Azel m'attrape soudainement le bras et me dit :
- S'il est ici, c'est que sa maison doit être vide. Ce serait une occasion unique pour aller la fouiller.
J'hésite. La proposition est tentante mais je brûle également de savoir ce que fait La Berlue dans ce vieux quartier.
- Non.
Nous reprenons notre marche silencieusement. La Berlue est devant, pressé. Il se faufile rapidement entre les ruelles et peu s'en faut que nous le perdions de vue. Finalement, nous le voyons frapper à la porte d'une petite maison brinquebalante. Nous observons attentivement les lieux : c'est un passage sombre et sale, un peu pauvre. Le vent passe dans ce couloir étroit dans un hurlement sinistre et nous fait frissonner. Isak murmure impressionné :
- Sidérant... Comme dans une histoire d'horreur...
- La Berlue est très fort, nous dit Azel incrédule, il parvient à être hilarant et effrayant à la fois.
- C'est vrai, il est très fort. Mais taisez-vous : il rentre.
Je leur fais signe d'avancer et nous sautons jusqu'au porche près de cette fameuse porte. Isak émet un petit rire nerveux et se saisit d'une vieille couverture qui traînait dans un tas d'immondices.
- J'ai l'habitude de jouer au mendiant. Je vais m'asseoir dos à la fenêtre ainsi j'entendrai mieux.
Il disparait sous sa cape improvisée et va s'asseoir à la place dite. Immobile, le regard un peu triste, le visage dissimulé dans l'ombre, il est l'image parfaite de... De... De ce qu'il est réellement. Mon cœur se retourne.
Azel me serre très fort la main avant de me chuchoter à l'oreille :
- J'observe la rue. Souffle un peu, repose-toi, princesse.
- Je préfère veiller également. S'il arrivait malheur, je ne me le pardonnerais pas.
Il ne me répond pas mais je le vois sourire timidement avec admiration.
Adossés contre un mur et le regard perçant. C'est l'attente qui commence. J'entends goutter du toit les dernières pluies. Dans un léger scintillement, le bruit régulier et fluet résonne dans la ruelle. Ce doux chant contribue à apaiser mon angoisse et à poser sur mes lèvres un tendre sourire. J'aime mon château pour cette eau qui lui offre un beau manteau miroitant.
Je ne vois d'abord pas Azel qui m'observe affectueusement.
Je croise son regard. C'est un gentil ami qui prend soin de moi et qui m'apprécie. Je lui souris. L'amitié, cela rend si heureux !
- Azel ? Comment font ceux qui ne sont pas aimés ?
- Tu as toujours reçu tout l'amour dont tu avais besoin, princesse, et tu l'as prodigué avec générosité, contribuant au bonheur des autres. Mais nombreux sont ceux qui ont grandi dans le malheur et la haine.
- Comment est-ce qu'ils ont fait pour vivre heureux ?
- Ils ont cherché le bonheur mais dans les addictions, les passions et l'éphémère. La richesse ; le pouvoir ; la gloire : les vanités...
- Tous ?
- À des degrés différents, princesse.
- Méchant parce qu'on est malheureux... Et si on est gentil avec les méchants, celui-ci pourra-t-il redevenir...
- Gentil ?
- Oui.
- Je ne sais pas. Je crois.
Isak se lève de son coin, soudain troublé. Il laisse glisser de ses épaules la vieille couverture avant de me prendre par le bras et de nous entraîner hors de ces petites ruelles. Lorsque nous parvenons à une petite place, il s'affale presque sur les marches menant à une petite fontaine et met sa tête entre ses mains. Il halète.
- J'ai eu peur, nous souffle-t-il.
- Pourquoi ?
- Parce que La Berlue tenait un discours étrange. Je n'ai pas tout compris mais...
- Mais ?
- Mais...? Insiste encore Azel.
- Mais je vais tout vous dire. Du moins ce que j'ai compris.
L'appréhension au cœur et particulièrement curieuse, je m'assieds à ses côtés.
- Il a rejeté Violette mais ce n'est pas la seule. Plusieurs ont succombé à ses charmes et à son sourire ravageur avant qu'il ne les renvoie. Il promet des illusions pour ensuite briser les cœurs. Violette lui était bien utile pour son spectacle. Mais quand elle l'a lassé, il l'a rejetée.
- Pourquoi ? Un illusioniste a-t-il donc une réelle personnalité ou son vrai être n'est-il qu'illusion ?
- Perle, il veut quelque chose. Je l'entendais répéter comme un fou : je trouverai, je trouverai, je trouverai.
- Je trouverai.
- La clé, la clé, je la trouverai, poursuit Isak le regard ferme et dur. J'accomplirai au moins une bonne action dans ma vie. Une. Une bonne.
- Il disait cela ? M'étonné-je.
- Comme un fou ? Ajouta Azel.
- Exactement.
Je me mords la lèvre inférieure avant de me tourner vers Azel :
- Crois-tu qu'il a eu une enfance malheureuse ?
- Peut-être.
- Moi, je voudrais savoir ce que c'est que cette clé, nous dit alors Isak sérieux.
C'est vrai qu'il est rarement aussi sérieux. Mais si ce qu'il a dit est vrai, alors entendre La Berlue parler avec autant de fièvre de ses projets devait être bien effrayant. Il a du courage, Isak.
Cette clé donc. Il doit bien exister des miliers de clés dans la ville alors laquelle pourrait revêtir autant d'importance aux yeux de La Berlue pour qu'il se déplace jusqu'à notre château ? Un mystère ?
- Perle, ajoute encore Isak. Toi, aurais-tu entendu parler par ton père de telle ou telle clé importante ?
- Je ne crois pas non. Mais qu'est-ce qu'il y aurait à protéger ici ? La ville ? De qui donc ? Le palais ? Le peuple est calme et aime son roi.
- Et sa princesse, me sourit Azel dans un clin d'œil touchant.
- Oui, rié-je. Mais quoi d'autre...
- Perle, Perle moi je sais ce qu'il est important de protéger. Je sais quelle est cette clé.
- Mais Azel ?
- Je ne t'ai pas raconté ce que j'avais fait avant de te rencontrer. Je ne t'ai pas raconté qui j'étais. Mais j'ai pu apprendre quelques secrets sur la ville, Perle. Des secrets que même toi ne dois pas connaître. Et un secret que garde jalousement le roi ton père.
Un secret ?
- Il y a un danger pour la ville, un danger que beaucoup sous-estime trop : il s'agit de la mer.
Papa peste souvent contre l'océan.
- Et le jour où la mer viendra frapper chez nous, notre seule sécurité résidera en cette clé unique et précieusement gardée par le roi ton père : la clé des portes du château.
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Mon château de sable
FantasiQuand le conte et l'amour s'invitent dans la Fantasy... Redevenez enfant. Unique en amour Aimer Mon château d'un jour Donner Le lien qui nous lie Aimer Devient si joli Donner Et la vie est telle Aimer Et la vie est belle Perle voudrait changer le mo...