieux toits de bidonville... Je ne savais même pas qu'une telle misère pouvait exister. Mais il ne s'arrête pas là et tourne aussitôt vers un étroit escalier qui redescend au sol. Nous sommes passés derrière cette vieille grange, dans une autre rue.
Aussitôt, Isak m'attrape et me pousse dans l'ombre en murmurant au passage :
- Accroupie ! Peut-être que ces détours suffiront...
Je retiens mon souffle mais mon esprit marche à toute allure. Comment sortir d'ici ? Qui sont ces trois personnes ? Que nous veulent-elles ? Sommes-nous assez cachés ?
Mes deux amis m'encadrent et me rassurent. Que pourrait-il nous arriver ?
Et cependant, l'escalier grince soudainement sous le poids d'une personne, suivie d'une autre et d'une autre encore. Devant nous, sous la lumière d'un maigre rayon de soleil, trois ombres se découpent. Trois ombres effrayantes. Oh ! Divin, si tu m'entends, c'est le moment de montrer ta toute puissance !
Nous sommes bien dissimulés dans le noir et cependant je devine que ces sbires vont chercher autour de cet escalier avant d'explorer la rue. Je me tasse plus encore.
Et nous les entendons parler...
- Cherche par ici, Joe. Je suis sûr qu'ils ne sont pas loin.
- Tu penses... Des enfants ! Aussi quelle idée de nous avoir envoyés tous les trois pour trois pauvres mioches !
- Quelle vie !
Et ils se taisent de nouveau. Je prends alors la résolution de refréner ma colère pour les aimer... Et je commence à percevoir ce qui les rend uniques et beaux.
Je tâtonne à terre jusqu'à récupérer un caillou que je lance le plus loin possible. Les trois sbires se précipitent dans cette direction tandis que j'entraîne mes amis dans une autre.
- Là ! Crie une première ombre en nous voyant détaler.
Un autre s'apprête à bander son arc mais le troisième le retient :
- Si tu en tues un, nous sommes cuits.
Je comprends alors que mon statut de princesse, une fois de plus, me protège. Et je m'arrête.
- Qu'est-ce que vous nous voulez ? Nous ne sommes que des enfants...
- Le maître a dit que vous en aviez trop vu.
- Nous tuer ? Ajouté-je en tremblant.
- Toi tu ne mourras pas. Tu es bien trop précieuse...
Un pas...
- Pourquoi faites-vous cela ? Vous savez : vous êtes des personnes extraordinaires. Mais lorsque vous laissez vos mauvais sentiments vous envahir...
- Notre petite princesse nous fait-elle la leçon ?
Un deuxième pas. Ils continuent d'avancer, il va falloir que je parte. Mais j'ai l'infime espoir... Que je peux les sauver.
- Ne gachez pas le trésor qui repose en vous.
- Perle, nous devrions y aller, souffle à mon oreille un Azel affolé.
Trois pas.
- Princesse, vos paroles sonnent creuses. Comment mettre ces raisons en pratique ?
- Vous admettez donc que j'ai raison. C'est un bon début.
Quatre pas. L'un des sbires se trouve juste devant moi, le regard dur et les lèvres pincées. Il tient un couteau dans sa main qu'il pointe vers ma poitrine.
- Vous ne pouvez pas me tuer, ajouté-je dans un souffle.
- J'ai d'autres possibilités, murmure-t-il en dessinant sur mon ventre avec le couteau.
- Êtes-vous heureux ? À l'évidence non.
- Taisez-vous, princesse de malheur ! Vos leçons d'amour ne marchent que pour les quelques enfants privilégiés qui n'ont jamais eu à souffrir. Hein ? Souffrir ? Vous ne savez pas ce que c'est, n'est-ce pas ? L'extrême misère, la mort, les dettes... Oh mais ce sont des choses qu'une petite perle comme vous ne peut pas comprendre ! Du moins jusqu'à aujourd'hui parce que mon couteau aussi a envie de vous donner quelques leçons... Apprendre la souffrance...
Alors Azel me pousse en arrière et me hurle de courir. J'ai si peur tout à coup que je détale sans demander mon reste. Isak m'attrape la main et me tire vers l'avant. Qui sont ces brutes ? Et qu'ont-elles dit ? Oh Divin... Je ne comprends plus rien...
- Le palais, me dit Isak.
Les grilles sont fermées. Je peux escalader sans trop de soucis mais le plus complexe sera d'ouvrir la porte de l'intérieur. Bon, arrivée. Je me tourne vers Isak... Et blêmis.
- Azel ?
- Azel ? Oh ! Il n'a pas suivi...
- Penses-tu qu'il aura réussi à s'échapper ?
Mon ami ne répond rien mais me lance un regard explicite. Non.
- Qu'avons-nous fait...
- Perle, ton dialogue était de la pure folie mais j'ai été impressionné.
- Il a dit que souffrir...
- Parfois, tu es stupide Perle, rit-il doucement. Crois-tu que je n'ai jamais souffert ? Et pourtant, je prends sur moi pour voir la vie sous le plus bel angle possible.
- Aujourd'hui, grommelé-je, la vie n'est pas belle. Et Azel ?
Je grimpe la grille en m'arcboutant pour parvenir en haut avant de traverser la cour et d'arriver aux portes. Là, tant pis, plus de retenue, je tappe de toutes mes forces contre la porte en criant. Une servante vient m'ouvrir et je m'effronde dans ses bras en pleurant.
Azel ?
Je publie maintenant le mardi et le samedi.
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Mon château de sable
FantasyQuand le conte et l'amour s'invitent dans la Fantasy... Redevenez enfant. Unique en amour Aimer Mon château d'un jour Donner Le lien qui nous lie Aimer Devient si joli Donner Et la vie est telle Aimer Et la vie est belle Perle voudrait changer le mo...