- Je serai bien ici, dit Azel en jetant un coup d'œil circulaire. Très bien. Merci, princesse.
Je rougis.
- Est-ce que tu vas mieux ? S'inquiète-t-il encore.
Je me suis assise sur un sofa le temps de reprendre mes esprits. J'ai à peu près réussi à ordonner mes pensées bien que le trouble perdure.
- Oui, ça va. Écoutez... La ville a-t-elle connu la guerre récemment ?
Mes deux amis lèvent un sourcil et hochent la tête dans le même mouvement.
- Non ? Vous ne savez pas ?
- Perle, me dit alors Azel, on est jeune. On n'a pas pu tout voir.
- Pourtant toi tu es un peu plus vieux que nous, non ? Il s'est passé quelque chose dans ma plus petite enfance. J'en ai la certitude. Mais ce n'est pas bien grave. Je demanderai à papa.
Je clos l'épisode vertige. Après tout, j'ai d'autres poissons-chats à fouetter.
Azel a une cache maintenant. Les soldats vont certainement engager quelques recherches mais je ne pense pas que cela soit très sérieux. Ils abandonneront vite. Alors maintenant que ce problème est règlé, il serait bon que nous reprennions notre première enquête avec Isak. Peut-être pourrions-nous même y joindre Azel.
- Les amis !
Aussitôt ils se tournent vers moi pour me considérer avec curiosité.
- Les amis, si je vous proposais de poursuivre l'aventure avec une réelle enquête, que diriez-vous ?
- Oh je suis pour !
- Jouer aux espions ?
Leurs yeux brillent. Je suis heureuse. Azel ajoute néanmoins :
- Pour ma future reine, je donnerais ma vie.
Ces paroles résonnent étrangement. Je me sens fière et craintive à la fois : c'est vrai qu'un jour je serai reine. Et pour cela j'ai des devoirs : il faudra que je fasse attention. Je serai reine du plus beau château du monde.
- Perle ?
- Perle, quelle enquête ?
- Les amis, nous allons percer le mystère de La Berlue. D'accord ? Je veux savoir pourquoi l'étoile de mer est venue ici. Tout-à-l'heure, il donne un spectacle. Je vous propose d'abord d'aller nous divertir tout en observant l'ennemi. Et Azel, caché dans la foule, nul ne te reconnaitra.
J'ai réveillé leur enthousiasme. Nous partons pour le grand théâtre, bras dessus bras dessous. Je songe.
Je serai reine. Cette pensée réchauffe mon petit ego. Oh non ! Ce sentiment d'orgueil est trop désagréable parce qu'il est accompagné d'une impression de malaise.
- Isak... Azel...
Ma voix particulièrement douce et timide les surprend. Ils dressent une oreille attentive.
- Je... Quel est le plus important devoir pour une reine ?
- On ne peut pas répondre simplement, Perle. Te rends-tu compte que ta question est complexe ?
- Oui mais... Pour vous ? La première idée qui vous passe par la tête.
Un silence suit ces paroles. Tous deux observent autour d'eux, l'air grave, comme si la réponse allait leur sauter dessus.
- Tu me parlais d'aimer tous ceux que tu croises, Perle, commence Azel.
- Oui.
- Alors lorsque tu seras reine, aime ton peuple, aime le château.
- Le château ?
Isak renchérit :
- Les deux ! Tu peux être amoureuse d'un lieu, non ?
Ah là, je vois très bien ce qu'ils veulent dire. Même si mon château de sable n'est pas une personne, je l'aime à la folie. Mes souvenirs ainsi que sa beauté ont tissé un lien très fort entre nos deux cœurs. Vous ne voyez donc pas qu'il a un cœur mystérieux et pur ?
Et aimer les habitants de ce château, même si cela va de soi c'est tout de même difficile. Dites donc ! Aimer, ça sert beaucoup ! À retenir !
Alors un grand sourire vient éclairer mon visage. Mes yeux pétillent tandis que je redécouvre la ville et je me mets à chantonner :
- Regardez, regardez comme il est beau mon château ! Regardez, regardez comme il est beau !
Mais attention ! Mon rôle de future reine me dicte également d'être juste. C'est pourquoi je sais qu'il me faut mener cette enquête. J'en suis même sûre.
- Le grand théâtre !
Une foule gigantissime se presse autour des marches de l'édifice. J'adresse un rapide clin d'œil à mes deux amis pour leur signifier qu'ils n'ont pas à s'inquiéter. Effectivement, grâce à mon beau sourire (et accessoirement grâce à mon titre) nous parvenons à accéder immédiatement aux meilleures places.
La Berlue arrive à l'heure dite dans l'une de ses glissades dont il a le secret. Il affiche un grand sourire que l'on pourrait qualifier de ravageur et débite son discours avec humour et joie de vivre. Nous rions sans comprendre mais ce n'est pas grave. Quoique je commence à comprendre certaines blagues d'adulte...
- Vous le voyez ce grain de sable ? Vous le voyez, n'est-ce pas ?
Tour de main.
- Ah vous ne le voyez plus ! Et hop il réapparait !
C'est incroyable ! Nous restons tous les trois bouche-bée. Nous croyons avoir la réponse, mais ce n'est qu'illusion. Comme un double jeu directement sur scène.
- Et maintenant mesdames et messieurs, veuillez applaudir mademoiselle Violette !
C'est la vendeuse de fleurs de la rue marchande, vêtue d'une longue robe fleurie justement qui entre en scène. Je me frotte les yeux, croyant rêver. Mais que fait-elle là ?
Il lui prend la main et lui demande (avec son plus beau sourire) d'entrer dans une sorte de tente toute en hauteur. Petit rire charmeur vers l'assemblée. J'ai le cœur qui bat à rompre. Il lève une espèce de baguette en bois et s'écrie :
- Pour ne pas perdre avec les traditions de nos contes : Abracadabra !
Le voile de la tente retombe subitement à terre en même temps que la baguette s'abaisse. La vendeuse a disparu. Je porte une main à ma bouche, étouffant un oh ! de surprise et serre très fort de l'autre le poignet d'Azel. Je l'aimais bien la vendeuse, moi.
- Ne vous inquiétez pas, calmez vos esprits, s'écrie La Berlue en souriant de toutes ses dents.
La salle à mon instar s'est extrêmement agitée. Mais notre prestigidateur semble sûr de lui. Il fait un mouvement ample avec sa baguette tout en clamant une nouvelle fois :
- Abracadabra !
En haut de la scène, d'un balcon que peu avaient remarqué au début du spectacle, la vendeuse de fleurs surgit, vêtue d'une robe bleu marine à vollants. Elle lève deux bras en l'air en signe de victoire avant d'attraper une corde et de se laisser glisser jusqu'au sol.
La Berlue la réceptionne délicatement et pose sur ses lèvres, devant tous les spectateurs, un long baiser passionné.
C'est magique.
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Mon château de sable
FantasyQuand le conte et l'amour s'invitent dans la Fantasy... Redevenez enfant. Unique en amour Aimer Mon château d'un jour Donner Le lien qui nous lie Aimer Devient si joli Donner Et la vie est telle Aimer Et la vie est belle Perle voudrait changer le mo...