IV - Mission : aider (1)

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J'ai envie d'être très gentille et faire une bonne action. C'est décidé, c'est ainsi.

J'ai dit à Isak que je parlerai de lui au repas.

Alors j'ai mis ma robe blanche hier au dîner, celle qui fait sage. À table, papa m'a demandé ce que j'ai fait. Et je lui ai dis :

- En ville, je me suis fait un ami.

- Un ami ? A sourit mon papa.

- Oui, et il s'appelle Isak. Mais justement papa et maman... Est-ce qu'il peut devenir mon ami officiel ?

- Ça existe les amis officiels ? S'est étonné May en ouvrant de petits yeux ronds.

- Non, cela n'existe pas, ma chérie, a rétorqué doucement maman. De qui est-il le fils, ton Isak ?

Je me suis rembrunie et ai murmuré tristement :

- D'un mendiant.

J'ai attendu que mes parents réagissent mais un blanc assez embarrassant a suivi ma réponse.

- Il est gentil, Isak. Très gentil.

- Je n'en doute pas. Veux-tu que nous lui fassions parvenir une petite bourse régulièrement ?

- Oui je veux bien !

Réussi ! J'ai fais ma bonne action ! Enfin : une. Mais je voudrais en faire dix mille.

Isak s'est assis sur un muret devant les grilles du palais et me regarde approcher la mine songeuse. À quoi pense-t-il donc ? Mais quand j'arrive à sa hauteur, il saute à terre et me prend les mains :

- Bonjour Perle.

- Je te trouve bien sérieux.

Il ne me réponds pas et commence à marcher vers le centre-ville. Tout en le suivant, je ne peux m'empêcher d'être profondément étonnée.

- Isak ?

Il continue de se taire. Je suis embarassée : comment réagir ? Était-ce une si bonne idée de lui demander de venir ?

- Isak ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Il soupire.

- Mais réponds-moi Isak !

Cette fois je m'arrête carrément. Il me sourit timidement :

- Ce ne sont pas des pensées très importantes.

- Qu'est-ce que tu en sais ?

- Si tu veux... Je me demandais pourquoi tu avais toutes ces richesses.

- Et pas toi ?

Ma voix a pris un ton diférent quand j'ai compris ce qui le turlupinait. Cette pensée me trotte également dans la tête depuis un certain temps. Mais je n'ai pas de réponses. Alors je me tais, plus embarassée encore.

- Peut-être que la richesse ne rend pas heureux et que le hasard a disposé les sources de joie un peu partout... Dis-je peu convaincue de la réponse. Ou peut-être qu'un jour toutes les richesses seront égales et le monde heureux.

Il ne me regarde même pas et garde une mine pensive. Il y a urgence : je dois lui montrer que je suis généreuse et digne d'être son ami.

- Isak ! Regarde-moi !

Il sursaute et m'obéit. Je me mords les lèvres...

- Isak, je t'avais dit que je te présenterai quelqu'un de particulier.

- C'est vrai.

- Il s'appelle Azel. Je voudrais l'aider à s'évader.

Isak se tourne vers moi effaré et porte la main à sa bouche. Il fronce les sourcils avec inquiétude avant de me toucher le front.

- Non, tu n'as pas de fièvre...

- Eh oh ! Je vais bien, hein ? Ce n'est pas une maladie de vouloir aider les gens.

- Mais les faire évader de prison, on touche à la folie.

- Il n'a rien fait.

- Qu'est-ce que tu en sais ?

- Et puis qu'importe, il a peut-être une part de mauvais, méchant, laid, noir... Appelle cela comme tu le veux. Mais il a aussi un côté en or. Et moi j'aime beaucoup le côté en or d'Azel. D'ailleurs j'aime le côté en or de tout le monde. Alors je veux l'aider. Tu m'aides ?

- Oui je t'aide !

Tout au long de ma petite tirade, les yeux d'Isak ont pris de plus en plus d'éclat jusqu'à pétiller comme des paillettes. Il agitait la tête en balancant sa grande houpette. Il a crié cette dernière phrase avant de partir dans un joyeux éclat de rire que j'ai partagé. Puis il m'a pris dans ses bras et s'est mis à sautiller en chantonnant :

- J'aime quand tu n'es pas la petite princesse renfermée dans sa tour ! J'aime quand tu te fâches et que tu ries comme n'importe qui !

- Pourquoi devrais-je être diférente ?

- Je ne sais pas... Papa m'a parlé de l'orgueil...

- Bon arrêtons avec tout cela : c'est trop compliqué et ennuyeux. Azel est en prison. Espion, êtes-vous prêt à remplir votre première mission pour votre reine préférée ?

- Non, réplique-t-il avec sérieux. Mais pour mon pingouin préféré, oui je suis prêt.

Il a un culot, celui-là !

- Alors allons-y.

- Tu as un plan, Perle ?

- Oui : on rentre et on le délivre.

- J'approuve, dit-il avec la conviction d'un véritable espion.

Entrer au palais n'est pas difficile. Enfin si, un bémol : je ne peux faire avancer un Isak émerveillé qu'en le tirant par le bras. Ce qu'il peut être fatiguant celui-là à rester immobile et béat au milieu de la cour !

Je ressens un léger pincement au cœur à l'approche des prisons. C'est un lieu obscur et sale qui m'a toujours terrifiée. Les rires de la rue s'effacent. Les sourires s'envolent. Je me tais et avance, glacée par ce froid, par ce vide et par l'appréhension.

Pourquoi est-ce que le claquement sec de nos pas me fait tressaillir ? Pourquoi est-ce que ce silence ne fait qu'accroître mon sentiment de malaise ? Je crispe mes poings, gorge nouée.

- Perle ?

Sursaut !

- Perle, où est-on ?

La voix d'Isak, toute tremblante, me trouble plus encore. Je sais, je suis déjà allée dans les prisons. Mais ici, nous voulons délivrer Azel. C'est différent.

Un garde s'approche.

- Princesse ?

Isak se cache juste à temps dans le renfoncement d'une porte. J'entraîne le garde à l'écart en entamant la conversation :

- Pourquoi avez-vous choisi d'être geolier ?

- Quelle question !

- Je souhaite mieux comprendre l'organisation du château.

Ma main aggripe le trousseau de clés qui pend à sa ceinture, le détache et le pose furtivement sur une chaise.

Maintenant Isak, c'est à toi de jouer. Est-ce que ce que je fais est mal ? Je ressens un petit malaise intérieur...

Mon château de sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant