Épilogue

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J'ai pardonné. Un pardon qui s'est peu à peu étendu sur toute la ville. Il avait suffi de lancer le mouvement.

Déterminée et grave, j'ai défendu Azel pendant tout le procès. Ma fermeté et mes sentiments partiellement dévoilés ont touché la population du château de sable. Azel a été gracié. Nous sommes tous les deux sortis du tribunal sous les hourras d'une foule : un "je l'aime" avait suffi pour conquérir les cœurs.

Isak et May, pendant tout ce temps-là, avaient disparu je ne sais où. J'ai appris plus tard que l'amour les avait gagnés également à sa cause. Leur joie-de-vivre commune s'alliait si bien que je n'en fus guère étonnée. Et je n'ai pas oublié de donner à mon ami la médaille du sans-gêne.

On condamna La Berlue et la moule à la prison. Je suis allée les visiter, de nombreuses fois, et j'ai, difficilement, fini par apprécier leur compagnie. À leur sortie de prison, La Berlue épousa Violette et devint un médecin très reconnu. Sans oublier les méfaits qu'il avait commis par le passé, on finit par dire qu'il avait changé.

La moule disparut.

Maintenant, je me suis pendue au bras d'Azel et nous sommes sortis hors des remparts. Il ne dit rien et laisse le silence parler pour lui, mais je crois entendre son cœur murmurer des promesses et des compliments. Je frémis.

La mer est face à nous, danger constant mais que nous savons affronter si nous faisons corps contre elle. Azel remarque la trace de mélancolie dans mes yeux et se met devant moi pour me cacher sa vue. Il prend mes deux mains, pose un genou à terre et sourit, du plus beau sourire que l'on puisse faire en ce monde :

- Princesse, veux-tu m'épouser ?

Il est beau, Azel, lorsqu'il me dit ces mots. Je le regarde avec admiration. Mais des souvenirs reviennent... Ces mots sont à la fin de nos difficultés. Et les images défilent rapidement dans mon esprit, à une allure presque démentielle. Sa rencontre, l'emprisonnement, La Berlue... Et puis cette course-poursuite où Azel nous fut arrachés. Je ne peux m'empêcher d'être assaillie par le souvenir de la bataille, de la défaite et de notre rébellion où maman s'est sacrifiée. Ce sont des images qui agressent mon cœur et le malmènent. Je vois Azel partout, enfant, sauveur, ou traître. Comme une hallucination, j'ai l'impression qu'il se tient derrière maman et qu'il la tire vers la mer dans un affreux ricanement.

Je crois que j'ai vécu ces difficultés trop jeune.

Alors je tente de sourire, et cette fois-ci ce sont les espoirs et les rires qui m'envahissent. Je me rappelle les sourires, les blagues de mes amis. Je me rappelle les sentiments forts qui ont bouleversé nos cœurs, au beau milieu de l'enquête et au cœur de l'action... Ils étaient beaux, mes amis, et braves. Je me rappelle mon pardon...

Azel me regarde toujours et je plonge mon regard dans le sien...

- Je t'aime.

Ce sentiment qui m'attache à Azel, j'ai encore du mal à bien le définir. Mais je sais qu'aimer c'est quelquefois un choix, et c'est vouloir du bien. Je crois que tout le monde mérite d'être aimés, mais que notre amour peut être à des degrés différents. Parce que cela apporte de la joie, de la valeur aux personnes et que cela change le monde et les cœurs... Mais cela ne se fait pas simplement. Détermination et bienveillance sont les bienvenues. Aimer, sans limite ! Maman, ma tendre, ma douce, ma courageuse maman est bien allée jusqu'au sacrifice !

Et vous savez quoi ? Le pardon est une voix essentielle pour aimer.

- Je t'aime.

- Perle, veux-tu m'épouser ?

- Oui, je veux t'épouser...

Azel s'est approché pour m'embrasser. Romantique, beau, heureux...

Aimer, plus fort que la haine.

Et si nous terminions là ? Et si nous nous arrêtions sur nos deux personnes enlacées, oubliées, sur le sable doré ? Ou peut-être préférez-vous que je conclue par ces mots :

Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants.

Peut-être... Mais non, moi je veux aussi rajouter :

Et ils aimèrent.

Mon château de sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant