Soudain, Isak me donne un grand coup de coude.
- Regarde, Perle ! La Berlue fait une entracte dans son spectacle. Il parle avec une dame à la bouche en forme de moule.
- Ah mais je la reconnais ! C'est celle que nous voyions chaque fois avec La Berlue dans la maison du quartier moyen.
- Cela vous dirait-il de la suivre, elle ? Ajoute encore Isak.
- Oh que oui !
Et en quelques bonds, nous commençons notre filature. Mais il ne nous faut que quelques pas pour comprendre que la moule se dirige vers le palais.
- C'est là, c'est maintenant, murmure Azel. Elle part en mission de repérage pour trouver où se trouve la clé.
Mes deux amis me jettent un regard curieux. Je sais qu'ils brûlent de savoir où elle se trouve mais je ne dirai rien. Je suis gardienne du Divin.
La moule avance rapidement, en se retournant quelquefois pour s'assurer qu'elle n'est pas suivie. Isak est devant, en éclaireur. Il nous dit quand avancer, très professionnel.
Azel est avec moi, heureux. Il ne cesse de me dévorer du regard. Je finis par être gagnée par sa joyeuse humeur et lui demande ce qu'il a.
- Il y a que je me sens aimé et...
- Cela te rend heureux, n'est-ce pas ? M'écrié-je un peu trop fort car Isak se retourne sèchement vers moi en m'intimant de me taire. Cela te rend heureux, Azel ?
- Oui, princesse ! Je suis au septième ciel...
- Ah ah ! J'en étais sûre. Tu vois que ma philosophie marche très bien.
- Je n'en doutais pas une seconde, sourit-il goguenard.
- Vous ne pouvez pas vous taire ? Réplique Isak furieux.
Effectivement, notre moule commence à avoir quelques soupçons et accélère encore. Il devient d'autant plus difficile de la suivre. Mais Isak est très fort.
C'est lorsque nous parvenons aux grilles du palais que les choses se compliquent. Azel a beau n'être que peu recherché, rentrer au palais serait se jeter dans la gueule du loup de mer. Nous jugeons finalement que sa cape le dissimule suffisamment.
- Comment cela se fait-il qu'elle rentre au palais aussi facilement ? Me demande Isak en jetant un bref coup d'œil à la moule.
- Avec l'état de guerre déclaré, de nombreux domestiques ont déserté le château. Nous commençons à être débordés dans les services. Peut-être se présente-t-elle comme domestique potentielle ?
- Cela n'arrange pas nos affaires...
Nous voyons effectivement la moule discuter avec notre responsable domestique. Quelques instants plus tard, elle se pavane dans le palais en uniforme de lingère.
Notre filature est longue... La moule passe en revue tout le palais. Heureusement, elle ne pense pas encore aux tourelles extérieures.
La cave, le grenier - qui nous rappelle de bons souvenirs... La moule passe également un temps indéfini dans le bureau et la chambre de papa. Mais non, elle ne trouve rien et je vois bien que cela la frustre.
Le temps a déjà bien passé quand elle se résout à explorer les tourelles autours du château. Il en existe cinq mais je la vois commencer ses recherches par celle où se trouve la clé. Mon cœur fait un bond !
Mais si je l'interpelle maintenant, elle ne saura pas entre les cinq tourelles laquelle est la bonne.
- Mademoiselle ! Mademoiselle !
D'abord, elle ne semble pas comprendre mais quand finalement elle se retourne, elle affiche une mine furieuse, fâchée sans doute qu'on la dérange dans ses affaires.
- Mademoiselle, au lieu de vous transformer en moule frite à vous dorer au someil ! Cela fait une semaine que personne n'est passé dans ma chambre pour la nettoyer. Pourriez-vous le faire, s'il vous plait ?
C'est un gros mensonge, j'en ai conscience. Nul ne passe jamais dans ma chambre car mes parents tiennent à ce que je fasse le ménage moi-même. Mais pour le moment, je ne vois pas d'autres solutions...
- Qui êtes-vous ? Réplique-t-elle sèchement.
- La princesse Perle.
- C'est que... Je viens de finir mon service et je m'apprêtais à sortir et...
- Vous êtes nouvelle, n'est-ce pas ?
- Oui, répond-elle précipitamment.
- Cela se voit. La sortie est par là.
Et je lui montre l'extrême opposé.
Comprenant qu'elle n'a pas le choix, elle s'esquive. Je me tourne vers mes deux amis et leur dit rapidement :
- Je dois aller voir papa. Si vous pouviez la suivre encore, ce serait bien. Si vous êtes fatigués, tant pis.
Et je les quitte brusquement. Je passe prévenir la responsable domestique de renvoyer cette moule avant de monter au bureau de papa. Il me dit qu'il a bien remis la clé à sa place et je lui explique le danger que nous venons d'éviter.
- Mais tu es devenue une véritable petite espionne en herbe ! S'exclame-t-il amusé.
- Et pas une petite reine en herbe ?
- Aussi.
- Et... Papa... À propos de politique, pourquoi la pluie est-elle si dense ? Pourquoi tant de déserteurs rejoignent notre château ?
- Ils se posent ici mais l'immense majorité quitte ensuite le château. La mer a commencé sa conquête d'expension territoriale. Elle prend de nouveaux territoires tous les jours. Ces pacifistes font tout pour éviter la guerre.
- Papa, pourquoi ne pas lui donner ces territoires ? Tu sais, donner, aimer, cela rend heureux.
- Ce serait une grosse imprudence dans ce cas, ma chérie. Quand tu donnes un cadeau, ce n'est pas parce que la personne l'a réclamé à cor et à cri. Ce doit être une surprise, non ?
- Si, tu as raison.
- Ici, si nous donnons des territoires à la mer, je précise bien dans ce contexte-ci, ce serait une preuve de faiblesse. Et je sais très bien que la mer n'arrêterait pas de réclamer de nouvelles possessions.
- Il y a donc une limite à l'amour ?
- Pas vraiment... C'est simplement qu'en diplomatie les relations n'existent pas ou peu. Je ne sais pas si tu comprends mais je ne vais pas me faire ami avec le roi de la mer... Ou alors ce serait une amitié hors de tout rapport diplomatique. Mais tu verras, ma puce, en grandissant ce sont des nuances que tu saisiras.
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Mon château de sable
FantasyQuand le conte et l'amour s'invitent dans la Fantasy... Redevenez enfant. Unique en amour Aimer Mon château d'un jour Donner Le lien qui nous lie Aimer Devient si joli Donner Et la vie est telle Aimer Et la vie est belle Perle voudrait changer le mo...